Les professeurs et chefs services (passivement) solidaires de la grève du SYNPHOT, leurs homologues enseignants de l’Université lâchent carrément les étudiants
A quoi servent les intellectuels togolais ? Voilà une question qui s’est toujours posée quant au rôle de cette catégorie sociale dans notre pays, légitimée par leur attitude devant les enjeux majeurs. Très souvent, lorsqu’ils ne sont pas indifférents face aux situations qui les interpellent pourtant, ils apportent très simplement leur soutien au pouvoir en place. Et cette problématique s’actualise devant la crise que traverse l’Université de Lomé.
La voix de la raison
Des voix s’étaient élevées entre-temps au sein même des agents de Santé et de l’opinion pour condamner l’indifférence des professeurs agrégés en médecine et chefs services dans les différents Centres hospitaliers universitaires (CHU) face à la lutte menée par le Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (Synphot). Il leur est reproché de se murer dans un silence sépulcral, en tout cas, de ne pas participer activement au mouvement histoire de préserver des intérêts, alors qu’ils auront aussi à bénéficier des acquis de la lutte. C’est certainement sur ce silence qu’a voulu surfer le ministre « xoxotsoin » (nouvel ancien) de la Santé , le Professeur Charles Kondi Agba en allant lundi soir à leur rencontre. Mais la mission s’est soldée par un échec.
Nous l’annoncions déjà dans notre parution d’hier, les professeurs agrégés et chefs services ont craché au « Zorro » de la Santé qu’ils sont solidaires du mouvement du corps médical. En tout cas, à défaut de soutenir ouvertement les grévistes, ils n’entendent rien faire pour nuire à la lutte. Quid de leurs homologues enseignants à l’Université ?
Les enseignants abandonnent les étudiants
Les deux syndicats d’enseignants du supérieur du Togo ont fait samedi dernier des sorties publiques. On retiendra qu’ils appellent tous les étudiants à abandonner la lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie et d’étude et à reprendre les cours. Le Syndicat de l’enseignement du supérieur du Togo (SEST) a essayé de ménager la chèvre et le chou et opté pour un langage assez diplomatique. Il a fait l’effort de ne pas prendre fait et cause pour un camp. C’est ainsi que le syndicat a condamné la violence des deux côtés. Mais la question est de savoir si la langue de bois est encore indiquée devant cette situation. S’agissant des violences, il suffirait par exemple de s’interroger sur ses origines, et le tour serait joué. Elle est venue en premier du côté des autorités universitaires et des corps habillés. Bien qu’il existe une franchise universitaire qui interdise l’intrusion intempestive des forces de l’ordre sur le campus, elle a été violée et ces dernières ont été requises, pour réprimer les étudiants qui voulaient juste aller exprimer de vive voix leurs doléances à la présidence de l’Université, à la Primature et à la présidence de la République. Les manifestants n’auraient été jamais réprimés qu’il n’aurait rien de cassé de la part des étudiants.
L’assommoir est venu du côté du second syndicat. Le Syndicat national de l’enseignement du supérieur (SNES) charge presque les étudiants. « Nous exhortons nos étudiants à abandonner la voie de la violence qui ne peut pas permettre la recherche de solution. En tant qu’enseignants, nous ne comprenons pas, car il nous semble que c’est volontairement qu’ils sont allés à la réunion du 6 juin devant le gouvernement et les autorités universitaires…Alors pourquoi poursuivre le mouvement ?», a pesté son Secrétaire général, Gado Tchangbedi, dans une déclaration lue au nom du syndicat. Il juge même certaines revendications des étudiants irrecevables. « Retirer le LMD serait irresponsable…Le SNES réaffirme le caractère universel du système LMD que le Togo ne peut se permettre de remettre en cause », a-t-il déclaré. A croire que les manifestants ne réclament que l’abandon pur et simple du système LMD, sans aucune alternative. M. Gado a ainsi occulté, sciemment, la demande d’adaptation au contexte togolais faite par les étudiants.
Les enseignants appellent les étudiants à reprendre les cours sans que leurs revendications n’aient été satisfaites. Et pourtant il nous revient qu’en off, ces éminentissimes professeurs trouvent légitimes leurs doléances. Le comble dans cette histoire, c’est que ces appels sont lancés au moment même où le leader de la contestation, le président du Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (Meet), Adou Séibou est injustement exclu des universités du Togo, pour avoir donc osé réclamer le droit absolu de la masse estudiantine, celui d’étudier dans les meilleures conditions pour pouvoir assurer demain la relève. Et, chose bizarre, aucun des deux syndicats d’enseignants n’a condamné cette exclusion. Tout ceci se passe dans le temple du savoir !
Depuis que les étudiants ont commencé leur mouvement il y a environ un mois, les fameux professeurs d’université ne se sont pas donné la peine de se prononcer officiellement sur leurs revendications. Pas un seul n’a eu ce courage. Mais lorsqu’ils l’ont finalement fait, c’est pour voler au secours des gouvernants et appeler tout simplement les étudiants à reprendre les cours, sans autre forme de procès. Car en réalité le pouvoir se retrouve dos au mur. La recette Yawo Kpayidra n’ayant pas marché, il fallait essayer d’autres formules pour casser le mouvement ; d’où le recours aux enseignants qui, eux aussi, ne sont pas mieux lôtis quant aux conditions d’exercice de leur profession. Combien de fois n’ont-ils pas élevé la voix pour réclamer de meilleurs traitements ? Ce faisant, ils se clochardisent malheureusement.
A quoi servent donc les intellectuels togolais ?
La question demeure légitime au regard des agissements de l’élite togolaise qui semble avoir démissionné de ses prérogatives, celles d’éveil des consciences et d’éclaireurs reconnues aux intellectuels de par le monde, même s’il y a une vraie problématique au sujet de la définition du terme.
Il est généralement partagé que l’ « intellectuel » est toute personne, homme ou femme, qui met son intelligence, ses connaissances au service de la communauté nationale. Une chose est sûre, si les intellectuels n’avaient pas tant de force, ils n’auraient pas été persécutés à travers les temps. La matière grise est le levier le plus puissant de l’économie et de la société, et c’est souvent par elle que passe la libération du peuple. C’est pourquoi beaucoup de gouvernements africains n’avaient pas hésité à refuser l’éducation de leur peuple ou à faire disparaître leurs intellectuels dans le seul but de continuer à mener leur basse besogne face à un peuple ignorant voir même demeuré. Les intellectuels jouent donc un rôle d’éclaireurs.
De par son intelligence, qu’il peut utiliser positivement tant pour lui-même que pour la communauté, l’intellectuel est un modèle humble mais clairvoyant et par conséquent, il guide sa communauté dans la lutte contre toutes les antivaleurs. Les bons intellectuels ont des armes invincibles: la vérité, l’intégrité, le respect, la justice etc., fondements solides d’une paix durable. L’un des traits caractéristiques de l’intellectuel est son refus du silence face à l’inacceptable. Ne pas le faire, c’est démissionner. Tous les intellectuels sont humainement tenus d’éclairer les populations sur leurs droits et obligations. « Faites frémir la pensée et vous faîtes frémir tout un système », disait le Sud-africain Steeve Biko, pour résumer l’importance de l’élite intellectuelle. Mais toutes ces valeurs ont fui les intellectuels au Togo, qui ont tous mis leur panse devant. Et c’est bien dommage !
Tino Kossi
source: liberté hebdo togo