Lentement mais (pas) sûrement, on évolue tout droit vers les élections législatives au Togo. Le délai constitutionnel semble intenable, et aujourd’hui aucune date précise n’est officiellement avancée pour voir tenir le scrutin ; mais avec les derniers préparatifs, notamment l’élection (détestable) des membres de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), l’échéance se rapproche. Dangereusement ! Au regard des coulées de bile et d’adrénaline engendrées par la logique permanente de la force dans laquelle s’inscrit le pouvoir Faure Gnassingbé, et surtout avec la résurgence des milices du pouvoir. En somme des signes qui rappellent fort bien le scénario de 2005 et qui font donc craindre des violences en perspective, pour qui connaît l’enjeu d’une probable majorité à l’Assemblée nationale pour Faure Gnassingbé.
 
Scénario de 2005
 
Les violences électorales de 2005 resteront sans doute gravées pour longtemps dans les mémoires, surtout avec leur cortège de morts enregistrés et qui avoisinent le millier. Car jamais élection n’a engendré autant de décès sur la Terre de nos Aïeux. Tout cela, à cause de la volonté du régime Rpt d’imposer Faure Gnassingbé et de perpétuer le clan. Ces violences n’étaient pas survenues comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Il y eut des signes avant-coureurs.
 
A peine Eyadéma avait-il exhalé son dernier soupir qu’il fut remplacé au trône par Faure, à travers un scénario digne de Hollywood. Dans la nuit du 5 au 6 février 2005, par le truchement d’un coup d’Etat constitutionnel, il fut fait président de la République jusqu’au terme du mandat de son défunt Père, c’est-à-dire en 2008. Conscient de son illégitimité, le clan Gnassingbé avait couplé cette forfaiture d’une terreur qui visait à étouffer tout élan contestataire. Dans cette logique, au-delà des corps habillés qui étaient déployés pour réprimer les manifestations publiques, le pouvoir avait également recours à ses milices. Non seulement ces miliciens infiltraient les manifestations, mais surtout ils furent déployés aux trousses des leaders d’opinion fichés comme opposants au régime et à qui l’on voulait absolument régler des comptes. Durant les semaines de contestation de ce putsch, et après le retrait de Faure Gnassingbé du pouvoir, certains étaient sérieusement traqués et durent quitter leur domicile pour vivre dans le maquis. C’était une véritable terreur qui était semée et ce recours aux miliciens était une sorte d’échauffement en perspective de ce qui devra survenir quelques semaines plus tard, toujours dans la logique d’imposer Faure Gnassingbé.
 
C’était sans doute l’objectif visé, tous ces faits constituaient une sorte de répétition générale avant le moment opportun. En tout cas, ils ont eu pour effet de surchauffer les esprits tant au niveau du pouvoir que de l’opposition et du peuple, et de les apprêter à la confrontation. Le hold-up électoral du 26 avril 2005 ne pouvait pas offrir meilleure occasion pour les partisans de ces deux camps de s’affronter, et surtout pour les populations qui ont subi 38 ans de règne du Père, d’exprimer leur refus de boire encore le calice du Fils. Les résultats n’ont pas tardé à suivre: près d’un millier de morts.
 
Des signes précurseurs de violences
 
Ce serait presque naïf d’envisager les prochaines élections législatives sans violences, tant les signes avant-coureurs sont visibles. La logique de « Le chien aboie, la caravane passe » du gouvernement Faure Gnassingbé en est pour quelque chose. Toute la phase de préparation du processus n’est qu’une suite de coups de force, entrainant ainsi des frustrations qui s’expriment par les manifestations constantes du Collectif « Sauvons le Togo » et de la Coalition Arc-en-ciel. Chaque jour avec son lot de frustrations. Le dernier épisode en date est l’élection des membres de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui en rajoutera sans doute à la tension. Déjà des manifestations de protestation sont prévues les 26 et 27 octobres prochains. Les frustrations vont crescendo, et à ce rythme, ce serait presqu’un miracle que les élections à venir n’entrainent pas de violences. Et ce qui rend actuel le risque, c’est la question des milices.
 
Le pouvoir a en effet ressuscité ses groupes de semeurs de violences et de morts depuis quelque temps. Les miliciens infiltraient déjà les manifestations de l’opposition et provoquaient les forces de l’ordre pour justifier la répression. A Kara, ils ont réussi à empêcher un meeting du CST. Mais la confirmation aura été leur sortie du 15 septembre 2012 à Adéwui où ils ont opéré en plein jour, avec des machettes, des gourdins cloutés et autres armes, et devant les forces de l’ordre restées passives. Et les dégâts engendrés étaient énormes : une cinquantaine de blessés. Même si samedi dernier, l’Alliance nationale pour le changement (Anc) et le Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac) ont réussi à démarrer leur manifestation du jour par ce quartier interdit depuis plus d’un mois à l’opposition, la collusion entre ces milices et le pouvoir est manifeste.
 
Depuis le 15 septembre 2012, le Col Yark Damehame ne s’émeut guère pour boucler les enquêtes. Tout simplement parce que ces milices sont au service du pouvoir. Le ministre de l’Administration territoriale, le phénomène Gilbert Bawara s’était même permis de justifier les violences, ce qui aura l’effet d’adouber les agresseurs. Il n’y a d’ailleurs aucune volonté de démanteler ces réseaux. A preuve, bientôt un mois et demi après les faits, les conclusions des enquêtes ouvertes – si elles le sont vraiment – ne sont pas encore rendues publiques, alors que le ministre de la Sécurité les a promises pour au plus tard deux semaines. A en croire la déclaration liminaire de la conférence de presse animée par ses responsables le jeudi 18 octobre dernier, le vendredi 21 septembre 2012, soit six jours après les faits, la représentante du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (Hcdh) au Togo, Mme Olatokounbo Ige, avait proposé au Frac de reporter sa manifestation du samedi 22 septembre 2012, « le temps pour le ministre de la Sécurité de boucler son enquête qui demande encore une semaine au plus ». « Selon Mme Ige, le ministre de la Sécurité lui a donné l’assurance que si la manifestation du Frac du samedi 22 septembre ne peut avoir lieu, celle prévue pour le samedi 29 septembre à Doumasséssé aura bien lieu puisque son enquête sera terminée avant cette date », lit-on par ailleurs. Mais jusqu’à ce jour, ces résultats se font toujours désirer. Et Dieu sait s’ils seront publiés un jour. « Un mois après les événements dramatiques du 15 septembre 2012, le ministre de la Sécurité ne peut prétendre poursuivre une enquête pour identifier des personnes que les premiers responsables de son Parti connaissent, arment et financent pour commettre des crimes odieux sur les paisibles populations », fustige-t-on au Frac.
 
Les groupes de milices bien organisés restent actifs et avec l’impunité dont ils jouissent, ils n’hésiteront pas à récidiver. Et sans doute que Faure Gnassingbé leur fera appel, pour faire accepter aux populations les résultats des prochaines législatives qui seront biaisés. Comme en avril 2005. C’est dans ces conditions que le pouvoir cherche à organiser le scrutin.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo
 

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