Il y a quelque temps, la capitale togolaise a été secouée par une série de meurtres de jeunes filles. Et une peur bleue s’était emparée des habitants. C’était en décembre et janvier derniers. Un suspect répondant au nom de Kpatcha Koliguè avait été appréhendé par les services de renseignements de la Gendarmerie nationale. Mais trois mois plus tard, le vrai Kpatcha Kossi Simliwa coupable fut mis aux arrêts et attend de connaître son sort. Mais qu’est devenu Kpatcha Koliguè sur le compte duquel les services de renseignements se sont mépris ?
 
La terreur semée par les tueries en série à Lomé ne s’est sûrement pas encore estompée dans les esprits des Togolais. Et si des innocents ont été embastillés, faute de preuve, le bon sens commande qu’une fois le vrai coupable neutralisé, la relaxe soit prononcée à l’endroit des victimes d’erreurs judiciaires.
 
« J’ai été interpellé le 25 janvier 2012. Menotté avec les bras derrière, j’ai été emmené dans le bureau du capitaine responsable des renseignements qui était ensemble avec un autre capitaine. Sans rien me demander, ils ont commencé à me tabasser. Alors je leur ai demandé ce que j’ai fait. C’est là qu’ils m’informent que je tue des filles, les mutile et recueille leur sang. « Que ferai-je avec le sang humain ? », leur ai-je demandé. A leur tour ils me posent la question de savoir si j’ai avoué à mon grand frère Mathieu Patoki, l’Adjudant chez qui j’ai logé, que j’ai un problème. Je leur ai répondu que je suis un commerçant et je viens acheter des pantalons que je vais vendre au nord. Alors, sur ordre du capitaine, trois de ses éléments m’ont gardé menotté les bras derrière et ils m’ont proprement torturé avec leurs cordelettes. Et pendant au moins deux heures d’horloge, j’ai été tabassé pour me faire dire que c’est moi qui tue les filles », raconte Kpatcha Koliguè, le premier suspect que nous avons rencontré à la prison civile de Lomé.
 
A bout de forces, il a dû avouer qu’il est un faux type, qu’il arnarque des gens et qu’une fois leur argent empoché, il disparaît. « Mais à ce jour personne n’est encore venu porter plainte qui pût justifier mon arrestation, poursuit-il. Autrement ce n’est pas pour mes petits larcins que j’ai été arrêté. Mais plutôt pour des meurtres en série. Sur ordre du capitaine, un élément répondant au nom de Sambiani m’a encore rossé au point que du sang sortait de mon oreille. « Tu n’a encore rien vu, ceci n’est que l’urine de ce qui t’attend, la merde même est pour bientôt », m’a dit le nommé Sambiani ».
 
Emmené finalement à la Gendarmerie de Hédzranawoé, il a été mis à nu comme un ver. Ce qui n’aurait pas plu au Commandant de brigade (CB) de la Gendarmerie qui a protesté en leur faisant comprendre qu’une personne en détention préventive ne pouvait pas être traitée de cette manière. Kpatcha Koliguè se rappelle : « Il est sorti m’acheter lui-même une culotte, c’est celle que je porte depuis mon arrivée ici à la prison civile de Lomé. Après avoir passé cinq jours là-bas toujours les menottes aux poings, ils m’ont transféré à la Gendarmerie de Sagbado. J’y ai passé 25 jours, bras et pieds menottés dans la cellule. Ils ont voulu me confondre en mentant que deux des filles ayant échappé à leur agresseur ont témoigné. Et je les ai priés afin qu’ils me confrontent à elles pour faire jaillir la vérité. Mais comme on pouvait s’y attendre, ils ont refusé. J’ai été privé de nourriture et quand j’ai demandé le pourquoi de cette privation, il me répond que s’il ne tenait qu’à lui, ma famille devait retrouver mon corps dans un champ de manioc. En guise de réponse, je lui ai dit merci en ajoutant que s’ils me parlaient d’escroquerie j’accepterais. « Tu penses que nous perdrions notre temps avec toi pour une affaire d’escroquerie ? », telle fut leur réponse. « C’est grâce à tes pratiques que ton frère Adjudant construit des maisons un peu partout et fait des réalisations », a déclaré le capitaine.
 
Plus tard, Kpatcha Koliguè a été ramené au camp de la Gendarmerie où, selon ses déclarations, il a été écartelé entre une table et des barres de fer situées dans un couloir où les gendarmes reçoivent les gens. Des témoins auraient même assisté à cette scène. « Un autre capitaine m’a alors dit sous mes protestations que je mourrai en prison. Le 2 mars, j’ai été conduit dans les bureaux de ce capitaine pour signer mon PV. Je leur fis comprendre que je dois lire ce que j’ai fait comme déposition avant de signer mon PV. Sambiani est sorti de la pièce pour revenir avec sa cordelette et c’est sous les coups que j’ai apposé ma signature sur un PV que je n’ai pas lu. En signant, j’ai aperçu une plainte sur la fiche ayant un rapport avec les tueries, et, tout courageux, j’ai exigé que la plaignante vienne. En réponse à ma témérité, des coups ont encore plu. Après m’avoir fait passer devant le 3ème cabinet d’Instruction, je fus déféré à la prison », relate-t-il.
 
Mais le 16 mars, il fut amené dans le bureau du chef prison où se trouvait un capitaine de la Gendarmerie qui lui disait être venu voir comment il se porte. Kpatcha Koliguè revient sur le contenu de cet entretien : « Celui-ci m’a demandé si je connais un certain Kossi et comment était-il ? Naturellement je répondis oui comme quoi le Kossi que je connais est grand, de teint clair, originaire de Kpalimé et exerçait le métier de la maçonnerie. Et innocemment je voulais remettre à au capitaine son numéro afin qu’il soit informé de ma situation. Alors le capitaine avoue qu’ils venaient d’arrêter quelqu’un répondant au nom de Kpatcha. Je lui ai suggéré de me conduire devant un juge pour une confrontation – avec l’autre Kpatcha – devant m’inculper ou me disculper. Il s’est énervé et a prétendu être venu pour me sauver. Le jour où l’on devait prendre mes empreintes pour poser en bas du PV, l’agent en charge a demandé par deux fois si le prévenu a reconnu les faits qui lui sont reprochés. « Mon ami, toi on t’a mis là-bas pour prendre des empreintes, fais ton boulot et tais-toi », fut la réponse qu’on lui a donnée ».
 
Entre-temps, Kossi Kpatcha Simliwa a été arrêté et présenté comme le vrai cerveau des tueries. Ce qui a aussi réjoui Kpatcha Koliguè qui se disait qu’il allait enfin recouvrer sa liberté : « Nous étions à la prison quand un soir on a vu sur la TVT, des images montrant le vrai coupable des meurtres. Tout le bâtiment criait « Kpatcha Dieu t’aime, Kpatcha Dieu t’aime ». Et ensemble, nous avons prié le Seigneur pour ceux de nos camarades qui sont encore injustement incarcérés. Je pleurais en priant. Mais voilà que depuis 8 mois, je suis encore là à purger une peine indéterminée et dont je ne connais pas la raison ni la teneur. Le Juge ne m’appelle plus pour quoi que ce soit ».
 
Mais plusieurs mois après l’arrestation de Kossi Kpatcha Simliwa, le malheureux Kpatcha Koliguè est toujours en détention. Chaque jour qui passe au Togo révèle donc son lot d’injustices, de déni de droit, de tortures psychologiques, physiques et morales. Nous restons convaincus que les autorités sauront prendre la mesure de ce drame – encore un de plus – et rectifieront le tir. Raison pour laquelle le chef d’Etat Major Général des FAT, le ministre de la Sécurité et celui de la Justice devront faire diligence afin que ce civil et son frère Officier, à défaut de recouvrer la liberté, connaissent les crimes pour lesquels ils sont embastillés. Il n’est jamais tard pour bien faire les choses dans la vie.
 
Godson K.
 
 
liberte-togo
 

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