Un jour, on saura ce qui s’est passé et qui a fait déposer le corps d’Atsutsè Kokouvi AGBOBLI sur la plage de Lomé le 15 aout 2008, il y a trois ans. Un douloureux anniversaire pour lequel j’ai posé mes bagages et mon cœur lourd dans la résidence familiale fermée depuis son assassinat, où la mort flirtait déjà avec la vie depuis le décès de ma mère dix ans plus tôt, où leurs portraits souriants m’accompagnent. Dans la paisible demeure où les oiseaux continuent à venir chanter, le temps s’est arrêté au 13 août 2008, jour où il n’y a plus jamais remis les pieds bouillonnant de grandes aspirations pour l‘Afrique. Il y est revenu, certes, un mois plus tard dans un cercueil après qu’on l’eut fait taire à tout jamais. Alors il me reste ce sentiment étrange que d’atterrir dans un pays où deux tombes vous attendent, l’une à Aného où repose maman et l’autre à Adéta, où repose Atsutsè Kokouvi Agbobli. Et j’aurais du y être préparée me confiera une amie française.

 

Tu es née d’un père brillant, un intellectuel visionnaire. Ce n’est pas le loto, tu n’avais pas une chance sur un million d’être orpheline très tôt, mais une chance sur deux dans ces pays où les meilleurs sont éliminés. Tu ne crois pas?
 
De la clairvoyance de ses propos ressortait toute la noirceur du continent.
 
Mon silence marqua mon approbation. Je me remémorais mon enfance bohème marquée de discussions à bâtons rompus sur l’Afrique, sur certains de ses dirigeants qualifiés d’incompétents et sur le rôle supposé des occidentaux dans son déclin. De Paris à sa banlieue, de Libreville à Addis-Abeba, de Genève à Lomé, les différents logis de mes parents s’apparentaient à des tours de Babel où se tenaient des réunions politiques interminables. Alors, par réaction, je m’orientais vers des études que je jugeais plus concrètes. Mon père se félicitait de ce choix jusqu’au jour où, après l’obtention de mon diplôme, il me conseilla de m’inscrire à Sciences-Po.
 
Ce que je ne fis pas et qu’il regretta devant mon manque de culture générale. Je me félicitais d’avoir un père très instruit et cultivé, et l’admiration que lui portaient les autres égalait la fierté que j’avais qu’il fût mon père, ce qui m’offrait le luxe de ne pas chercher à me cultiver par moi-même mais de reprendre ses propos en soulignant avec orgueil qu’il en était l’auteur.
 
L’auteur n’est plus. Il manque à la scène politique panafricaine par ses analyses fines et précises mais aussi par certaines de ses prises de positions et les controverses qui en découlent, ce qui est le lot commun des hommes en avance sur leur temps. Aujourd’hui, les révolutions qui réveillent le continent de sa torpeur, commencent à lui donner raison.
Mais à moi, il me manque en tant que père comme ma mère me manque en tant que mère attentionnée et dévouée. Mais si tout était à refaire, même pour peu de temps comme ce fût le cas, je donnerais tout l’or du monde pour avoir de nouveau les parents que la vie m’a offerts à Paris un soir de fin d’automne, saison préférée de ma mère. Il est juste tragique que Lomé qui a vu naître Atsutsè Kokouvi Agbobli, il y a 70 ans soit la ville où il a été lâchement assassiné. Il avait pourtant beaucoup à donner encore à ce TOGO qu’il aimait tant.
 
 
 

source :triangledesenjeux

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here