Le pouvoir Rpt, un géant aux pieds d’argile ?

 
Quand médecins et étudiants font plier le régime Faure Gnassingbé
 
Dur, sévère, indifférent, inflexible…ce sont ces termes qui qualifient assez bien le pouvoir en place. Les gouvernants, s’ils ne sont carrément pas indifférents aux cris de cœur des populations, opposent de la violence systématique à leurs revendications légitimes. Ce qui donne l’image de dur à cuire au pouvoir Rpt et renforce les pessimistes dans leur conviction. Il sont de plus en plus nombreux, ces Togolais à ne plus espérer une alternance au Togo et ne s’y investissent même plus. Mais les praticiens hospitaliers et les étudiants viennent de briser ce mythe.
 
Le corps médical a repris service le 23 juin dernier, après plusieurs semaines de débrayage. Grâce à un accord signé in extremis avec le gouvernement, jusque-là resté impassible aux revendications des praticiens hospitaliers et usant de dilatoire pour les gruger. Mais il aura fallu du cran au  corps médical pour y arriver. Les agents de santé ont fait preuve d’une solidarité et d’une intégrité incroyables. Surtout les leaders de leur syndicat, le Synphot ; Dr David Dosseh, Atchi Walla et autres cela s’entend. Ces quelques semaines de grève étaient tout un enfer pour eux. Intimidations et menaces, même de mort, étaient leur lot quotidien. Ils étaient même obligés de découcher pour préserver leur vie. Juste pour avoir osé revendiquer des droits, en contrepartie du devoir qu’ils font depuis des lustres,  celui de sauver des vies humaines !
 
Et dans ce combat, la base leur est restée fidèle jusqu’au bout, répondant à chacun de leurs appels. Ayant pris la mesure pleine et entière du pouvoir en place, les praticiens hospitaliers ont décidé de durcir le mouvement, malgré les conséquences qui en découlaient. D’ailleurs les patients qui en payaient le lourd tribut comprenaient le sens de la lutte. Même le show insipide du nouvel ancien ministre de la Santé Charles Kondi Agba ne les en a pas dissuadés. Ils étaient dans la disposition d’esprit de reconduire la grève à partir du jeudi 23 juin. Ayant brûlé toutes leurs cartes, indifférence, intimidations, dilatoire et menaces, et se rendant compte que rien ne pouvait contre la détermination et la solidarité de leurs interlocuteurs, les gouvernants capitulèrent. C’est ainsi qu’ils concédèrent le minimum des revendications posées et un accord fut nuitamment signé le 22 juin.
 
Cette détermination et cette solidarité à toute épreuve a fait des émules chez les étudiants. Ici aussi les revendications étaient légitimes, mais le régime Faure Gnassingbé a usé des mêmes méthodes : intimidations, menaces, dilatoire, violence. Les corps habillés ont presque élu domicile sur le campus malgré le principe de la franchise universitaire et toute  assemblée générale ou manifestation sur le campus est systématiquement réprimée à coups de matraques et de grenades lacrymogènes. Le recours a été parfois fait aux milices du pouvoir. On a cherché et trouvé un Gilchrist Olympio dans la masse des délégués généraux, en la personne d’Alou Yawo Kpayidra pour jouer le mauvais rôle. Le jeune homme s’y est investi, animant des débats télévisés tous azimuts, avançant avoir arraché des concessions et appelant ses camarades à reprendre le chemin des cours. Mais rien n’y fit. Les gouvernants ont cru un instant pouvoir fragiliser le mouvement et démotiver les étudiants en excluant le leader de la contestation Adou Séibou pour six ans des universités du Togo. Mais ils avaient tout faux. Cette mesure scélérate n’a en rien entamé la détermination des étudiants, elle a plutôt eu l’effet boomerang. Ils étaient davantage déterminés à aller jusqu’au bout de leurs revendications. Si auparavant ils détalaient au moindre tir de grenade lacrymogène, cette fois-ci ils affrontaient face à face les forces de répression.
 
Ici aussi, ayant pris la mesure pleine et entière des gouvernants, les étudiants ont monté la barre très haut. Le Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais (Meet) décida d’appeler les politiques et toute la population à s’adjoindre à leur lutte. Et l’appel a rencontré l’agrément de presque tous les partis, de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) à l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts) en passant par le Comité d’action pour le renouveau (Car) et autre Convention démocratique des peuples africains (Cdpa), qui ont appelé leurs militants à répondre. Ainsi la manifestation devrait avoir lieu vendredi dernier. Si les gouvernants feignaient jusqu’ici de n’être nullement touchés par cet appel, la veille ils ont fait dans leurs frocs. Une émission a été improvisée sur la TVT et synchronisée avec d’autres chaînes télés et radios; plein de ministres ont été invités et chacun y est allé de sa façon pour tenter de dissuader les étudiants. Et comme le Saint Esprit descendu sur elles, les autorités ont décidé de lever la sanction inique contre Adou Séibou et se sont engagées à entreprendre des discussions avec le Meet.
 
Même si on ne le dit pas, il faut dire que le pouvoir a tout simplement peur de ce cocktail étudiants/partis politiques. C’était une manifestation aux issues incertaines. Tout pouvait arriver, et donc les gouvernants ont eu la « sagesse » d’anticiper afin d’éviter le pire. Cette demi victoire – le tout n’est pas d’arracher des concessions au pouvoir en place, le plus important c’est de le contraindre à respecter ses engagements -,  les étudiants le doivent à leur détermination et à leur solidarité. Ils n’auraient jamais monté le ton que la sanction contre Adou Séibou serait toujours maintenue et que le gouvernement ne se serait nullement gêné pour appeler le Meet à la table des négociations.
 
Ces deux cas de lutte des praticiens hospitaliers et des étudiants prouvent tout simplement que l’attitude de dur à cuire feinte par le pouvoir n’est que factice, et qu’il suffit de la solidarité et de la détermination pour avoir raison de lui. Voilà qui devra faire des émules chez les politiques qui se cherchent depuis des décennies. A cause de leurs sempiternelles querelles de clochers, de leur division séculaire, entre autres raisons, les partis et leaders de l’opposition n’arrivent  pas à arracher l’alternance tant voulue par le peuple, ce qui arrange le pouvoir Rpt qui continue de régner ad vitam aeternam. Le Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac) essaie déjà tant bien que mal de maintenir le flambeau de la contestation. Mais on n’est plus fort que lorsqu’on est uni. Et lorsque la crème de l’opposition – c’est une gageure de demander à toute l’opposition composée de plus d’une soixantaine de partis politiques de s’entendre comme larrons en foire – va se mettre ensemble, les actions porteraient beaucoup plus loin. C’est peut-être le prix à payer pour que l’alternance soit une réalité au Togo. A bon entendeur…
 
Tino Kossi

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