Diversement commentée, abondamment relayée et suffisamment entretenue, l’affaire d’escroquerie internationale au Togo a depuis lors pris une allure assez sérieuse où politique et diplomatie se sont invitées. Les observateurs n’en comprennent rien de cette nébuleuse, alors que les nouveaux développements qu’on espérait clarifier cette ténébreuse affaire sont à la limite des espérances. L’interpellation de Loïk le Foch-Prigent et le retour de l’Emirati n’ont pu permettre d’avoir une issue favorable. Du coup, on se pose des questions, on multiplie des supputations, et on a du mal à voir le bout du tunnel. Dans les coulisses, les commentaires ne tarissent pas. D’un règlement de compte politique organisé, on tend vers la thèse d’une vengeance aveugle, dans laquelle, Faure Gnassingbé accuse son ancien homme de main de lui préparer des coups, des faits qui autorisent une vengeance aveugle du chef de l’Etat.
 
La presse nationale et internationale n’est pas passée par quatre chemins pour qualifier cette affaire. C’est une guerre politique togolo-togolaise, un antagonisme qui oppose un chef de l’Etat qui se venge d’un de ses plus fidèles collaborateurs, Pascal Akoussoulèlou Bodjona. Ancien ambassadeur du Togo aux Etats Unis, ancien Directeur de cabinet de la présidence de Faure Gnassingbé et tout récemment ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, Pascal Bodjona, dans le trombinoscope politique togolais n’est pas n’importe qui. C’est un puissant homme, un pilier du régime. C’est pourquoi, la situation de son arrestation aujourd’hui étonne, mieux inquiète. Un dossier nourri d’acharnement politique, de neutralisation machiavélique qui suscite beaucoup d’interrogation. A l’origine donc de cette affaire, Sow Bertin Agba, dont l’arrestation et la détention a suscité un véritable tollé alors que les origines sont dans les coulisses de la présidence.
 
Emmanuel Tchouko est l’inventeur de la polémique
 
L’affaire dite d’escroquerie internationale est sans doute une invention de Emmanuel Tchouko, du nom de ce conseiller de Faure Gnassigné, fidèle ami au président et foncièrement opposé aux intérêts de Pascal Bodjona. Les manœuvres sulfureuses de ce conseiller notamment dans le dossier des magouilles autour des Peugeot 607 de la Présidence qu’il a géré, restent impunies. Habile, il arrive quand même à voir le morceau de paille sur l’œil des autres en ignorant la poutre qui est dans le sien. C’est donc Emmanuel Tchouko qui est venu un beau matin raconter à Faure Gnassingbé qu’un journal de renom en France le visait personnellement dans un article à paraître. Le titre du dossier : Le chef de l’Etat togolais impliqué dans un vaste réseau d’escroquerie.
 
Selon le conseiller, il s’agit d’un article suscité par l’Emirati Abbas Al Youssef dans le journal en question pour interpeler l’opinion sur les difficultés qu’il avait à se faire entendre auprès de la justice togolaise après avoir été escroqué.
 
Convaincu et paniqué par cette information, la présidence togolaise aurait pris des dispositions pour que cette affaire soit étouffée en vue d’engager une procédure visant à voir plus clair.
 
Des centaines de milliers d’Euros ont donc été mis à contribution dans cette affaire, entièrement gérées par le Conseiller. C’est ainsi que le rapport final établi avec la complicité de Yotroféi Massina, qui n’est pas lui-même, moins hostile à Pascal Bodjona, a révélé qu’il s’agissait d’une vaste escroquerie menée par Sow bertin Agba avec la complicité de Pascal Bodjona.
 
Vite, les hostilités se sont enclenchées. L’ANR est mise à contribution pour arrêter et torturer le Directeur Général de OPS Sécurité, lui et sa famille, alors que Pascal Bosdjona était surveillé comme de l’huile sur le feu. Des manœuvres non négligentes ont été multiples pour enfoncer l’ancien ministre qui croyant encore naïvement à la sincérité de son mentor et qui croyait guère aux prédications de la presse nationale qui annonçait par avance les difficultés de Pascal Bodjona.
 
Le conseiller, en collaboration avec d’autres têtes pensantes du régime, ont attaqué la promotion internationale de l’affaire avec des publications tous azimuts notamment dans un journal dénommé Managers qui était destiné exclusivement à présenter Pascal comme le cerveau de l’escroquerie.
 
Plusieurs tentatives pour arrêter le ministre n’ont pu aboutir comme il faut. C’est donc après sa sortie du gouvernement que, clopin-clopant, les acteurs de la neutralisation de Pascal sont enfin arrivés à bout avec l’intervention musclée de la gendarmerie à son domicile le 1er septembre dernier. Une interpellation qui, de fil en aiguille, avec des rebondissements judiciaires et juridiques les plus scabreux les uns que les autres, ont fini par faire de lui, un prisonnier d’Etat. Quelques jours après, c’est le citoyen Français, ancien PDG de ELF, Loïk le Floch Prigent qui est débarqué depuis la capitale ivoirienne pour se faire auditionner par les autorités judiciaires togolaises. L’affaire est aujourd’hui bloquée. L’émirati dépêché spécialement pour obéir à une confrontation générale, est repartie sur la pointe des pieds, les inculpés ayant refusé une confrontation dans une atmosphère de vice de procédure. Bertin Agba présente la décision de la Cour suprême qui lui a ouvert depuis juin, les portes de la prison togolaise sous caution de 150 millions de FCFA qu’il a versés. Curieusement, il reste détenu. Véritable scandale que cette nébuleuse que des organisations internationales, partenaires et autres leaders d’opinion ne sont arrivés à expliquer.

Faure terriblement remonté contre Pascal.
 
Plusieurs actes et éléments, plusieurs suppositions et soupçons, et aussi plusieurs faux rapports et mensonges ont provoqué de véritables griefs de Faure Gnassingbé contre Pascal Bodjona.
 
D’abord, l’ombrage politique supposé que le ministre Grand format ferait sur le président qui est réduit dans un bunker, dénudé de toute autorité. Ensuite la gestion des crises politiques avec l’opposition qui font soupçonner Pascal Bodjona de complicité avec l’opposition. Au fur et à mesure que les jours passent, les soupçons envers le ministre s’affaissent avec la création du CST.
 
Les rapporteurs du Palais et les services spéciaux ont tiré une conclusion en faisant croire au Président que c’est Pascal Bodjona qui est le principal bailleurs du Collectif Sauvons le Togo, vaste mouvement de contestations composé de partis politiques et d’organisations des droits de l’Homme. Tout était prêt pour noyer le ministre qui est bouté du gouvernement pour tomber dans le supplice de Tantale. Procédure comique, humiliation motivée, détention curieuse, tels sont les qualificatifs de plongeon du Ministre. Pascal n’était pas seulement cherché que par Faure Gnassingbé. Il était aussi la cible de Yotroféi Massina, le très négativement célèbre chef des renseignements qui attribue sa situation de candidat à la CPI à Pascal Bodjona dans cette affaire. D’autres acteurs font troubler l’eau qui noie Pascal dans l’ombre, notamment le ministre de la justice Tchalim Tchitchao et celui de l’administration teritoriale, Gilbert Bawara comme l’avait bien mentionné La Lettre du Continent.
 
L’autre question qui a radicalisé Faure Gnassingbé dans sa position d’en découdre avec Pascal Bodjona est la mobilisation des avocats du CST autour de l’homme politique. Dans les milieux du pouvoir, cela confirme les soupçons du soutien de Pascal au CST, malgré le démenti formel de Me Zeus Ajavon lors d’une conférence de presse.
 
Pire, Faure Gnassingbé et son entourage ont été encore et plus remontés par les interventions de Mme Bodjona après l’interpellation de son mari. Pour eux, le fait pour Zaïna de clamer que Pascal n’est pas Kpactha est un défi lancé au Président. L’entourage encourage Faure pour le relever.
 
Les implications mises sous éteignoir
 
Lors de la conférence de presse donnée par l’Emirati, la question sur le contenu de ses discussions avec Faure Gnassingbé lors de son passage pendant la période d’escroquerie a été posée. Il n’a pu répondre à cette question. En plus, il a eu à échanger et comme dans le cas de Pascal Bodjona, fait des cadeaux à plusieurs personnalités togolaises dont le Président de l’Assemblée Nationale, Abbas Bonfoh. Mais ces différentes personnes restent dans l’ombre de ce dossier, alors que la vérité pourrait être connue si ces différentes personnes répondaient également à des auditions judiciaires. Mais tout semble démontrer que l’objectif était Pascal Bodjona qui est donc l’agneau sacrificiel de cette vaste nébuleuse et de cette vengeance aveugle de Faure Gnassingbé dont la fin reste une énigme pour tous ceux qui observent ce dossier.
 
Carlos KETOHOU
independantexpress
 

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