Le Prof. Songnè, Conseiller médical de Faure Gnassingbé, accusé de « gestion chaotique » des 10 milliards FCFA du projet BIDC.
 
Mardi 1er mars 2010, le chef de l’Etat devrait inaugurer au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Lomé-Tokoin le nouveau scanner acquis dans le cadre du projet BIDC (Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO ). Tout a été fait pour que la fête soit belle.
 
Mais au dernier moment, Faure Gnassingbé surprendra ses hôtes en annulant sa participation et de facto, la cérémonie. La cause, le scanner est tombé en panne et il était impossible de faire les premiers tests devant le « fils de la nation ». Une affaire qui remet sur le tapis la « gestion chaotique » des 10 milliards FCFA du projet BIDC par un très proche de Faure Gnassingbé.
 
Au commencement était l’inauguration du scanner
 
Jusqu’à mardi 1er mars dernier, beaucoup d’agents de santé pensaient que l’inauguration devrait se faire puisque l’apatam a été dressé, les nouvelles ambulances acquises grâce au projet BIDC ont été convoyées depuis l’intérieur du pays, les directeurs préfectoraux de santé sont tous descendus à Lomé. De même, les médecins des différents hôpitaux de la capitale étaient au rendez-vous. Et les professeurs endimanchés jusqu’aux dents n’ont pas voulu se faire conter l’événement.
 
Quelques jours plus tôt, les bâtiments environnants du Service de réanimation polyvalente ont reçu des couches de peinture ; les bonnes femmes qui vendaient à l’entrée du CHU, étaient priées de vider les lieux. La route qui passe devant l’hôpital et ses dos d’âne ont été aussi refaits.
 
Notre confrère « L’Union » raconte le reste : « Au jour annoncé, ce qui attirait l’attention de tout visiteur de ce centre de santé public est la nouvelle tenue de ses agents de sécurité. Ceux-ci ont délaissé leur ancienne tenue kaki décolorée pour de nouveaux treillis noirs, tout brillants, soutenus en bas par des chaussures rangers, non moins attractives. Même l’agent qui venait de faire la garde – c’est-à-dire qui ne devait pas être de service ce mardi matin – se pointa au rendez-vous « galant » dans son nouvel habit. Certainement pour ne pas se faire oublier dans un quelconque partage de la magnanimité présidentielle. Auparavant la veille, c’est un apatam qui est dressé quelque part dans la cour de l’hôpital. De la boisson a été achetée. L’équipage d’un hôtel de la place a été réquisitionné pour apprêter les brochettes et de quoi manger ».
 
Toutes les conditions étaient donc réunies pour que cette cérémonie placée « sous le Haut Patronage de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE- Président de la République Togolaise », ait lieu. Mais la panne du scanner a été à l’origine du faux bond du chef de l’Etat. Et mercredi 2 mars, l’apatam a été tout simplement démoli.
 
Le projet BIDC en question
 
« Docteur Faure prend soin des Togolais ». C’est avec ce titre ronflant que le site gouvernemental « republicoftogo.com » avait présenté le projet BIDC piloté par le Prof. Kleber Songnè, médecin chirurgien, officier de l’armée et Conseiller médical de Faure Gnassingbé. « Faure Gnassingbé n’est pas seulement président, il est également super docteur. Une santé de qualité pour tous ! C’était l’un des objectifs que s’était fixé le chef de l’Etat à son arrivée au pouvoir en 2005. Le slogan de campagne est devenu réalité. Dès 2006, il a initié le projet « Santé/BIDC » dont l’objectif est de doter les structures sanitaires togolaises d’équipements modernes », poursuit le site qui a posé le 6 janvier 2010 quelques questions au Prof. Songnè, coordonnateur du projet BIDC, en lieu et place du ministre de la Santé , Komlan Mally, et sa clique de « mangeurs ».
 
Pour le colonel médecin, ce projet a été initié personnellement par le chef de l’Etat – c’est l’une des formules consacrées ici – en octobre 2006. « Encore faut-il trouver des financements et convaincre les partenaires. Il y est parvenu en obtenant de l’Exim Bank indienne, alliée à la Banque d’investissement de la CEDEAO , une aide de 20 millions de dollars (10 milliards FCFA) destinée à renforcer les équipements de 15 structures sanitaires au Togo », a-t-il indiqué. Et d’ajouter qu’il faut appréhender le projet en deux volets distincts. « Il y a d’une part, les infrastructures, c’est-à-dire les bâtiments et, d’autre part, les installations médicales. Pour les bâtiments, 60% des travaux de construction sont achevés et pour la réhabilitation, c’est 70%. S’agissant des équipements, neuf conteneurs sont déjà arrivés à Lomé et nous en attendons encore huit autres d’ici fin janvier (2010, ndlr). S’il n’y a pas de problème de transport, les 15 structures devraient pouvoir commencer à fonctionner progressivement à partir de fin mars (2010, ndlr) », a-t-il insisté.
 
Comme on peut le constater, le projet BIDC est destiné à réhabiliter et à rééquiper les centres de santé publics.
 
« Gestion chaotique » des 10 milliards
 
Depuis plus de deux décennies, les centres de santé publics ne disposent pas de scanner. Pourtant, cet appareil est, dans le contexte actuel, incontournable. Il permet de mieux voir les organes et de détecter toutes les anomalies que les radiographies ne mettent pas forcément en exergue. Pendant toutes ces années, c’est dans les privés que les patients allaient faire les scanners à des coûts élevés. C’est pour mettre fin à ce chemin de croix qu’un nouveau scanner a été acquis dans le cadre du projet BIDC pour le compte du CHU-Tokoin. « Même s’il semble que ce scanner a fonctionné quelques jours après son installation, aujourd’hui, on n’est pas en mesure de l’utiliser. Elle est en panne parce qu’une carte est grillée. S’agit-il d’un scanner flambant neuf répondant aux normes actuelles ? Rien n’est sûr », explique une source.
 
En fait, le projet est géré par la présidence, notamment par le Conseiller médical du chef de l’Etat, le Prof. Kleber Songnè. Mais selon plusieurs sources, le projet a été mal géré et tout a été exécuté par le seul officier des FAT. « Le Prof. Songnè a géré ce projet en vase clos. Il ne peut pas aller acheter du matériel d’ophtalmologie sans demander l’avis d’un ophtalmologue. Ce qu’il a malheureusement fait et les conséquences sont là. C’est une gestion chaotique qu’il a faite », déplore un médecin.
 
Selon un infirmier du CHU-Tokoin, le coordonnateur du projet a acheté des appareils défectueux qui se retrouvent déjà dans les magasins. « Il est parti acheter des appareils de très mauvaise qualité qui ne promettent aucun avenir pour nos hôpitaux. Beaucoup d’appareils ont commencé à se gâter et se trouvent déjà au magasin. Il y a par exemple, le cas des tables d’ordinateurs qui laisse à désirer. Il y a aussi le cas des appareils de laboratoire qui sortent des fois de faux résultats. En plus, les appareils de stérilisation tombent régulièrement en panne ».
 
De nos recoupements, il ressort que la plupart des appareils ont été achetés en Inde « conformément aux clauses du contrat ». Ce que l’Inde ne fabrique pas est acquis dans les autres pays. Par exemple, les appareils vidéo chirurgie de marque Storz achetés en Allemagne sont impeccables, assure un médecin. Aussi, les amplificateurs de marque Siemens sont-ils de bonne qualité et très appréciés par le personnel soignant. En revanche, « ce sont les appareils achetés en Inde qui sont défectueux et certains d’entre eux déjà rangés au magasin », poursuit-il. Une accusation que réfutent les Indiens qui affirment qu’ils ont eu à présenter un catalogue aux Togolais et que ce sont ces derniers qui ont opté eux-mêmes pour des appareils moins chers. Pour quelle raison ? Question facile pour plusieurs champions.
 
Tout compte fait, les appareils acquis grâce au projet commencent à péter au CHU. « Dans le bloc opératoire, raconte un médecin, trois aspirateurs sont grillés dès leur première utilisation. Quand ces aspirateurs ont pris feu, les médecins ont détalé. Même le malade qui était allongé sur le lit et qu’on allait opérer, a dû sursauter et filer à l’anglaise. En outre, le générateur des bistouris électriques est défaillant. Après une heure, il faut toujours le changer. C’est une situation insupportable ».
 
Joint par la Rédaction , le Prof. Songnè rejette les allégations selon lesquelles il était seul à gérer le projet. « Il y a un arrêté ministériel qui a nommé la cellule d’exécution sous la responsabilité du ministre. Vous comprenez que tout le monde est impliqué. Conformément aux clauses de l’accord, nous avons transmis des rapports », affirme-t-il. Pour lui, l’achat des matériels indiens est une exigence des bailleurs de fonds. « Tous ces appareils sont sous garantie d’un an. Si un scanner est gâté, la société est en mesure de nous restituer l’argent ou de nous donner un nouveau scanner », fait-il remarquer. Et de fustiger ensuite ceux qui l’accusent d’avoir géré tout seul le projet : « Quand vous avez un projet comme ça, on a l’impression qu’on a le droit de partager les responsabilités. Non, ce n’est pas parce que vous êtes de telle spécialité ou de telle autre qu’on doit vous donner une partie à gérer. Mais ce qui a été fait nous avons convoqué les chefs des départements pour leur demander de hiérarchiser leurs besoins. C’est en fonction de ça que nous avons élaboré les contrats ». Pour finir, il a indiqué que l’inauguration allait avoir lieu et que le report de mardi était lié à un problème de calendrier. « Je vous demande de patienter. Au jour de l’inauguration, tous les appareils seront exposés », martèle-t-il.
 
Somme toute, ce projet BIDC pollue l’atmosphère au CHU-Tokoin. « Le chef de l’Etat voulait que le projet soit bien géré et c’est pourquoi il l’a confié à son Conseiller médical. Mais c’est la catastrophe. La gestion de ces 10 milliards du projet BIDC est une bombe à retardement », confie un médecin généraliste.
 
R. Kédjagni
 
source: LIBERTE HEBDO TOGO

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