Depuis près de trois semaines, les partis politiques regroupés au sein du « Collectif Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel d’une part et le pouvoir RPT/UNIR d’autre part, se regardent en chiens de faïence. Une situation semblable à l’équilibre de la terreur ou du statu quo règne dans le pays : l’opposition attend du pouvoir l’organisation d’un dialogue franc et sincère. Le pouvoir de son côté semble ne plus s’inscrire dans cette logique et a ses regards fixés sur ces élections. Mais après la prestation de serment de façon cavalière par certains membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la situation stagne. Au moment où l’on assiste à cette impasse, l’opposition devrait multiplier les concertations et repenser des stratégies novatrices pour remporter les élections prochaines. La hache de guerre, les conflits de leadership devraient être mis sous éteignoir et par-dessus tout, une coalition électorale.
 
La situation politique au Togo est sclérosée depuis quelques semaines. Et pour cause, opposition et mouvance présidentielle se regardent en chiens de faïence. Après plusieurs appels au dialogue boycottés par l’opposition incarnée par le CST et l’Arc-en-ciel, le gouvernement se montre de plus en plus réticent à convoquer un nouveau dialogue. Est-ce par crainte d’un nouveau boycott ? Cette éventualité est moins plausible puisse que la plupart des partis les plus représentatifs de l’opposition manifestent leur volonté de participer cette fois-ci à un dialogue franc et sincère afin de mettre les points sur les « i » et débloquer la situation politique avant d’aller aux élections prochaines. L’Alliance nationale pour le changement (ANC), le poids lourd au sein du CST, se dit disposé également à prendre part à un dialogue pourvu que ses préalables dont le retour de ses députés à l’Assemblée nationale, la mise en œuvre des recommandations de la CNDH et de la CVJR soient satisfaits. Mais le fait que l’ANC brandit toujours ses préalables avant l’ouverture de l’éventuel dialogue sonne pour certains observateurs que cette formation politique est intransigeante et ambitionne de faire cavalier seul au moment où les autres membres du CST et de la Coalition envisagent un regroupement ou du moins une synergie d’actions pour les échéances prochaines.
 
Une coalition de l’opposition, la porte idéale de sortie de crise.
 
A la création du CST en Août dernier suivie de la mise sur les fonts baptismaux de la Coalition Arc-en-ciel quelques mois plus tard, l’opinion était plus ou moins soulagée. Plusieurs croyaient à la sincérité des acteurs et les conviaient à une union sacrée. Mais les plus sceptiques disaient que de tels regroupements ne sont que des pétards mouillés n’ayant pas foi en ce que ces regroupements puissent peser dans le dénouement de la crise sociopolitique togolaise. Les faits semblent leur donner raison suite aux divergences de vue intervenues il y a quelques jours entre les deux regroupements. En effet, lorsque la Coalition Arc en ciel a posé le problème de limitation de mandat présidentiel avec effet immédiat, le CST n’avait trouvé aucune objection à cela. Mais lorsque le CST en l’occurrence l’ANC a posé le problème des préalables avant l’ouverture d’un dialogue franc et sincère, la Coalition a contesté cette méthode d’obtention d’un dialogue franc et sincère estimant que le peuple souffre de trop.
 
Patrick Lawson estime que leurs préalables ne sont pas superflus. Prenant l’exemple de l’exclusion des 9 députés, il déclare que « même si le mandat des députés est à terme, la constitution togolaise n’a pas pour autant disparu ». En clair, l’article 52 alinéa 2 de la Constitution stipule que « le mandat impératif est nul » et pour le premier vice président de l’ANC, tous les membres du CST et de la Coalition devraient s’inscrire dans la dynamique du respect de la Constitution ». Pour lui, l’ANC ne contribuera jamais à la destruction des deux regroupements : « même s’il faille encaisser des coups et des insultes pour que le 19ème dialogue soit un succès, nous sommes prêts à tous », a t-il martelé.
 
Mais on ne peut que considérer ces divergences comme passagères et penser à colmater les brèches et tourner un retard sur les actions futures à mener en vue de la réussite du dialogue devant assainir le climat politique. Dans ce sens, les partis politiques de l’opposition devraient faire un sursaut d’orgueil cette fois-ci pour renverser la vapeur. Cela passerait comme le disent déjà beaucoup d’observateurs avisés de la scène politique togolaise par une stratégie bien ficelée. Certains évoquent déjà une candidature commune de l’opposition afin de maximiser ses chances pour rafler le plus grand nombre de sièges. Cette option est plausible mais il faudrait que l’ensemble des acteurs politiques s’inscrivent dans cette logique. Il urge pour ce faire, de transcender les égos et les antagonismes, les mesquineries et les roublardises de toutes sortes. La crise politique togolaise prend de l’âge et les acteurs politiques aussi. Pour ne pas se voir emporter par l’âge, les acteurs politiques devraient raviser leurs positions et prendre la résolution d’affronter ces élections en perspectives en rang serré. L’on se rappelle encore qu’en 2005, cette opposition a fait semblant d’accepter la candidature unique de feu Bob Akitani pour affronter Faure Gnassingbé. Mais cette union n’était que de façade, certaines formations politiques de l’opposition soutenant en coulisse le candidat du Rassemblement du peuple (RPT) d’alors. Cette comédie d’union était également tentée fin 2009 et début 2010 entre le Comité d’Action pour le renouveau (CAR) et l’Union des forces de changement (UFC). Ces deux formations avaient démarré des concertations en vue d’une candidature unique. Ces concertations n’ont pas duré dans le temps. D’autres initiatives similaires ont eu lieu à Paris pour rassembler l’opposition mais après la fixation de la date du scrutin présidentiel de 2010, le « diable a emporté les désirs des uns et des autres: l’appétit du pouvoir a tout bouleversé et chacune des formations s’était présentée au scrutin. C’était juste une parenthèse pour rappeler les erreurs d’un passé récent.
 
Devant les enjeux des élections à venir, l’opposition togolaise devrait, pour cette fois-ci surprendre agréablement l’opinion publique nationale et internationale par un dépassement de soi et ne penser qu’à l’unité, rien qu’à l’unité. Et comme l’a si bien dit l’artiste de la chanson ivoirienne, Ticken Jah Fa Koli « Quand nous sommes unis, ça va faire mal ». Ceci pour dire que le pouvoir en place n’est fort que de la division de l’opposition. C’est une faille de l’opposition que le régime gnassingbé a su exploiter depuis des décennies. L’unanimité serait difficile à réaliser certes, mais le plus beau cadeau que les partis représentatifs de l’opposition pourraient faire en ce moment est de tout mettre en œuvre pour une candidature commune de l’opposition. Ce serait un signe du dépassement des clivages et un gage pour la recherche d’une solution durable à la crise togolaise. Sinon les conclusions du futur dialogue n’auraient pas d’effet si l’opposition ne pensait pas à cette alternative.
 
Des actions communes dès à présent
 
La semaine dernière, certaines localités du Nord du pays à savoir ville de Tandjouaré, Bafilo, Kanté, Mandouri etc ont accueilli la délégation de la coalition Arc-en-ciel en tournée à l’intérieur du pays pour leur transmettre «un message d’unité et de mobilisation » à l’occasion des prochaines échéances électorales,
 
Conduite par Me Dodji Apévon, président de la coalition et président du Comité d’action pour le renouveau (CAR), la délégation de haut niveau de la coalition Arc-en-ciel est composée de Brigitte Adjamagbo-Johnson, Secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), de Me Traoré Tchassona, président national du Mouvement centriste pour la démocratie et le développement (MCD), de Bassabi Kagbara du Parti démocratique du progrès (PDP)
 
Dans son message de sensibilisation aux populations de Tandjouaré, Me Dodji Apévon a fait savoir que l’heure était venue pour que « l’alternance soit une réalité au Togo » et selon lui, cette « alternance » ne peut être possible que grâce à la mobilisation des populations à la base. Le président de la coalition a rappelé à la mémoire des populations de Tandjouaré, la scène qui a précédé le 5 février 2005 et la mort du Général Gnassingbé Eyadema pour dire aux habitants que « le régime RPT est un régime ingrat ». « Vous avez vu comment ceux qui ont fait allégeance en 2005 à Faure Gnassingbé ont été traités ? », leur a-t-il lancé avant de les inviter à se « donner totalement pour la cause de l’alternance » et à refuser de se laisser « acheter à chaque cinq ans ». Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, Secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) a en ce qui la concerne, appelé ces populations à accepter le « changement » et à travailler en sorte que ce « changement » puisse être une réalité au Togo. « Nous avons affaire à un adversaire qui a les oreilles et le cœur dur, un adversaire qui ne veut pas le bien-être du peuple. Mais nous aussi nous reconnaissons que nous avons une part de responsabilité, nous devons laisser de côté nos petites divisions et nos égos, c’est en sachant que nous ne sommes pas encore en démocratie pour que la CDPA se mesure au CAR et que le MCD se mesure au PDP que nous pouvons réaliser cette alternance c’est pourquoi nous nous sommes obligés à travailler ensemble pour libérer le pays », a-t-elle avoué.
 
Cette tournée de prise de contact et d’explication a pris fin hier par l’étape d’Atakpamé où les leaders de ce regroupement de partis politiques ont apporté les mêmes messages aux populations de cette localité.
 
Cette tournée de la Coalition Arc-en- ciel a été précédée de celle effectuée en Septembre dernier par les membres du « Collectif Sauvons le Togo ». Ces initiatives des deux regroupements sont fort louables mais pour les fois à venir, le bon sens voudrait, pour des raisons de consolidation de la lutte pour l’alternance démocratique, que ces actions se fassent simultanément sur toute l’étendue du territoire. S’il est vrai que des actions collégiales sont déjà menées dans la capitale, mais il est aussi souhaitable de pareilles actions se mènent à l’intérieur du pays pour mettre en confiance les populations sur la volonté des entités politiques au sein des deux regroupements d’aller au-delà de leur égos.
 
Des soutiens des diplomates à saisir
 
La stagnation politique de ces dernières semaines est due à l’intervention non seulement de certains hommes d’Eglise mais aussi de certains bailleurs notamment dont l’Union européenne qui conditionne sa participation financière à un autre dialogue avec l’opposition. C’est de ce qui explique le mutisme de ces derniers jours et cela a freiné l’élan des membres de la CENI. Le pouvoir en place se trouve donc un dilemme. Quel serait encore le menu de ce dialogue dans la mesure où il a en organisé plusieurs sans résultats concrets. De même, l’opposition est aussi partagée entre participationnisme et radicalisme. Au cas où, elle opte pour une participation, elle devrait mettre en veilleuse ses préalables. Au cas contraire, elle devrait réfléchir trois fois sur les moyens qui lui sont offerts pour le radicalisme. La mobilisation populaire est certes, une arme, mais elle a ses limites devant un pouvoir dictatorial qui est prêt à utiliser les gros moyens de répressions.
 
Surtout que certaines chancelleries sont toujours à pied d’œuvre pour une rencontre entre les différents protagonistes de la crise togolaise, il est de bon temps que l’opposition mette de l’eau dans son vin pour que cette rencontre ait un succès. Loin de considérer avec des gougnafiers en service que l’opposition quémande un dialogue, le gouvernement devra montrer sa bonne foi pour la réussite des travaux de ce dialogue que d’aucuns estiment être une nécessité.
 
L’heure est arrivée pour l’opposition de faire des actions inédites et transcender les antagonismes pour assurer l’alternance. Le pouvoir étant dans sa logique de conservation, une synergie d’actions s’impose à l’opposition, sinon les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets. Et elle n’aura qu’à mordre le doigt.
 
Jean-Baptiste ATTISSO
 
independantexpress
 

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