Eugène Koffi Adoboli aura été le plus poisseux des Premiers ministres que le Togo ait connus. Arraché à son paradis onusien où il vivait tranquillement, loin des yeux et des oreilles indiscrets, pour sauver le régime Eyadéma, mission qu’il a tant bien que mal remplie, il n’aura récolté que des humiliations à la fin. Il se fera descendre du perchoir par une motion de censure votée contre lui à l’Assemblée nationale en l’an 2000, une première au Togo. Rentré depuis lors en Suisse, il devrait certainement se croire à l’abri. Mais onze (11) ans plus tard, il sera à nouveau humilié, à travers un procès. Décidément avec le pouvoir Rpt, on n’est à l’abri de rien, même si on s’est sacrifié pour sa cause.
 
L’ancien Premier ministre a été jugé jeudi dernier, coupable de détournement de deniers publics et condamné à cinq (05) ans de prison ferme, 100 millions de FCFA d’amende plus des dommages et intérêts. Des accusations qu’il ne reconnaît d’ailleurs pas. « A aucun instant je n’ai puisé dans les caisses de l’Etat. Bien au contraire, j’ai usé de mes propres deniers jusqu’à mes dernières économies pour financer des frais qui afféraient à l’Etat, dont les missions à l’étranger. Contrairement à la pratique, je n’ai pas été officiellement logé durant mon mandat. Je payais de ma propre poche le loyer de ma villa…Je n’ai détourné aucun centime de l’Etat», se plaint-il dans une interview qu’il nous a accordée. Selon ses aveux, c’est plutôt l’Etat qui lui doit de l’argent, 200 millions de FCFA. « Un dossier avait été constitué et soumis à feu son Excellence Gnassingbé Eyadéma, à mon successeur, son Excellence M. Agbeyome Kodjo et à M. Barry Moussa Barqué, conseiller de feu Gnassingbé Eyadéma. Je n’ai pas entamé des poursuites judiciaires par respect pour le Togo et parce que je me préoccupais de la situation économique peu reluisante de mon pays et de mes concitoyens », confie-t-il.
 
Au vu de ces faits, on peut dire que c’est méchant et même cynique, le sort qui lui est réservé. Malgré tous ces sacrifices, le service qu’il a rendu au pouvoir Rpt, il est remercié en monnaie de singe. Comme l’a titré un confrère, ce procès est une bien belle comédie judiciaire sous les tropiques. Tout a l’air d’un simple scénario improvisé pour duper la communauté internationale et donner l’impression que le régime Faure Gnassingbé est décidé à lutter contre la corruption, les détournements de deniers publics et promouvoir la bonne gouvernance économique. Surtout que l’inénarrable ambassadrice des Etats-Unis au Togo faisait allusion dans son discours d’admiratrice de Faure Gnassingbé, à la non poursuite des dossiers de corruption. Visiblement Eugène Koffi Adoboli a juste servi d’agneau sacrificiel. Son sort à lui est réglé, mais ce sont les prévaricateurs professionnels – ils écument l’entourage de Faure Gnassingbé – qui ont du souci à se faire. Même dans les rangs des anciens Premiers ministres, la sérénité n’est pas de mise.
 
Joseph Koffigan s’étonne
 
Interrogé dimanche dans une émission sur une chaîne de la place, l’ancien Premier ministre de la transition togolaise (1991-1994), Me Joseph Kokou Koffigoh s’est étonné de l’accusation et de la décision de la Cour d’assises condamnant son collègue. « Ce n’est pas Adoboli qu’il faut prendre comme l’exemple de pilleur, dit-il. Jamais, je n’ai eu écho d’une procédure engagée auparavant contre l’ancien Premier ministre que je connais bien, ayant été membre de son gouvernement. C’est un dossier sorti comme de nulle part, et tel que je connais M. Adoboli, cela ne lui ressemble pas. Je suis très surpris de ce qui lui arrive. Cependant j’approuve que la loi fonctionne si les gens détournent des deniers publics et que les preuves sont établies». Il rétorque n’avoir « absolument pas peur », à la question du confrère s’il craignait que son tour n’arrive, ne se reprochant quelque crime économique ou de sang. Me Koffigoh affirme avoir conduit ses différentes fonctions dans la droiture. On l’espère bien.
 
Gilbert Houngbo en sursis
 
Le procès Adoboli, c’est un véritable cas de jurisprudence, et celui qui doit le plus faire dans son froc, c’est l’ancien locataire de la Primature. Gilbert Fossoun Houngbo a toutes les raisons de craindre de subir le même sort que son prédécesseur, arraché à sa carrière onusienne pour venir sauver le régime Eyadéma à l’époque. C’est le même dessein qui a prévalu à l’ « embauche » du Technocrate. Il s’agissait simplement pour Faure Gnassingbé, d’appâter la communauté internationale en confiant la Primature à un « PNUDien », censé être bien instruit à la bonne gouvernance. Et tout ce beau monde est tombé dans le jeu, puisque la Communauté internationale a repris sa coopération pleine et entière, décaisse de façon intempestive des fonds en faveur du Togo et annule en cascade les dettes de notre pays. Tout cela, le régime actuel le doit en partie à Gilbert Houngbo qui a mis à contribution son carnet d’adresses bien fourni. Mais le hic dans cette histoire est que le chantre de la bonne gouvernance au PNUD a fini par prendre goût aux pratiques de la maison Rpt.
 
Sa préoccupation actuelle, c’est de se faire une situation financière. Le Technocrate envoyé au Togo pour améliorer le quotidien des populations est cité dans des affaires de cession de marchés de travaux publics à des proches, pour des bakchichs, et est devenu un candidat sérieux au matérialisme, multipliant les villas un peu partout, tout comme son employeur. Le plus cocasse est le château qu’il s’est tapé dans son Agbandi natal, une bâtisse digne d’un prince émirati, qui contraste avec la misère ambiante dans le milieu. Est-ce le seul salaire du « PNUDien » – autour de trois (03) millions FCFA, selon les indiscrétions – qui lui permet de s’offrir de pareils joyaux en l’espace de trois (03) ans de fonction au Togo, ce qu’il n’a pas réalisé depuis plusieurs années au PNUD ? Allez-y savoir. Et si un jour il doit être poursuivi, comme Eugène Koffi Adoboli, on parie qu’il subirait le sort de Kakou Ananzé, ce personnage de conte.
 
Tino Kossi
 
source: liberté hebdo togo

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