L’ONG internationale, Amnesty International, vient de rendre public son rapport 2012 sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Encore une fois, le Togo est épinglé sur la question de la torture, de la répression des manifestations, de l’exclusion des députés de l’ANC, de l’impunité … Ce rapport couvre la période de 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011.
 
TOGO
Chef de l’État: Faure Essozimna Gnassingbé
Chef du gouvernement: Gilbert Fossoun Houngbo
Peine de mort : abolie
Population: 6,2 millions
Espérance de vie: 57,1 ans
Mortalité des moins de cinq ans: 97,5 %
 
Taux d’alphabétisation des adultes: 56,9%
 
Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestations pacifiques organisées par des partis politiques et des étudiants. Elles ont utilisé notamment du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. Une trentaine de responsables politiques et militaires ont été condamnés à des peines de prison sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture. Les auditions de la Commission vérité, justice et réconciliation ont eu lieu de septembre à novembre; l’impunité demeurait la règle parmi les forces de sécurité, qui ont cherché à perturber le fonctionnement de la Commission.
 
Contexte
 
En mars, un projet de loi prévoyant l’obligation de notifier aux autorités au préalable la tenue de toute manifestation publique a suscité des critiques de la part de la classe politique, ainsi que des marches de protestation populaire. Le texte a néanmoins été adopté en mai.
 
En octobre, la Cour de justice de la CEDEAO a reproché au gouvernement togolais les décisions prises dans l’affaire relative à neuf députés de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) révoqués de l’Assemblée nationale.
 
La Cour a demandé au gouvernement de « réparer le préjudice commis » et d’accorder une indemnisation financière aux députés.
 
Bien que les autorités aient accepté de verser ces dédommagements, elles refusaient toujours, à la fin de l’année, de réintégrer les neuf parlementaires-au sein de l’Assemblée.
 
En octobre, le Togo a accepté certaines des recommandations formulées par le Groupe de travail chargé de l’Examen périodique universel [ONU] notamment sur la garantie d’indépendance et d’impartialité de la Commission vérité, justice et réconciliation. Le gouvernement a rejeté les recommandations relatives à la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
 
Utilisation excessive de la force
 
Les forces de sécurité ont, à maintes reprises, fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants et ont recouru à une force excessive lors de plusieurs marches de protestation organisées par des partis politiques et des étudiants.
 
– En mars, les forces de sécurité ont dispersé au moyen de gaz lacrymogène des manifestants qui dénonçaient un projet de loi visant à restreindre la liberté de réunion. Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC, a été placé en résidence surveillée à plusieurs reprises afin qu’il ne puisse pas participer à ces manifestations.
 
– En juin, les forces de sécurité ont fait usage de la force contre le Mouvement pour l’épanouissement des étudiants togolais (MEET), une organisation étudiante qui réclamait des améliorations du système universitaire. Les échauffourées ont éclaté après que sept étudiants- dont le dirigeant du MEET Abou Seydou – eurent été arrêtés et brutalisés. Plusieurs étudiants ont été blessés, grièvement pour certains, par des balles en caoutchouc.
 
Torture et autres mauvais traitements
 
Le recours à la torture était généralisé durant la détention provisoire, l’objectif étant d’arracher des «aveux» ou de compromettre des accusés.
 
– En mars, Sow Bertin Agba a été arrêté pour escroquerie et torturé cinq jours durant, menotté dans un garage de l’Agence nationale de renseignement, il a eu un bras cassé et des lésions sur tout le corps. À la fin de l’année, il était toujours détenu à la prison civile deTsévié, sans avoir été jugé.
 
– En septembre, 33 personnes accusées de fomenter un complot contre l’État, dont Kpatcha Gnassingbé (demi-frère du président), ont été condamnées par la Cour suprême à des peines de prison allant dans certains cas jusqu’à 20 années de réclusion. Dès la fin du procès, le ministre de la Justice a demandé à la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) d’ouvrir une enquête sur des allégations de torture. La CNDH n’avait pas rendu ses conclusions publiques à la fin de l’année.
 
Impunité
 
La Commission vérité, justice et réconciliation, mise en place pour faire la lumière sur les violations des droits humains perpétrées entre 1958 et 2005, a tenu des auditions de septembre à novembre. Au total, 508 personnes ont été entendues, sélectionnées à partir des quelque 20000 déclarations reçues. Les premières séances qui se sont déroulées à Lomé (la capitale) et dans d’autres villes, concernaient essentiellement l’attaque lancée en 1991 contre la Primature (Services du Premier ministre) et certaines des atteintes aux droits humains perpétrées durant l’élection présidentielle de 2005. L’une des séances du mois de septembre a été perturbée par l’irruption des forces de sécurité, qui cherchaient manifestement à intimider les membres de la Commission et les témoins.
 
L’enquête menée sur 12 plaintes de victimes de la répression politique de 2005 n’a pas progressé.
 
 
Amnesty International-Rapport 2012
 
Rapport 2012/ Aimé ADI, Directeur AI-Togo:
 
«La tyrannie et l’injustice n’ont plus droit de cité ici et ailleurs»
 
L’année dernière a été marquée par une défaillance du pouvoir politique à l’échelle mondiale et par des manifestations auxquelles, dans un pays après l’autre, les autorités ont opposé une force parfois meurtrière. À l’heure où Amnesty International publie son 50e rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde, il est évident que des dirigeants ont à maintes reprises rompu ou négligé le contrat social entre gouvernants et gouvernés.
 
Au Togo, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestations pacifiques organisées par des partis politiques et des étudiants. Elles ont utilisé notamment du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. Les auditions de la Commission vérité, justice et réconciliation ont eu lieu de septembre à novembre ; l’impunité demeurait la règle parmi les forces de sécurité, qui ont cherché à perturber le fonctionnement de la Commission. L’enquête menée sur 72 plaintes de victimes de la répression politique de 2005 n’a pas progressé. Le recours à la torture était généralisé durant la détention provisoire, l’objectif étant d’arracher des « aveux » ou de compromettre des accusés. En septembre, 33 personnes accusées de fomenter un complot contre l’Etat, dont Kpatcha Gnassingbé (demi-frère du président), ont été condamnées par la Cour suprême à des peines de prison allant dans certains cas jusqu’à 20 années de réclusion. En octobre, la Cour de justice de la CEDEAO a reproché au gouvernement togolais les décisions prises dans l’affaire relative à neuf députés de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, opposition) révoqués de l’Assemblée nationale. La cour a demandé au gouvernement de « réparer le préjudice commis » et d’accorder une indemnisation financière aux députés. Bien que les autorités aient accepté de verser ces dédommagements, elles refusaient toujours, à la fin de l’année, de réintégrer les neuf parlementaires au sein de l’Assemblée.
 
Ici comme ailleurs, un nombre inégalé de personnes étant descendues avec courage dans la rue pour réclamer leurs droits – bravant souvent une répression brutale et même meurtrière–, les choses ne sont plus les mêmes désormais pour les tyrans, les tortionnaires et les polices secrètes à travers le monde.
 
Cependant, le système international de gouvernance, plaçant l’intérêt et le profit avant les droits des personnes, et même avant leurs vies, n’a jamais été à l’image du courage des manifestants. L’inaction face aux événements qui se déroulaient en Syrie, au Sri Lanka et au Soudan a donné du Conseil de sécurité des Nations unies – dont la mission est de veiller à la paix et à la sécurité dans le monde – l’image d’une instance lamentablement inutile et inadaptée aux besoins.
 
Les incessantes violences et effusions de sang en Syrie sont un exemple frappant de cette défaillance du pouvoir politique. La Russie et la Chine ont opposé leur veto à la demande de cessation des violences formulée par le Conseil de sécurité, malgré les preuves que le régime du président Bachar el Assad commettait des crimes contre l’humanité et alors que les manifestants faisaient face à des tireurs et à des tanks et que, d’après certaines informations, des enfants de seulement 10 ans étaient arrêtés et torturés.
 
Peut-être cette passivité n’avait-elle rien de surprenant : la Syrie est l’un des principaux clients de la Russie en matière d’armements. Et si les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, États-Unis, France et Royaume-Uni) sont les plus grands marchands d’armes du monde, peut-on vraiment s’attendre à ce que le Conseil de sécurité remplisse son rôle de garant de la paix mondiale ? À l’abri des regards, ses dirigeants peuvent conserver leurs relations particulières, et lucratives, avec des gouvernements répressifs.
 
Mais comment pouvons-nous injecter l’obligation de rendre des comptes dans le système international de gouvernance ? Que faut-il faire pour que la justice soit la même partout ? Comment les gouvernements peuvent-ils faire montre de leur légitimité à diriger ?
 
-Tout d’abord, en renonçant à l’hypocrisie. Les peuples réclament la liberté, la justice et la dignité. Cette demande doit être honorée, ce qui implique le respect de la liberté d’expression. Les États qui prétendent défendre les droits doivent cesser de soutenir des dictateurs sous prétexte qu’ils sont leurs alliés. Les États répressifs doivent brider leur police secrète et leurs autres forces afin de permettre au peuple de s’exprimer dans un climat de paix.
 
-En deuxième lieu, ils doivent prendre au sérieux leurs responsabilités internationales. Une épreuve de vérité se présentera en juillet, lorsque des États membres de l’ONU se rencontreront pour convenir d’un traité sur le commerce des armes. Ce sera l’occasion pour les gouvernements de s’engager en faveur des droits humains, de la paix et de la sécurité et de se prononcer pour un traité fort, un traité qui empêchera les transferts internationaux de tous types d’armes classiques vers des pays où il existe un risque important qu’elles soient utilisées pour commettre des atteintes graves aux droits humains.
 
-En troisième lieu, les gouvernements doivent investir dans des systèmes et des structures qui se fondent sur les droits humains et l’état de droit – et qui garantissent l’obligation de rendre des comptes, l’équité des procès et une justice indépendante ; la réparation pour les violences subies ; la fin des discriminations, de la corruption et de l’impunité ; et l’égalité devant la loi.
 
C’est ainsi que les dirigeants pourront construire et entretenir un système qui protège les démunis et qui freine les puissants.
 
L’année passée a très clairement montré, plus que jamais, que nous pouvons, en tant que citoyens responsables, participer à la réalisation d’un avenir plus juste et plus pacifique. Toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la liberté et à la justice doivent travailler ensemble afin d’assurer la protection des droits humains partout dans le monde. N’oublions pas que si le traité sur le commerce des armes est quasiment une réalité, c’est parce que des militants de tous les niveaux ont agi en ce sens.
 
D’un pays à l’autre, des manifestants ont montré avec force que l’aspiration universelle à la liberté et à la justice ne saurait être brisée ni contenue, quelles que soient les forces de répression en présence. Les dirigeants du monde ont reçu un avertissement sur la question des droits humains : il est grand temps de faire passer la justice avant la répression et les profits.
 
Aimé ADI
 
Directeur
 
Amnesty International-Togo
 
 
liberte-togo.com
 

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