Emiettement du pouvoir et forte présence d’une dame

 

 
 
A force de s’effacer et de manquer de fermeté devant certains défis qui se posent aux populations togolaises, le chef de l’Etat Faure Gnassingbé a émietté son pouvoir. Et celle qui en tire le maximum de profit est sans doute Mme Ingrid Awadé, Directrice générale des Impôts, conseillère financière et intime du « fils de la nation ». Elle est bien présente au cœur du système et nombre d’observateurs se posent la question de savoir qui du président de la République ou de la DG des Impôts dirige en fait le Togo.
 
« Pour gérer les affaires de l’Etat, il faut s’imposer une certaine rigueur. Les sentiments doivent être combattus quand il s’agit de confier des postes de responsabilité à des gens. Mais si une intime du chef de l’Etat est compétente, elle peut être nommée à un poste de décision. Dans ce cas, elle ne peut intervenir que dans son domaine. Elle n’a pas le droit d’user de ses rapports avec le chef de l’Etat pour tenter de contrôler tous les appareils de l’Etat. En le faisant, elle met le pouvoir en danger. Mais malheureusement, c’est ce à quoi on assiste avec Ingrid Awadé qui, en plus d’être Directrice générale des Impôts et conseillère financière du chef de l’Etat, est son intime depuis des années. Aujourd’hui, elle a tous les pouvoirs et en abuse », explique un ancien ministre ayant officié sous le général Gnassingbé Eyadema.
 
Il faut le dire, depuis quelques années, le pays est dirigé par deux personnes. Il y a d’une part Faure Gnassingbé, le président officiel reconnu par la Cour constitutionnelle à la suite du hold-up électoral de mars 2010 et qui représente le Togo dans les grandes rencontres internationales. C’est lui qui est médiatisé, qui reçoit les audiences, qui envoie des messages de condoléances et de félicitation à ses pairs, qui préside les cérémonies d’inauguration… De l’autre, on a une certaine Ingrid Awadé, très puissante, qui semble diriger le pays dans l’ombre. Surnommée au début « dame de fer » pour son combat contre les prédateurs de l’économie togolaise qui refusaient de payer les impôts – mais rappelons que la plus grande partie des fonds sert souvent à construire des résidences privées au prince et à acheter les consciences dans le cadre des élections -, l’égérie financière du chef de l’Etat est très présente dans tous les secteurs de l’Etat. C’est elle qui fait et défait nombre de tous ceux qui sont dans l’entourage du chef de l’Etat. Kpatcha Gnassingbé et ses amis en savent quelque chose.
 
« Je pense qu’il est temps que Faure Gnassingbé limite la forte présence de Mme Ingrid Awadé dans les sphères de décision, poursuit cet ancien ministre. Ce n’est pas une bonne chose pour le président quand l’une de ses intimes contrôle tous les services de renseignements du pays. Dirigeant l’une des régies financières du pays, elle a suffisamment d’argent pour mettre sous sa coupole ceux qui dirigent les différents services de renseignements. Ainsi, elle est bien informée de tout ce qui se passe dans le pays ». En rappel, ses bonnes relations avec le tout-puissant DG de l’Agence nationale de renseignement (ANR), le colonel Massina Yotroféï, sont connues de tous. Ce dernier n’hésite pas à lui rendre compte directement de ce que fait son agence.
 
Selon les informations en notre possession, elle ne serait pas étrangère aux mésaventures vécues par les responsables de la radio X-Solaire dans la délivrance du récépissé. Il nous revient que ce sont ses hommes travaillant pour les services de renseignements qui auraient bloqué la procédure devant déboucher sur l’obtention du récépissé.
 
Sur le plan politique, c’est également Mme Ingrid Awadé qui joue les grands rôles. Après avoir financé et construit à Cacavéli le Quartier général (QG) du candidat du RPT, Faure Gnassingbé, dans le cadre de la présidentielle de 2010, elle a été la principale inspiratrice des associations fantoches qui avaient battu campagne pour son « prince charmant ». Elle avait tout financé au grand dam de la ministre Ibrahima Méimounétou, trésorière générale du RPT. De même, c’est autour d’elle que s’organise la création du nouveau parti. Elle mobilise beaucoup de fonds pour que les associations préparent l’opinion à adhérer à la nouvelle formation politique.
 
« A voir comment cette dame gère les affaires, on est tenté de dire que c’est Mme Ingrid Awadé qui dirige le Togo. On peut tout reprocher à feu Eyadema, mais il n’a jamais donné autant de pouvoir à une femme. Il arrivait à tenir tout le monde en respect. En revanche, ce qui passe actuellement n’est pas de bon augure. Dans tous les pays où les femmes ou les intimes des présidents ont essayé de jouer les premiers rôles, ça s’est toujours mal passé. Au lieu d’aider leur mari à évoluer, elles ont, par leur omniprésence au cœur du pouvoir, travaillé à leur perte. Les exemples du couple Soglo, Gbagbo et Ben Ali sont là », fait remarquer un baron.
Il nous revient qu’elle serait en outre l’amie des journalistes qui, comme les autres courtisans, n’hésitent pas à l’appeler « maman ». Les hommes religieux ne sont pas du reste. « Elle sait qu’avec l’argent, on peut tout faire. Et elle en donne à tout le monde afin que le statu quo puisse être maintenu. Même les journalistes étrangers bénéficient de la magnanimité de la muse du chef de l’Etat », affirme une source proche de la DG des impôts.
 
Quid de la gestion du secteur des impôts ? C’est sa chasse gardée. « On a l’impression que la DGI est une institution à part, constate un économiste. Après avoir érigé à coup de plusieurs milliards le siège de la DGI dans la cité OUA, elle a choisi de construire un siège pour les cadastres qui sont rattachés depuis 2010 dernière aux impôts. Compte tenu des urgences qu’il y a dans le pays, on peut aménager dans le grand siège de la DGI des bureaux pour accueillir les cadastres. Bien qu’elle fasse des efforts dans le recouvrement des impôts, je pense que leur participation au budget n’est pas conséquente».
C’est donc au regard de tous ces éléments que Mme Ingrid Awadé est surnommée dans certains milieux la « présidente officieuse de la République ». Comme le dira un groupe d’artistes, c’est elle la patronne.
 
R. Kédjagni
 
liberte-togo.com

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