Près d’une semaine après la désignation par les députés de quinze (15) membres sur les dix-sept (17) devant composer la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le Comité d’action pour le renouveau (CAR) n’a pas fini de condamner la « manœuvre » et d’appeler le gouvernement à de meilleurs « sentiments ». Après les réactions de condamnation du président national du CAR, Me Dodji Apévon, c’est le tour du président d’honneur de cette formation politique de monter au créneau pour exprimer sa « désapprobation » de la démarche des députés proches du pouvoir et de l’UFC et conseiller le gouvernement à ouvrir des « discussions franches et sincères » avec la classe politique.
 
Le président d’honneur du Comité d’action pour le renouveau (CAR, opposition), Me Yawovi Agboyibo était dimanche dernier l’invité de l’émission « 12/13 » de la radio privée Nana Fm. Au cours de ce débat, Me Yawovi Agbiyibo a abordé plusieurs sujets relatifs à la récente désignation des nouveaux membres de la CENI, à la qualité de formation de l’opposition reconnue à l’Union des forces de changement (UFC), à la question de la limitation du mandat présidentiel et au plan, dit de « Berlin » qui existerait, selon lui, entre le parti au pouvoir et l’UFC depuis 2009.
  
La CENI, selon Me Yawovi Agbiyibo, a été la formule qui a permis au peuple togolais « de donner un peu de sens aux élections ». « Si le pays n’est pas doté d’une CENI digne de ce nom, il n’y aura pas de stabilité, de crédibilité », a indiqué l’ancien Premier ministre pour qui les efforts accomplis en 2007 dans la mise en place d’une CENI impartiale et « non partisane » sont en passe d’être remis en cause par le gouvernement togolais et son alliée de l’UFC. « On a l’impression qu’elle (la CENI) se comporte comme une institution d’accompagnement du pouvoir en place et de légitimation de sa présence à la tête du pays. Il y a un effort qui a été fait en 2007 avec les législatives, mais je me demande si le processus ainsi lancé a été conservé », a fait savoir M. Agboyibo.
 
Celui-ci dans ses développements, qualifie la CENI de « mécanisme fondamental de la démocratie », par conséquent, a-t-il menacé, conserver la configuration actuelle de la commission électorale nationale indépendante, c’est courir le risque d’aller vers des élections « contestées » par les acteurs. « On ne peut pas aller vers des élections aux résultats acceptables par tous avec des membres de la CENI déplorés et contestés par tout le monde. Si la CENI pose autant de problèmes, c’est que les résultats poseront des problèmes », a-t-il argumenté.
 
La polémique sur la place de l’UFC dans l’opposition
 
Pour Me Yawovi Agboyibo, la polémique sur la place de l’UFC au sein de l’opposition togolaise « n’a pas lieu d’être ». Se référant à une « révélation », qui selon lui, aurait été faite par le ministre Gilbert Bawara le 19 octobre dernier sur les ondes de la radio Kanal Fm, le président d’honneur du CAR croit savoir qu’il y avait depuis 2009, un « plan » de partage du pouvoir entre l’UFC et Faure Gnassingbé, le Chef de l’État togolais. « Il y a une révélation que le ministre de l’Administration territoriale a faite le vendredi 19 octobre sur Kanal Fm. Cette révélation était capitale pour la compréhension de ce que vous appelez polémique. Au cours de son intervention sur Kanal Fm, le ministre Bawara a dit qu’en 2009 en Allemagne, le président Faure s’est engagé et le terme est fort, à constituer après le scrutin présidentiel de 2010, s’il venait à sortir vainqueur, une coalition gouvernementale avec l’UFC et que si c’est l’UFC qui sortait vainqueur de ce scrutin, elle constituerait également une coalition gouvernementale avec le RPT. Je dis que cette révélation de Bawara est capitale parce que cela nous permet de comprendre ce qui s’est passé par la suite. Les gens croient que c’est le 26 mai 2010 que la coalition gouvernementale entre l’UFC et le RPT s’est constituée. Non, cette coalition remonte au plan de Berlin, c’est depuis Berlin que le plan a été tracé pour que les deux forment une coalition. Mais à ce stade pour moi, ce n’est pas si grave », a-t-il fait observer. Ce qui est « assez grave » dans ce plan dit de Berlin, poursuit-il, c’est l’usage qu’en fait Gilchrist Olympio. « Le plan de Berlin, tel que M. Gilchrist Olympio veut l’appliquer signifie que l’espace politique au Togo va être partagé en deux, une partie sera laissée au pouvoir et M. Gilchrist Olympio exercera les droits de l’opposition. Je ne pense pas que ce soit ainsi dans la tête de ceux qui ont accepté de cautionner ce plan de Berlin, mais c’est comme ça que Gilchrist lui le comprend. Quand on parle d’opposition, il faut que ce soit lui, et lorsqu’on parle du pouvoir, ils seront deux à l’exercer. C’est à nous de faire en sorte que cela ne soit pas une réalité. C’est pour cela qu’il faut exclure le boycott, il faut se battre pour que les conditions de la participation de l’opposition soient réunies », a insisté l’allié de l’UFC lors des élections présidentielles de 2005.
 
L’homme estime que c’est « une question de bon sens » que l’UFC, soit une formation politique appartenant désormais à la « coalition gouvernementale », donc à la « majorité parlementaire », parce que « condamnée à soutenir les actions du gouvernement ». « Dans tout pays qui aspire à la démocratie, une coalition gouvernementale va toujours de paire avec une majorité présidentielle. Les deux vont de paire, parce que lorsque vous accepter être dans un gouvernement, et que vos élus ont approuvé le plan qui a été élaboré, il faut que vous constituiez au niveau du parlement une majorité qui accepte d’accompagner le gouvernement et le soutienne. C’est de règle, c’est une question de bon sens. On n’imagine pas un seul instant que deux partis qui constituent une coalition gouvernementale se comportent en adversaire au niveau du parlement, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas y avoir des points de désaccord entre eux. Mais fondamentalement et institutionnellement, ils n’ont pas de choix. Prenons ce qui s’est passé récemment en France. Le Front gauche de Melanchon n’a pas voulu constituer une majorité parlementaire avec le Parti socialiste, la conséquence c’est leur refus d’entrer dans le gouvernement. Les Verts par contre ont choisi d’être dans la coalition gouvernementale et automatiquement ils sont membres de la majorité parlementaire. Je ne comprends pas pourquoi ici au Togo, l’UFC de M. Olympio hésite à se reconnaître de la majorité parlementaire, ce n’est pas possible. Ils avaient ensemble choisi Houngbo, ils avaient ensemble investi le premier ministre Ahoomey, mais ça va de soi. Ils ne peuvent pas vouloir aller puiser dans le quota de l’opposition parlementaire. On ne peut pas être à la fois au pouvoir et dans l’opposition. C’est foncièrement une aberration que de dire que le parti de Gilchrist Olympio peut prendre trois (3) places de ce qui revient à l’opposition. On ne peut pas être à la fois opposant historique et participer au gouvernement. Il ne peut être dans une coalition gouvernementale et en même temps être opposant, c’est à lui de faire un choix », a-t-il expliqué.
 
Que faire pour améliorer la situation ? Me Yawovi Agboyibon laisse le choix à « la population » et à « l’opposition ». « Nous devons tout faire pour que les élections aient lieu. Le boycott signifierait que nous acceptons d’ouvrir un boulevard pour le plan de Berlin, tel que M. Gilchrist Olympio veut l’appliquer », conseille ce dernier à ses camarades de l’opposition.
 
« Il doit y avoir alternance en 2015 »
 
Le premier président de la commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) est revenu sur le débat ayant court et portant sur la rétroactivité de la limitation du mandat présidentiel proposée le 15 septembre dernier par l’accord intervenu à l’issue du dialogue Ahoomey-Zunu. Selon lui, il y a deux angles à cette question. « L’angle de la durée du mandat, et l’angle du nombre de renouvellements du mandat ». Parlant de la question de la limitation du mandat présidentiel, Me Yawovi Agboyibo estime que puisqu’au Togo, « c’est uniquement le nombre de renouvellements qui a subi des modifications en 2002 », « Faure ne pourrait plus être candidat ». « Il faut remarquer qu’il y a deux angles dans la question de la limitation de mandat. L’angle de la durée du mandat, et l’angle du nombre de renouvellements du mandat. Dans certains pays comme le Sénégal, la durée du mandat a subi des modifications, mais au Togo, c’est uniquement le nombre de renouvellements qui a subi des modifications en 2002. Le premier mandat de Faure n’a jamais fait l’objet d’amendement,  Faure l’avait accompli comme tel, ça fait un premier mandat. Il ya le second qui est en court et qui est l’objet de polémiques, est-ce que la modification qui a été proposée récemment, je parle de la modification du 15 septembre et qui dit que le mandat ne peut être renouvelable qu’une seule fois, signifie qu’à la fin de ce mandat, Faure ne pourrait plus être candidat. Dans mon entendement, je pense qu’en 2015, il doit y avoir alternance » , a lancé Me Yawovi Agboyibo.
 
Olivier A.
 
afreepress
 

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