Solutions de sortie de crise / Sons de cloche différents au sommet de l’Etat

 
Le Togo vit depuis des décennies une crise politique permanente, mais l’avènement des prochaines élections législatives et locales l’a exacerbée et aujourd’hui la tension est bien réelle. L’illustration avec les dernières manifestations du Collectif « Sauvons le Togo » et leur répression. Il y a une véritable impasse, et bien malin qui pourrait présager l’issue du processus électoral actuel. La seule alternative à cette crise semble être le dialogue, et des voix ne cessent d’y appeler. Mais chez et autour de Faure Gnassingbé, rien n’est fait pour créer les conditions de concertation et de sortie heureuse de crise. On ne tisse tout simplement pas le même coton au sommet de l’Etat.
 
Appels tous azimuts au dialogue
 
S’il y a une recette qui est proposée à la classe politique, avec la coulée de bile et d’adrénaline engendrée par les manifestations de la semaine surpassée du Collectif « Sauvons le Togo », c’est bien le DIALOGUE. D’un côté, la mobilisation du CST et des populations à faire changer les choses est bien réelle, et de l’autre la détermination du pouvoir à réprimer ces manifestations pourtant légitimes l’est aussi. Ce qui n’augure rien de bon pour le Togo. Le dialogue devient alors incontournable aux yeux de beaucoup d’observateurs. Et c’est à une pluie d’appels allant dans ce sens qu’on assiste ces derniers temps. Surtout de la part des ambassadeurs accrédités au Togo. C’est d’ailleurs la recette générique qu’ils proposent pour notre pays depuis des lustres, mais qui se révèle à chaque fois inefficace.
 



 
Dans une déclaration faite par le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard Valero le vendredi 15 juin dernier, suite aux manifestations réprimées du Collectif « Sauvons le Togo », Paris a condamné « toutes les violences ainsi que leur instrumentalisation », avant de proposer la concertation comme mesure de sortie de crise. « Le maintien d’un dialogue constant, dans le respect de tous, peut seul permettre l’apaisement de la vie politique au Togo. La préparation des prochaines échéances électorales doit se dérouler dans cet esprit de conciliation en mettant en œuvre les mesures nécessaires à un processus transparent, démocratique et apaisé », lit-on dans la déclaration.
 
Le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (Hcdh) n’est pas resté en marge de ces événements. Dans un communiqué rendu public le mercredi 20 juin dernier, le Bureau du Togo dirigé par Mme Ige Olatokunbo se dit « vivement préoccupé par les violences qui ont marqué les manifestations du Collectif «Sauvons le Togo» du 12 au 14 juin 2012 à Lomé » et « invite toutes les parties à privilégier davantage le dialogue dans la résolution des questions politiques ».
 
Au sein de la classe politique togolaise, du côté de l’opposition surtout, on n’abhorre nullement le dialogue. Les responsables du CST clament d’ailleurs être disposés à aller à la table des discussions si on les y appelait, et donnent pour preuve la rencontre entre le Coordonnateur, Me Zeus Ajavon et Faure Gnassingbé à la présidence de la République le jeudi 7 juin 2012 et la « Plateforme citoyenne pour un Togo démocratique » rendue publique le 4 juin dernier.
 
Au Comité d’action pour le renouveau (Car), après Me Dodji Apevon, le président (sic) du parti qui appelait les leaders du CST à capitaliser la mobilisation de rue en y alliant le dialogue, le Secrétaire général Jean Kissi, lui, est carrément venu réclamer la paternité du dialogue politique au Togo. « Vous savez que le CAR est le chantre du dialogue. Le dialogue doit être permanent, tant qu’une nation vit… Pour nous, quelles que soient les difficultés, le dialogue devrait être maintenu », a-t-il dardé dans une interview accordée à l’agence savoirnews.
 
Le principe du dialogue semble bien acquis et partagé par tous. Et de toute vraisemblance, on n’attend que le signal pour y aller. Mais voilà, au sommet du pouvoir qui devrait l’initier, on ne tisse visiblement pas le même coton.
 
Voies discordantes au sommet
 
Depuis le passage en force qui a abouti au vote des projets de Code électoral et de découpage contestés par toute la classe politique de l’opposition consciente, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales et Porte-parole du Gouvernement, Pascal Bodjona ne cesse de s’époumoner que les portes du dialogue restent ouvertes. « On n’a jamais assez de dialogue. Certains processus aboutissent, d’autres non. Ce que je veux dire aujourd’hui, c’est que le gouvernement reste ouvert au dialogue et est tout à fait disponible », clamait-il le 14 juin dernier dans une interview accordée au site Balla Fasseke du pouvoir, avant d’y revenir le 20 juin dans un autre entretien : « Le problème qui ronge le Togo, c’est que les gens prétextent d’un manque de confiance pour se disculper du dialogue auquel le peuple nous renvoie. Même les gens qui se sont affrontés dans le passé ont fini par s’asseoir à la même table ». Le même appel au dialogue (de façade), il l’a encore réitéré sur Légende FM la semaine dernière.
 
Ainsi, on pouvait croire que ces appels incessants lancés à l’endroit de la classe politique pour un dialogue étaient consécutifs à une certaine volonté de son employeur, Faure Gnassingbé de prendre véritablement langue avec les acteurs pour une issue concertée à la crise. Mais apparemment, il n’en est rien. « Abordant la question du dialogue, le chef de l’Etat a semblé éluder l’opportunité de discuter à nouveau avec les partis politiques, car, il estime connaître déjà leurs positions sur les sujets dont il faut discuter », lit-on dans la déclaration du CST rendue publique le lundi 11 juin suite à la rencontre entre son premier responsable et Faure Gnassingbé. C’est donc manifeste que le locataire de la présidence de la République ne veut plus discuter avec la classe politique, mais avec la société civile. Sur des questions politiques ! Ces appels lancés à l’emporte-pièce ne sont donc qu’hypocrites.
 
Au moment où les voix s’élèvent de toute part pour réclamer le dialogue, le bon sens voudrait que chez et autour de celui qui doit en prendre l’initiative, c’est-à-dire Faure Gnassingbé, les comportements s’inscrivent dans cette dynamique. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. Ceux qui ont suivi l’émission « L’autre journal » mercredi dernier sur les ondes de Légende FM, et nommément les propos orduriers de Gilbert Bawara doivent s’en convaincre davantage. « Individus », « des gens sans aucune représentativité »…c’est en ces termes qu’il désignait les responsables du Collectif « Sauvons le Togo ». Quant aux milliers de manifestants sortis le mardi 12 juin, il s’est permis de les appeler « badauds ». Des propos orduriers qui n’auront pour effets que de raviver les rancœurs, d’attiser le feu. Et pourtant, on a affaire à un CONSEILLER SPECIAL de Faure Gnassingbé, celui qui est donc censé donner des conseils utiles ! L’homme est connu pour ses propos inconvenants et incivils. Mais le bon sens ne voudrait-il pas qu’il fasse un cessez-le-feu, s’inscrive dans la dynamique du dialogue et tienne des propos rassembleurs ?
 
Une telle attitude au demeurant prouve qu’au fin fond, le dialogue annoncé avec trompette et tintamarre par Pascal Bodjona, qui y met tout son gabarit, ne devrait être qu’un simple effet d’annonce, un marché de dupes de plus. Sinon comment comprendre qu’autour de Faure Gnassingbé, certains de ses plus proches collaborateurs tiennent des propos rassembleurs (hypocrites) et d’autres s’emploient à jouer au pyromane ? Entre Bodjona et Bawara, qui parle au juste en son nom? Ce fameux dialogue réclamé, s’il venait à s’ouvrir, ne serait qu’une comédie de plus.
Tino Kossi
liberte-togo.com

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