Deux semaines après la publication de deux rapports sur les allégations de torture et le départ en exil du président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), Koffi Kounté, le gouvernement togolais tente de sauver la face. Selon les informations, il aurait pris langue avec M. Kounté pour lui dire que toutes les mesures sont prises pour qu’il rentre au bercail. Reviendra ou reviendra pas ? La balle est dans le camp du président de la CNDH.
 
Dans l’après-midi du samedi 18 février dernier, le gouvernement a publié le rapport de la CNDH concluant à la non existence des actes de torture à l’Agence nationale de renseignement (ANR), et ce, en dépit des témoignages vivants des victimes. Mais à voir les choses de près, tout Mongolien se rend compte que le rapport publié sur le site « Balla Fasséké » de la République (republicoftogo.com) a été charcuté, mieux, torturé. Comme le faux et le mensonge ne résistent pas au temps, la CNDH a publié le lundi 20 février sur son site Internet le rapport authentique qui dit que la torture est réelle au Guantanamo tropical, tout en précisant que celui rendu public deux jours plus tôt par le gouvernement est « travesti et obtenu sur menaces ».
 
En revanche, le président de la CNDH s’est mis à l’abri avant de poser cet acte courageux et historique. « Lorsque vous avez résisté, plusieurs jours, aux pressions de certains conseillers du président et que vous avez pris une décision mettant en cause de hautes personnalités, il semble prudent de se mettre à l’abri », a-t-il déclaré à « Jeune Afrique ». Il est allé en France et a été reçu au Quai d’Orsay où il a demandé sa protection et celle de sa famille.
 
« Le président de la Commission nationale pour les droits de l’Homme (CNDH) du Togo, M. Koffi Kounté, a déclaré que la version de ce rapport publiée par le site republicoftogo.com était falsifiée. Il a précisé que la version exacte a été publiée sur le site de la CNDH. Nous appelons les autorités togolaises, comme elles s’y sont engagées, à faire toute la lumière sur les accusations de falsification de ce rapport. La CNDH et tous ses membres doivent pouvoir poursuivre leur mandat dans les meilleures conditions d’indépendance et de sécurité. Nous appelons à la mise en œuvre des recommandations en conclusion du rapport de la CNDH », a expliqué M. Romain Nadal, porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, au cours du point de presse du 22 février.
 
Face à la pression, le gouvernement a dû cracher sur le rapport maladroitement charcuté à la Présidence pour s’aligner sur celui de la CNDH. Et après avoir annoncé une série de « mésurettes » tout en s’imposant l’omerta sur ceux qui ont charcuté le rapport, le gouvernement tente de prendre attache avec M. Koffi Kounté. Selon les informations en notre possession, alors que les services français s’activent pour que sa famille le rejoigne dans l’Hexagone, le président de la CNDH est régulièrement contacté par les autorités togolaises qui lui demandent de revenir au pays. Pour Faure Gnassingbé et son gouvernement, tout est rentré dans l’ordre et M. Kounté n’a pas à se faire du mauvais sang pour sa sécurité. Ainsi, depuis quelques jours, un groupe de gendarmes aurait été envoyé à son domicile à Lomé.
 
« Juriste formé à l’université du Bénin puis à l’École de la magistrature du Togo, Koffi Kounté assure qu’il a été élu, en 2007, à la tête de la CNDH pour son parcours d’infatigable militant des droits de l’homme. Il s’apprêtait d’ailleurs, dans les semaines à venir, à entamer un second mandat de quatre ans à la tête de l’institution », rapporte « Jeune Afrique » N°2668 du 26 février au 3 mars 2012. Est-ce à dire que le retour au Togo de M. Kounté est imminent ? Seul l’intéressé qui a déclaré le 21 février sur RFI qu’« à l’allure où vont les choses, il ne leur (les tortionnaires) arrivera absolument rien », est à même de répondre à cette question.
 
Mais pour nombre d’observateurs, le président de la CNDH risque de se faire avoir par les mêmes sicaires qui l’ont obligé à filer à l’anglaise. « Je crois qu’il court un grand risque en revenant au pays. Faure Gnassingbé ne contrôlant rien du tout, ce sont les mêmes personnes qui ont été indexées dans le rapport et qu’il a accusées dans les médias internationaux, qui seront chargées de lui assurer la sécurité. Et connaissant le système, les gens vont chercher à se venger ou à l’humilier. Il est même possible qu’il perde à la faveur du renouvellement du bureau de la CNDH son poste de président. Le cas des Lawson Merleau et Francisco est là pour l’édifier. Il n’a qu’à se remémorer aussi du sort qui a été réservé à Fambaré Natchaba ou à Nayone pour qui beaucoup de Togolais se sont battus au début des années 90 », affirme un défenseur des droits de l’Homme.
 
R. Kédjagni
 
liberte-togo.com

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