Ingrid Awadé, la Directrice générale des Impôts se donne des aires de liberté. Et se substitue à loisir au pouvoir législatif. Par décision n°032 datée du 26 novembre 2010, elle a accordé une réduction de 50% sur les droits d’enregistrement, les droits de conservation foncière, les frais du journal officiel, les frais de plans parcellaires, les frais de bornage conservatoire. Le plus cocasse, c’est que c’est la « Jet Set » de la République qui en est largement bénéficiaire. Une aberration au moment où la Plèbe croule sous le poids de ces tarifs qui ont d’ailleurs été revus à la hausse en janvier 2012.
 
Qui dirige le pays ? D’aucuns n’hésiteront pas à désigner Ingrid Awadé, la puissante dame de la République, en lieu et place de Faure Gnassingbé, l’« héritier du pouvoir ». Et pour cause, cette dernière a des pouvoirs illimités. Elle se permet tout. Absolument tout. A preuve, par décision unilatérale édictée le 26 novembre 2010, elle baisse de 50% les droits d’enregistrement, les droits de conservation foncière et frais connexes au profit du Chef de l’Etat et du personnel de son cabinet, du Premier ministre et du personnel de son cabinet, des ministres en fonction et du personnel de leur cabinet, et de tous les agents de la Direction générale des Impôts. « Les avantages ci-dessus portent exclusivement sur les immeubles dont les bénéficiaires sont propriétaires ou copropriétaires en couple. Pour ce faire, une attestation de service doit impérativement être jointe au dossier », poursuit la note. Et pour l’exécution de cette décision, une seule référence, le Directeur des affaires domaniales et cadastrales.
 
Cette mesure qui a été si favorablement accueillie parmi les « amis de Faure », cette extrémité du Togo qui se lève moins tôt mais brasse des milliards avant la tombée de la nuit, pose un sérieux problème de compétence. La Directrice générale des Impôts a-t-elle au nombre de ses prérogatives, la faculté de revoir à la hausse ou à la baisse les droits fiscaux ou carrément d’édicter des exonérations ou franchises fiscales? Tous les juristes, en dehors peut-être de Charles Debbasch, le mercenaire en col blanc, répondront à cette question par la négative. En effet, il est notoire aujourd’hui que seul le parlement est habilité, dans le cadre d’une loi de finances ou d’une loi ordinaire, à créer, modifier ou supprimer un impôt, à en définir les règles d’assiettes, de calcul et de recouvrement. C’est ce qui se résume sous le principe de légalité de l’impôt. Comme corollaire de ce principe, seul le pouvoir législatif est doté de la prérogative de fixer les exonérations fiscales, les franchises fiscales ou avantages fiscaux. Ingrid Awadé, Directrice générale des Impôts ne pouvait donc pas, si on s’en tient aux dispositions constitutionnelles, accorder un tel avantage à ces catégories de Togolais, triés d’ailleurs sur le volet. Elle a visiblement outrepassé le cadre de ses compétences. Mais qui pourrait lui tenir la dragée haute ? Tout au moins, n’aurait-elle pas dû, par le canal de ses services spécialisés, élaborer et introduire cette réforme au Parlement qui ne fait figure dans le cas du Togo que de chambre d’enregistrement ? Même si c’est au pouvoir réglementaire que revient la mise en œuvre de la loi fiscale, celui-ci ne devrait, sous aucun prétexte, s’arroger le droit de légiférer.
 
La mesure édictée par Ingrid Awadé pêche également en ce qu’elle rompt l’égalité censée exister entre tous les citoyens devant les charges fiscales. En effet, le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt rappelle celui selon lequel « la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». La loi fiscale doit donc être appliquée de la même façon à tous. Pas de discrimination injustifiée. Les franchises, exonérations, avantages ou allègements fiscaux ne sont en général accordés qu’aux personnes qui en ont le plus besoin : des jeunes entrepreneurs par exemple dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas un certain seuil, pour éviter que l’impôt ne les étouffe, etc. Bref, les allègements ou avantages fiscaux ne sont pas accordés pour assouvir les desideratas des gouvernants mais plutôt en fonction de l’orientation politico-économique du pays. Et quoique l’esprit sensé cherche à percer cette énigme, il peine à trouver le mobile politico-économique légitime qui sous-tend cet allègement fiscal accordé à ces gouvernants qui ont des immeubles à tous les coins et recoins du pays. Avec Faure Gnassingbé en tête du hit-parade.
 
Mais pis, cette mesure porte un coup dur au principe de la capacité contributive des citoyens aux charges publiques. Les plus nantis qui sont censés payer plus, voient leurs charges fiscales allégées, par la volonté exclusive, non du Parlement, mais d’Ingrid Awadé. Au même moment, le Togolais lambda qui se trouve submergé par les difficultés de survie quotidienne, croule sous le poids de ces frais qui ont été augmentés en cascade depuis janvier 2012.
 
Evidemment, l’on brandira cet argument massue selon lequel la mesure a été étendue au personnel des ministères et à tous les agents de la direction générale des Impôts, dont la plupart, en dehors de Noël De Poukn et autres bras droits de «Maman Ingrid», ne sont pas si bien nantis. Mais cette extension ressemble fort bien à de la poudre aux yeux. Les agents de la DGI et le personnel des ministères servent en quelque sorte de bouclier humain pour la puissante dame de la République. L’unique mobile qui sous-tend cette mesure, au demeurant illégale car prise par une personne en mal de qualité, vise à assouplir de façon injustifiée le coût des procédures immobilières à la «Jet Set» de la République, la même qui pille les ressources du pays.
 
Magnanus FREEMAN
 
 
source : liberte-togo.com
 

 

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here