Décidée à intervenir militairement dans le nord-Mali, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’interrogeait jusqu’alors sur les pays membres qui accepteront de fournir des hommes. Et bien, l’horizon s’éclairci peu à peu. De sources proches des instances de l’organisation ouest-africaine, c’est le grand Nigeria et le tout petit Togo qui enverront le plus grand nombre de contingents. Décrié dans son pays, Faure Gnassingbé, toujours à la quête d’une audience à l’étranger, est décidé à envoyer des soldats togolais dans le bourbier malien de manière unilatérale. Avec toutes les conséquences que cela peut engendrer. Alors que cet envoi devrait faire l’objet d’un débat national.
 
Des soldats togolais iront bel et bien dans le nord-Mali. Ils feront partie des 3.300 hommes que la CEDEAO entend envoyer pour libérer la partie septentrionale de ce pays, occupé depuis des mois par des groupes terroristes qui font leur loi. D’ailleurs, ils seront très nombreux.
 
Deux pays se proposeraient pour être les plus grands contributeurs dans cette guerre qui, certainement, ne sera pas des plus faciles. D’une part, il y a le grand Nigeria, première puissance économique et militaire de la sous-région ouest africaine. D’autre part, il y a le Togo, petit pays d’Afrique occidentale à économie très faible. Le Togo, dit-on, se propose également pour fournir un hôpital.
 
Le Niger, pays très proche de la zone d’opération, est prêt à intervenir mais au départ de son territoire sans passer par Bamako. Ses troupes seront mobilisées le long de la frontière avec le Mali pour éviter des incursions de groupes terroristes sur son territoire. D’autres pays de la CEDEAO comme le Sénégal, participeront mais dans une moindre mesure. Le Cap-Vert n’enverra que quelques médecins. La Côte d’Ivoire accueille déjà les troupes de l’ONUCI sur son territoire et ne pourra donc plus fournir de troupes à un pays tiers. Le Liberia a également décliné toute participation parce qu’étant dans le même régime que son voisin la Côte d’Ivoire. Il accueille les troupes de la Mission des Nations Unies (MINUL).
 
C’est donc le Togo qui va prendre le devant, avec le Nigeria, et envoyer ses militaires dans ce bourbier malien pour une guerre qui, certainement, sera lourde de conséquences aussi bien sur le plan humain que financier.
 
Paradoxale volonté togolaise
 
Avec cette position assez rapide que vient de prendre le chef de l’Etat par rapport à la crise malienne, tout porte à croire que Faure Gnassingbé sait dire ‘’oui’’ beaucoup plus aux étrangers qu’à ses propres compatriotes et au peuple qu’il dirige.
 
Les preuves sont simples. Cela fait des mois que des Togolais organisent des manifestations de rue pour réclamer un certain nombre de conditions pouvant permettre d’organiser les prochaines élections législatives et locales dans la transparence. Après avoir à plusieurs reprises réprimé ces manifestations à coup de gaz lacrymogènes, le gouvernement s’est contenté d’organiser un dialogue fantoche dont les conclusions n’ont pas contribué et ne contribueront certainement pas à la décrispation de la crise politique togolaise.
 
La polémique liée au mode de scrutin n’est pas encore solutionnée. Aucune réponse n’est encore trouvée au problème de la limitation du nombre de mandat présidentiel. Même si ce mandat est désormais limité à deux, cela ne satisfait pas encore l’opposition qui exige que cette décision ait un effet immédiat alors que le pouvoir ne l’entend pas de cette oreille.
 
En ce qui concerne les prochaines élections législatives, l’ancien découpage électoral est maintenu avec toutes ses injustices et les conséquences désastreuses qu’il aura comme ce fut le cas en 2007. En plus, certains points du Code électoral sujet à polémique ne sont pas encore revus. Tout ceci par la faute du régime de Faure Gnassingbé qui dit toujours ‘’non’’ parce que ne voulant pas opérer en profondeur les réformes préconisées par l’Accord politique global.
 
Et pourtant, au cours de l’entretien qu’il a eu avec le président français la semaine dernière en marge de la 67ème réunion de l’Assemblée générale de l’ONU, Faure Gnassingbé a informé François Hollande du bon déroulement des préparatifs en vue des élections législatives et locales au Togo et exprimé le souhait que ces scrutins se déroulent avec le maximum de transparence. Idem avec le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a qui il a indiqué que le gouvernement mettait tout en œuvre pour organiser des élections législatives et locales libres et transparentes comme imposées par la Constitution. Gros mensonge.
 
Tout compte fait, il n’y a qu’aux autres que Faure Gnassingbé sait dire ‘’oui’’. Quand il s’agit de taper du poing sur la table ou de prendre des décisions en vue du bien-être de sa population, il est difficile de le voir. Et quand il lui arrive de décider, c’est pour dire ‘’non’’.
 
Des décisions à vau l’eau
 
Dans les grandes démocraties comme les Etats-Unis ou la France, le chef de l’Etat, quoique chef suprême des Armées, ne peut décider de manière unilatéralement d’envoyer des troupes dans une mission étrangère. Aux Etats-Unis par exemple, une telle mission fait toujours l’objet d’un débat national et c’est le Congrès américain qui juge finalement de l’opportunité d’une intervention armée américaine ou pas.
 
Mais au Togo, seule le chef de l’Etat décide. Il le fait au mépris du peuple et sans même exposer les motifs d’une telle mission à l’Assemblée nationale afin de la laisser décider.
 
Lors de la crise ivoirienne, des soldats togolais avaient été envoyé au pays de Laurent Gbagbo sans que la population ne soit au courant. Il a fallu que la presse nationale révèle que beaucoup d’entre eux sont tombés sur le champ de bataille pour que le gouvernement réagisse. C’est dire combien de fois des institutions comme l’Assemblée nationale n’existe que de nom et méprisent la volonté du peuple.
 
Par ailleurs, outre sa décision d’envoyer un nombre important d’hommes, le Togo voudrait également fournir un hôpital. Alors qu’il n’a pas encore fini d’équiper le CHU Sylvanus Olympio, devenu un mouroir plutôt qu’un centre de santé. Quel paradoxe !
 
A la recherche d’une audience à l’extérieur ?
 
La question mérite d’être posée au vu de la précipitation avec laquelle le Togo a décidé de prendre les devants en ce qui concerne la mobilisation de troupes militaires pour le Mali. Certes, Lomé est depuis plus d’un an membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et Faure Gnassingbé est le président en exercice de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Mais, cela ne l’oblige pas pour autant à accepter sans réflexion approfondie tout ce qui lui est proposé. A moins de vouloir s’imposer sur le plan extérieur et d’avoir une audience chez ses homologues étrangers. Mais, s’imposer et avoir une audience, c’est aussi savoir dire non à certaines choses. Le Président sénégalais, Macky Sall, est élu il y a moins d’un an. Pourtant, après moult réflexions, c’est 500 soldats tout au plus qu’il compte envoyer au Mali. Le chef de l’Etat togolais devrait en faire de même. Quand on sait que le pays fournit déjà beaucoup d’hommes à la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, prendre encore le devant dans la crise malienne risquera de coûter trop cher au petit Togo.
 
Rodolph TOMEGAH
 
 
independantexpress
 

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