La marche de protestation que comptait démarrer l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) ce samedi à partir du quartier Tokoin Doumassésé, communément connu sous le nom d’« Adéwui » n’a pas pu avoir lieu. Malgré la présence d’un groupe de manifestants se réclamant de cette formation politique à quelques centaines de mètres des lieux (Tokoin Trésor), les choses n’ont pas été plus loin que cela.
 
Plusieurs unités d’intervention des forces de l’ordre, positionnées sur place, avaient visiblement pour consigne d’empêcher les manifestants de l’opposition de rejoindre l’endroit choisi pour le début de la manifestation.
 
En marge de cette manifestation, Jean-Pierre Fabre figure de proue de la contestation du pouvoir de Faure Gnassingbé depuis mars 2010, s’est prêté aux questions de l’Agence Afreepress. Lire l’entretien.
 
Afreepress : Dans le cadre de la célébration du 2e anniversaire de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), vous avez convié vos militants et sympathisants à une marche dont le point de départ était le rond-point du quartier Adéwui à Lomé. Mais ce samedi matin, vous n’y étiez pas. Comment peut-on expliquer votre absence ?
 
Jean-Pierre Fabre : Le pouvoir en place par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité et de la Protection civile a fait savoir que le lieu de départ prévu pour la manifestation ne lui convenait pas.
 
Mais je tiens à vous rappeler les faits suivants. Vous vous souvenez des évènements du 15 septembre dernier, où des nervis du pouvoir RPT-UNIR ont agressé des manifestants du FRAC (Front républicain pour l’alternance et le changement) et du collectif sauvons le Togo (CST) qui allaient pour débuter une manifestation à Adéwui.
 
Dans le courant de la semaine qui a suivi cette agression, plus exactement le vendredi 21 septembre 2012, Mme Igué, la Représentante du Haut commissariat aux droits de l’Homme m’a appelé pour me dire qu’elle a discuté avec les ministres de la Sécurité et de l’Administration territoriale et que les autorités togolaises souhaiteraient que notre manifestation du 22 septembre soit repoussée d’une semaine en attendant que le gouvernement finisse son enquête. Elle m’a promis que la semaine qui va suivre soit le samedi 29 septembre, nous pourrions reprendre notre manifestation à Tokoin Doumasséssé.
 
Je lui ai fait savoir que moi je ne croyais pas à cette affaire-là et que nous allions maintenir le point de départ de notre manifestation à Tokoin Doumasséssé et non à Tokoin Trésor comme ils nous le demandent.
 
Donc la semaine dernière, nous avions saisi les autorités pour les informer que notre manifestation de ce samedi va partir de Tokoin Doumasséssé, devant l’Église Baptiste. Mais en retour, nous avons reçu une lettre du ministre de la Sécurité qui nous disait en substance que notre manifestation était de la provocation et que c’était irresponsable de vouloir partir de l’Église Baptiste de Tokoin Doumasséssé.
 
Nous lui avons répondu qu’un État ne pouvait pas se soustraire à ses responsabilités. L’État doit exercer son autorité, l’État ne peut pas se cacher derrière de prétendues tentatives d’agression de nervis du RPT pour prétendre interdire nos manifestations, c’est ce que nous avons répondu au ministre.
 
Mais dans un communiqué rendu public hier, il a fait savoir qu’ils n’étaient pas d’accord sur le lieu choisi et nous demande de débuter notre marche à partir du rond point de Tokoin Trésor.
 
Savez-vous ; ce qui est en train de se jouer est très important et nous ne pouvons pas accepter qu’une zone, un endroit, une partie du territoire soit interdit aux manifestations de l’opposition, ce n’est pas possible.
 
Accepter de démarrer la manifestation ailleurs autre que l’endroit que nous avons prévu parce que les gens du RPT seraient hostiles, c’est accepter que certaines parties du territoire soient des zones de non-droit.
 
Afreepress : Vous dites que vous n’êtes pas d’accord et cependant vous n’étiez pas allé sur les lieux ce samedi bien que certains de vos militants vous y attendaient.
 
Jean-Pierre Fabre : Il ne s’agit pas que nous nous rendions sur les lieux ou non. Des responsables de l’ANC se sont rendus sur les lieux et ont vu le dispositif des forces de l’ordre. Mais ils leur ont dit qu’ils commenceront la manifestation à l’endroit prévu.
 
Je puis aussi vous dire que la police, lorsque nos responsables se sont rendus sur les lieux, les a approchés pour leur dire que les nervis du RPT, responsables des incidents du 15 septembre dernier étaient encore sur les lieux et qu’elle nous conseillait d’aller démarrer ailleurs.
 
Alors, vous voyez la duplicité du régime. Il prétend que des enquêtes étaient en cours et qu’il recherchait les auteurs alors que la police nous dit aujourd’hui que les auteurs étaient encore sur les lieux ce samedi. Ce n’est que dû n’importe quoi. Ce sont des manœuvres de diversion alors que la stratégie est d’empêcher que nous démarrions notre manifestation à partir d’Adéwui au motif que cet endroit serait le fief du RPT.
 
Afreepress : Les militants semblent être déçus de votre absence, quel message vous leur envoyer ?
 
Jean-Pierre Fabre : Je viens de dire qu’aujourd’hui, nous sommes dans un bras de fer. Ce n’est pas de la gesticulation, ça demande de la maîtrise de soi, de la fermeté. Aux militants, moi je leur dis que nous sommes toujours fidèles à notre ligne, nous ne nous laisserons pas intimider, nous ne voulons pas gesticuler non plus.
 
Afreepress : Que répondez-vous au premier ministre Ahoomey-Zunu qui disait sur la radio Africa N°1 qu’il n’y avait pas de « crise » au Togo ?
 
Jean-Pierre Fabre : Je n’ai rien à dire à ce premier ministre. Je combats un système pas un homme. Nous avons eu le malheur de ne pas réagir tôt et avons laissé le régime s’enraciner. Les premiers ministres eux passent.
 
Pour moi, le premier ministre est là et fait son travail. Il ne peut dire autre chose que ce qu’il dit sur Africa N°1. Moi je dis que le pays est en crise depuis longtemps, une crise due à l’absence de légitimité du pouvoir en place et cette crise ne peut se résoudre que par le règlement des préalables posés par le CST et la Coalition Arc-en-ciel et par les discussions — Accords politiques — élections. Enfin, pour donner la légitimité au pouvoir il faut que des élections se déroulent seulement après un accord politique et un consensus national.
 
Et je précise qu’il n’y a pas d’élection en dehors de ce processus.
 
Afreepress : Le gouvernement a entrepris la réparation des kits de recensement des électeurs et certainement, va organiser les élections contre vents et marrées. Votre réaction.
 
Jean-Pierre Fabre : Nous empêcherons toute tentative de passage en force. La solution aujourd’hui c’est de suivre le processus que je venais de vous présenter. Il nous revient de prendre nos responsabilités devant cela. Nous sommes tous des Togolais et je pense que la complaisance dont le régime a bénéficié de la part de la communauté internationale en plus de notre léthargie, a contribué au renforcement de ce système qu’il faut à tout prix dégager. Donc pour nous, il n’y a pas d’autres solutions que la résistance et la lutte contre de toute tentative de passage en force.
 
Afreepress : Les Éperviers jouent demain, que leur dites-vous ?
 
Jean-Pierre Fabre : Durant toute semaine, nous ne les avons pas oubliés dans nos prières. Nous sommes de cœur avec eux. Ils vont gagner le match.
 
J’ai joué dans l’équipe nationale des 15 -16 ans et je sais ce que cela veut dire. Entre temps, notre football a été politisé et nous n’avons plus eu de résultat satisfaisant comme auparavant et cela est grave. Lorsque nous prendrons ce pays, nous rétablirons tout cela.
 
Je dis donc bonne chance aux Éperviers.
 
Je veux aussi féliciter la presse togolaise. Je ne veux pas la caresser dans le sens du poil parce qu’elle n’en a pas besoin, mais je m’en voudrais de ne pas lui témoigner toute notre satisfaction pour le travail.
 
Interview réalisée par Bernard Alognon.
 
afreepress
 

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