L’attente aura longtemps duré. La patience des uns et des autres aura été mise à rude épreuve. Sow Agba Bertin aura tenté de se suicider. Mais enfin, la Cour suprême accorde à l’inculpé, le DG d’OPS Sécurité, la liberté provisoire sous caution d’un montant de 150 millions FCFA. Fin donc du bras de fer à rebondissements dans ce dossier, visiblement cousu de fil blanc, d’escroquerie internationale. En revanche, en ce qui concerne le recours en révision introduit par les avocats de Kpatcha Gnassingbé et coaccusés suite à la révélation d’actes de torture pratiqués sur les détenus à l’ANR, la Cour suprême videra le délibéré le 19 juillet prochain.
 
Mercredi dernier, la Cour suprême du Togo a statué sur le pourvoi introduit par le Parquet général contre la décision de la chambre d’accusation de mettre Sow Agba Bertin en liberté provisoire sous caution d’un montant de 150 millions FCFA. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’arrêt de la haute juridiction togolaise sonne comme un cinglant camouflet pour le Parquet. En effet, l’arrêt rejette le recours du Procureur général. Dans les jours à venir, Bertin Agba devrait donc recouvrer la liberté dont il a été si longtemps privé, pour avoir été, selon les autorités judiciaires, l’auteur d’une vaste escroquerie internationale sur la personne d’Abass Youssef, un homme d’affaires émirati, avec la complicité agissante de Loïk Le Floch-Prigent, un homme tout aussi véreux que sournois. Car au moment où nous mettions sous presse, Me Raphaël Kpande-Adzaré, l’un de ses avocats nous a révélé qu’il n’était pas mis en liberté, la Cour suprême n’ayant pas encore notifié la décision au Parquet. Simple formalité d’usage donc. Mais vivement attendue. Retour sur une affaire aux contours flous et imprécis.
 
07 mars 2011 : Sow Agba Bertin, directeur général d’OPS Sécurité est arrêté et détenu dans les locaux de l’ANR (Bertin Agba fut d’abord détenu dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement puis fut transféré à la prison civile de Tsévié le 21 mars 2011. Principal chef d’inculpation, il aurait pratiqué une vaste escroquerie internationale sur Abass El Youssef, un homme d’affaires émirati. 50 millions de dollars US. Et ce, avec la complicité active Loïk Le Floch-Prigent. Quatre jours plus tard, il était entendu pour la première fois par le juge d’instruction. Plusieurs mesures conservatoires ont été prises à son encontre : ses comptes bancaires ont été gelés, sa société mise sous scellés et ses deux avions personnels rendus indisponibles. D’après la version du vrai-faux plaignant, Abass Al Youssef, il aurait été abordé dans les toilettes d’un palace de Dubaï par un Nigérian du nom de Mamadou Keita. Cet homme serait chargé de lui présenter sa mère, Mounira Awa. Une dame qui se décrit comme la veuve de feu le Président ivoirien de Robert Gueï. Celle-ci explique avoir de grandes difficultés à récupérer 275 millions de dollars que lui aurait légués son défunt mari et qui seraient bloqués dans un coffre à la Banque centrale togolaise. Dans le souci de les aider et de réaliser un investissement intéressant, mais ne connaissant rien à l’Afrique, Abbas Yousef fait appel à Loïk Le Floch-Prigent, son ami et conseiller au sein de la société pétrolière Pilatus Energy.
 
A la fin de cette opération, c’est plus de 50 millions de dollars, soit plus de 25 milliards de FCFA que les protagonistes de cette escroquerie auraient soutirés à la soi-disant victime. Des noms de personnalités comme Pascal Bodjona, Gbikpi Benissan, l’ex-ambassadeur du Togo au Ghana et autres, ont été cités parmi les hommes de l’ombre de ce réseau. Cette affaire est à l’origine de la brouille qui est survenue dans les relations entre Faure Gnassingbé et son ex-bras droit. Tout portait à croire que Faure avait trouvé en cette affaire une occasion inespérée pour se débarrasser de Pascal Bodjona, devenu trop encombrant, pour ses ambitions présidentielles réelles ou supposées. A preuve, alors que la Chambre d’accusation avait prononcé la mise en liberté de Sow Bertin Agba, réputé trop proche du ministre de la décentralisation, le Parquet général s’y était vigoureusement opposé, et avait introduit un recours contre cet arrêt.
 
Le délibéré dans le Kpatchagate, le 19 juillet prochain
 
Les avocats de Kpatcha Gnassingbé et consorts, dans la fable d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ont mercredi dernier devant le juge de la Cour suprême, plaidé pour une suspension d’exécution des sanctions infligées à leurs clients, sur le fondement de l’article 410 al.2 du Code de Procédure pénale. En effet, dispose-t-il, « avant la transmission à la Cour suprême, si le condamné est en état de détention, l’exécution peut être suspendue sur ordre du ministre de la justice. A partir de la transmission de la demande à la chambre judiciaire, la suspension peut être prononcée par l’arrêt de cette chambre». En attendant l’aboutissement de la procédure en révision, ils demandent la suspension de l’exécution de l’arrêt rendu le 15 septembre 2011 par la Chambre judiciaire de la Cour suprême, soit leur mise en liberté de même que la libre jouissance de leurs biens et patrimoines.
 
Selon le juge Missité qui faisait office d’avocat général, le recours en révision est irrecevable car l’article 447, al. 4 dispose que : « Les voies de recours extraordinaires ne sont pas ouvertes contre les arrêts de jugement ». Un argument que les avocats de la défense jugent inopérant et non pertinent. Pour déconstruire ce raisonnement, ils se sont fondés sur l’article 408, al.4 qui dispose que : « la révision peut être demandée, quelle que soit la juridiction qui ait statué au bénéfice de toute personne reconnue auteur d’un crime ou d’un délit. Lorsque, après une condamnation, un fait vient à se produire ou à se révéler ou lorsque des pièces inconnues lors des débats sont représentées, de nature à établir l’innocence du condamné ». En outre, ont-ils fait valoir, cet argument est à battre en brèches car, avant d’être consacré par les textes, le recours en révision est un principe de bon sens.
 
L’autre moyen développé par les avocats de Kpatcha Gnassingbé et co-condamnés tient au bien fondé de l’action en révision de l’arrêt de condamnation. Ils ont invoqué les dispositions de l’article 15 de la Convention des Nations-Unies contre la torture que le Togo a ratifiées en 1984 selon lesquelles : « Tout Etat-partie veille à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ». Car, à en croire le rapport authentique d’enquête de la CNDH, des actes de torture ont été pratiqués sur les détenus, évidemment pour leur extorquer des aveux. Aveux sur le fondement desquels le juge Pétchélébia a condamné les accusés. C’est donc à juste titre qu’ils exigent la révision de ce procès, convaincus qu’ils sont, que si la Chambre judiciaire de la Cour Suprême avait eu connaissance de ce fait, elle n’aurait pas rendu sa décision comme elle l’a fait.
 
Après la plaidoirie des avocats de la défense, le délibéré est fixé au 19 juillet prochain. L’alchimiste Pétchélébia usera-t-il encore de ses tours de passe passe juridiques pour maintenir Kpatcha et co-condamnés en détention ?
 
 
Magnanus FREEMAN
 
liberte-togo.com
 

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