A l’approche des échéances électorales qui s’annoncent très décisives, le Togo s’enfonce dans un profond malaise. La tension est vive et perceptible tant à Lomé qu’à l’intérieur du pays. Les manifestations des semaines écoulées à l’appel du Collectif « Sauvons le Togo » pour «libérer le peuple de l’oppression et de la dictature d’un clan militaro-ethnique» font couler de l’encre dans les colonnes des journaux; sur les antennes, les analyses et les commentaires vont bon train. Et les institutions de régulation des médias se sont mises en transe.
 
« Au moment où notre pays traverse une période de tension marquée par des actes de violence, où la presse devrait jouer un rôle d’apaisement et de modération à travers des émissions de sensibilisation et d’explication, il nous a été malheureusement donné de constater qu’une catégorie de médias surtout audiovisuels, se livrent systématiquement à un matraquage médiatique sur fond d’agressions verbales appelant à la révolte, aux crimes, à la haine tribale et à la désobéissance civile ». Ce sont là les termes d’un communiqué de la Haac.
 
Sur LCF dimanche dernier dans l’émission « Une semaine d’actualité », le patron de l’institution, Biossey Kokou Tozoun n’a fait qu’exprimer ses griefs contre des journalistes jugés critiques vis-à-vis du pouvoir. Pour lui, les journalistes de la presse privée non seulement ont « vendu leur âme au diable », mais surtout ne font que « distiller leur venin ». Des propos qui frisent le mépris à l’endroit de la corporation. Tout porte à croire que l’ancien ministre de la Justice débarqué du gouvernement et parachuté à la tête de la Haac nourrit l’intention de procéder au musellement de la presse privée, et il s’est trahi sur le plateau. L’homme du Moyen-Mono a clairement annoncé que le pays est en crise et qu’au niveau de la presse, « une solution de crise » sera trouvée dans les tout prochains jours. A quoi peut-on s’attendre quand Kokou Tozoun parle de solution pour juguler ce que lui-même qualifie de dérapage ?
 
Tout laisse à penser qu’un plan de musellement de la presse serait en train d’être mijoté. Et la Haac dans ses manœuvres bénéficierait de la complicité de l’Otm (Observatoire togolais des Médias). La semaine dernière, l’Otm a tenu une Assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle il a été décidé de permettre à l’institution de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des organes. Une mesure loin d’être gratuite. Tout a l’air d’un plan savemment ourdi, puisque ce dimanche Biossey Kokou Tozoun a réitéré cette ambition de l’Otm. A l’en croire, la Haac veut faire de l’Otm la première instance de régulation.
 
Etouffer la liberté de la presse au lieu de la promouvoir, c’est cela même le dessein caché. Quand il s’agit des agressions des journalistes sur les lieux de reportage, la Haac fait le sourd-muet. Le 13 juin dernier, les journalistes dans l’exercice de leur profession ont été forcés par les gendarmes à ramasser les cailloux et à dégager les pneus de la voie. Les cas du photojournaliste de SIKA’A et du correspondant de Reuters Noël Tadégnon sont encore dans les esprits. Là, l’institution censée garantir le respect de la dignité des journalistes n’a pas trouvé à redire. Pis encore, dans la conception de l’éthique et la déontologie de la presse de la Haac, les bons journalistes sont ceux qui insultent les leaders de l’opposition et soutiennent le pouvoir dans ses déboires.
 
Le Président de la Haac, selon des dispositions, doit être neutre politiquement. Mais celui qui se plaît à donner des leçons de déontologie, préside des réunions des ressortissants de la Préfecture du Moyen-Mono acquis à la cause de Faure Gnassingbé.
 
De toutes façons, les jours à venir nous édifieront davantage sur cette « solution de crise » dont parle tant Kokou Biossey Tozoun.
 
Pierre Claver K.
 
lalternative-togo.com
 

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