Par Ablodé Viwo (*)
 
20 septembre 2012
 
Brisant le silence assourdissant et incompréhensible des plus hautes autorités politiques, morales ou religieuses togolaises sur les actes de sauvagerie qui ont ensanglanté et souillé la « terre de nos aïeux » au quartier Adewui de Lomé le 15 septembre 2012, le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme au Togo (HCDH), la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), et les Missions Diplomatiques au Togo représentant l’Union Européenne, les Nations Unies, l’Allemagne, les Etats-Unis et la France (G5), ont exprimé dès le 18 septembre 2012 leur indignation devant ce spectacle de barbarie, avec la bienveillance complice des forces de sécurité envers les agresseurs et leur acharnement contre les victimes qui ont du subir les foudres de leurs jets de gaz lacrymogènes après leur agression sauvage.
 
Dans son communiqué le HCDH a tenu à préciser : « Le HCDH-TOGO a constaté que les contre-manifestants, munis de divers objets, notamment des coupe-coupe, des cordelettes, des gourdins cloutés et des bâtons, se sont opposés, de manière violente, à la tenue de ladite manifestation, en forçant les cordons des forces de sécurité. Les manifestants, dans leur repli, ont riposté par des jets de pierres et la pause des barricades ».
 
Les images des blessés de ces sauvageries publiées dans la presse écrite togolaise écrite et en ligne sont suffisamment éloquentes pour justifier la déclaration suivante des diplomates du G5 sortant pourtant rarement de leur réserve professionnelle : « Les Chefs de Mission de l’Union européenne, de la République fédérale d’Allemagne, de la France, des Etats-Unis d’Amérique ainsi que la Coordinatrice résidente du système des Nations Unies accrédités au Togo tiennent à exprimer leur vive préoccupation au vu des images de confrontations violentes et d’utilisation d’armes blanches lors d’une manifestation autorisée de l’opposition le 15 septembre à Lomé ».
 
Ce qui explique la « vive préoccupation » des diplomates en poste au Togo et qu’ils n’ont pas osé mettre explicitement par écrit, c’est l’engrenage de la violence sur fond de règlement de compte tribal qui risque de dégénérer en « génocide » comme au Rwanda, comme le dit à demi-mots le passage suivant du communiqué du HCDH : « Le HCDH-TOGO note avec inquiétude, l’escalade de la violence dans le pays caractérisée par le recours à la justice privée, aux déclarations et aux propos incitatifs à la violence et la tentation par des individus de considérer certaines parties du territoire togolais comme des zones interdites à certains groupes ». Le CNDH ajoute dans son communiqué : « De telles pratiques, souvent décriées, peuvent entraîner des réactions en chaînes incontrôlées aux issues imprévisibles et donc préjudiciables au climat social ».
 
Malgré la clarté du déroulement des faits attestés par le HCDH, la gravité des actes de barbarie perpétrés et leur dangerosité pour l’avenir du Togo, le récent ministre de l’administration territoriale, en charge des partis politiques et des sociétés civiles, et qui en cette qualité a autorisé la manifestation en question, a osé déclaré au sujet de cette sauvagerie que, comme le rapporte le site officiel de la République Togolaise le 17 septembre 2012 : « la responsabilité en incombait aux sympathisants du collectif « Sauvons le Togo » qui, les premiers, ont lancé des pierres contre la population faisant ainsi monter la tension ».
 
La première réflexion inspirée par cette déclaration officielle de Gilbert Bawara est que le communiqué cité du HCDH le prend en « flagrant délit » de mensonge et de falsification des faits relevant directement de sa juridiction ministérielle. Ce constat de mensonge et falsification est aggravé par le fait que dans cette déclaration, Gilbert Bawara parle de lancée de pierres, non contre les agresseurs ni contre les forces de sécurité, mais « contre la population ». Ce « flagrant délit » de mensonge et de falsification dans l’exercice de sa fonction d’Etat rappelle irrésistiblement la falsification du fameux rapport de la CNDH sur les allégations de torture dans l’affaire d’atteinte à la sureté de l’Etat. Qu’il nous soit permis de rappeler également que c’est le mensonge dans l’exercice de sa fonction d’Etat qui a justifié le déclenchement de la fameuse procédure de destitution du Président américain Bill Clinton.
 
La seconde réflexion qu’inspire cette déclaration officielle de Gilbert Bawara à la lumière des communiqués cités est que le ministre de l’administration territoriale renverse carrément les responsabilités pourtant indéniables, faisant passer les victimes pour les coupables et les coupables pour les victimes, encourageant ainsi les agresseurs dans leur dérive de sauvagerie et exaspérant ainsi les victimes de cette barbarie.
 
La troisième réflexion inspirée par les propos controversés de Gilbert Bawara est que par une telle déclaration incendiaire, il verse de l’huile sur le feu de la haine et de la violence pour des raisons politiques et tribales et souffle sur les braises ardentes des injustices sociales à base tribale entretenues depuis 47 ans par le « régime héréditaire » togolais, comme le démontrent sans aucune contestation jusqu’à ce jour les chiffres insolents et scandaleux de pourcentage ethnique dans tous les compartiments de l’administration togolaise publiés dans le numéro 4 du 15 juillet 2012 du journal La Nouvelle.
 
Pour éviter de renverser de nouveau les responsabilités, qu’il nous soit permis à propos de ce journal de faire remarquer l’évidence que ce ne sont pas ceux qui constatent cette injustice sociale insolente et scandaleuse qui incitent à la haine tribale, mais bien ceux qui ont planifié et imposé une telle pratique abominable et dangereuse, en violation de l’article 25.c du « Pacte International sur les Libertés Civiles et Politiques » de l’ONU, explicité par l’observation 21 de la 57-ième session du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU. Qu’il nous soit également permis d’ajouter que le rapport de la Commission Vérité Justice et Réconciliation recommande vivement aux responsables du pouvoir togolais de remédier le plus tôt à cette injustice sociale pour mieux garantir la paix sociale et la concorde nationale.
 
D’autres braises ardentes d’injustice sociale à base tribale entretenue depuis 47 ans par le « régime héréditaire » togolais et sur lesquelles souffle actuellement le nouveau ministre de l’administration territoriale tout comme l’ont fait ses prédécesseurs sont le découpage électoral et la répartition des sièges de députés proposés par « l’accord politique du 13 septembre 2012 », qui attribuent à la préfecture de Lomé 9 sièges sur 83, alors que selon les principes universels de démocratie basés sur la démographie et non la géographie, avec éventuellement une pondération économique, cette préfecture qui à elle seule abrite le quart de la population togolaise et contribue dans une très grande part à l’économie de tout le pays devrait disposer d’au moins 21 sièges de députés sur les 83.
 
De plus, en accordant 2 sièges de députés à la préfecture d’Assoli dans la région de Kara qui est 30 fois moins peuplé que la préfecture du Golfe, ce accord accorde plus de 6 fois plus de droit électoral, donc politique, aux habitants de l’Assoli qu’à ceux du Golfe, c’est-à-dire qu’il faut plus de 6 fois plus de voix électorales pour élire un député dans le Golfe que dans l’Assoli. Comment justifier et accepter une injustice socio-politique à base tribale aussi insolente et scandaleuse ? Qui osera soutenir qu’un togolais vaut politiquement ou socialement plus qu’un autre en fonction de son origine ethnique ou géographique, comme l’ont pourtant imposé les pratiques injustes, insolentes et indécentes du « régime héréditaire » togolais ? Est-ce parce que les togolais lésés par ces pratiques n’ont pas jusqu’à maintenant bruyamment et violemment revendiqué leurs droits garantis par la constitution togolaise et le « Pacte International sur les Libertés Civiles et Politiques » de l’ONU qu’il faut continuer indéfiniment à les pousser au bout de leur patience ?
 
La dernière réflexion qu’inspire la déclaration officielle en question de Gilbert Bawara est que, en tant que ministre du gouvernement togolais, et donc digne serviteur de l’Etat togolais, tenu d’être au service de tous les togolais, quelles que soient leurs convictions politiques et leurs appartenances ethniques ou géographiques, se comporte comme un vulgaire animateur de la partisane et haineuse « Radio des milles collines » du Rwanda ayant grandement contribué à l’avènement du génocide rwandais. Ce faisant, le ministre de l’administration territoriale tombe clairement sous le coup de la mise en garde et de l’accusation suivante du communiqué cité de la HCDH : « Le HCDH-TOGO condamne tout recours à la violence comme moyen d’expression et attire l’attention de leurs auteurs, commanditaires ou complices sur leur responsabilité individuelle. Il rappelle que la protection des populations contre les violences doit s’inscrire dans le respect des principes et des règles régissant l’action des responsables chargés de l’application de la loi ».
 
Pour toutes les raisons évoquées, notamment pour la gravité de la faute professionnelle et politique du ministre de l’administration territoriale par sa déclaration incendiaire et irresponsable, et pour conjurer le sort dont le peuple rwandais a été la proie, qu’il nous soit donc permis de lancer un appel pressant au Président de la République en faveur de la démission impérative et urgente de son nouveau ministre de l’administration territoriale dont il s’était déjà débarrassé apparemment sans état d’âme au lendemain de l’élection électorale de 2010, pour des raisons politiquement moins graves, bien qu’inavouable. Nous lançons également un appel de mobilisation aussi pressant à tout le peuple togolais pour qu’il nous soutienne dans notre démarche politique en sa faveur.
 
A cette fin, qu’il nous soit enfin permis de prêter de nouveau à la méditation du Président de la République les conseils évangéliques suivants qu’il connaît sûrement bien : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de scandale, arrache le et jette le loin de toi, car il est de ton intérêt de perdre un seul de tes membres plutôt que de voir ton corps tout entier être la proie des flammes. Si ta main droite est pour toi une occasion de scandale, coupe la et jette la loin de toi, car il est de ton intérêt de perdre un seul de tes membres plutôt que de voir ton corps tout entier être la proie des flammes » (Mt 5, 29-30).
 
L’ETERNEL BENISSE LE TOGO !!! ABLODE ! ABLODE ! ABLODE GBADJA !!!
 
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(*) ABLODE VIWO est à l’origine le nom d’un groupe de réflexion et d’action, constitué « d’intellectuels engagés » togolais et de « gardiens du temple de l’UFC ». Ces derniers ont décidé de s’impliquer dans le débat politique togolais et de faire œuvre de pédagogie et de clarification, sur les stratégies politiques pour une alternance politique pacifique et une démocratisation véritable sans exclusion. Depuis le tournant de l’année 2012 décisive pour la démocratie togolaise, les ABLODE VIWO aspirent à devenir un « mouvement de masse » pour sensibiliser et mobiliser efficacement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Togo, donc au-delà des limites de l’UFC, pour apporter ainsi leurs contributions citoyennes à l’avènement coûte que coûte de l’alternance législative à la faveur des prochaines élections législatives et à l’achèvement coûte que coûte de l’alternance politique pacifique au Togo en 2015, conformément au message des ABLODE VIWO au peuple togolais pour le Nouvel An et le 13 janvier 2011.
 

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