Depuis samedi dernier où le monstre qui a régenté le Togo pendant bientôt cinquante ans a reçu son coup fatal, Gilchrist Olympio, l’ex-leader charismatique de l’opposition est dans la tourmente. Et avec lui, son parti ou du moins ce qu’il en reste encore. Quel avenir politique pour l’UFC qui, il y a encore quelques années, incarnait aux yeux des Togolais, l’espoir d’une alternance politique ?
 
Vers la fin politique de Gilchrist Olympio et de l’UFC ? L’interrogation revêt tout son sens au regard de la reconfiguration de la carte politique du Togo depuis la dissolution du RPT. Et pour cause, Gilchrist Olympio, ce mythe vivant jusqu’aux années 2000 semble y avoir perdu la place qui était la sienne. Il vit désormais loin des vivats et des bains de foule. A l’origine de sa mésaventure, une trop haute opinion de soi et une méprise totale des comportements politiques de ses compatriotes, disons plutôt de sa base.
 
En effet, surfant sur sa popularité, une donnée qu’il croyait immuable, il s’est engagé dans une nouvelle vision politique aux lendemains de la présidentielle de 2010, prétendument remportée par Faure Gnassingbé. Il accepte, prenant tout le monde de court, de collaborer avec le RPT. C’est un schéma assez classique en politique. Adversaires hier, alliés aujourd’hui ou vice-versa. Rien de nouveau en réalité. Mais le hic, c’est que Gilchrist s’est aventuré dans ce scénario sans avoir réussi à faire adhérer les ténors et hauts cadres de son parti à sa nouvelle vision. Faisant presque cavalier seul et résumant toute la structure de son parti à sa dimension personnelle de président, il signe le 26 mai 2010 un accord avec son plus farouche adversaire congénital qui se trouve être le président du RPT. RPT, la formation dont Faure Gnassingbé, bon an mal an, a réussi à se débarrasser le samedi dernier à Blitta. Ce qui a, entre autres, pour conséquences de rendre caduc l’accord que lui et ses affidés n’ont pourtant pas encore fini de célébrer.
 
Accord RPT-UFC vite aux oubliettes !
 
Bientôt deux ans que l’accord entre les « deux fils de la haine » est conclu. Mais il n’aura réellement eu de sens que le temps des discours. Car contrairement à tout le tintamarre qui a été fait par les flagorneurs de l’UFC et aux clauses de l’accord, les directeurs de sociétés d’Etat arborant les couleurs de l’UFC sont restés un mirage. Les ambassadeurs togolais UFC, des déclarations d’intention. Au titre de cet accord, les seuls acquis de l’UFC demeurent encore à ce jour les sept postes ministériels gracieusement offerts au «traître» par Faure Gnassingbé, le « magnanime », quelques rares nominations aux postes de directeurs de cabinet et enfin une poignée de préfets. Au titre des réformes constitutionnelles et institutionnelles prévues dans un délai de six mois « no more no less ! », juste quelques propositions au demeurant controversées. L’une d’elles aura particulièrement retenu l’attention de l’opinion nationale : le régime présidentiel tempéré, qui en réalité, n’est qu’un monstre constitutionnel, en ce qu’il donne au président de la République le quitus pour nommer le Premier ministre, selon son bon vouloir dans la majorité ou la minorité parlementaire. Devant le tollé suscité par une telle proposition de réforme, Gilchrist et son allié ont dû faire machine arrière.
 
On enregistre aussi une dizaine de réunions du soi-disant comité de suivi dudit accord.
 
A bientôt deux ans, cet accord ne s’apparente plus qu’à une grosse supercherie politique. A la limite, il aura permis de vider le vieux contentieux qui opposait les Gnassingbé et les Olympio, même si là encore tout est à relativiser. De cet accord, il ne restait donc plus grand-chose. Sauf la possibilité pour Faure Gnassingbé de présenter Gilchrist Olympio (sic) comme un symbole vivant de sa politique de large ouverture et de large consensus. L’enthousiasme matinal des AGO a finalement tourné à une grosse désillusion politique. Ce deal que nombre d’analystes ont qualifié de « mésalliance » a été complètement vidé de sa substance par diverses structures mises en place par le gouvernement, en partant du CPDC Version Savi de Tové au CPDC dit « fauretement » rénové. Il était devenu obsolète. Et voilà que la dissolution du RPT vient lui donner l’estocade. Cet accord, c’est donc une parenthèse à fermer très rapidement. Seulement ses conséquences dévastatrices demeurent et peut-être ad vitam aeternam.
 
La césure de l’UFC et le chant du cygne de son leader
 
Le RPT s’en va, et avec lui l’accord dit historique conclu avec l’UFC. Mais les conséquences dudit accord elles, demeurent. La première, c’est la scission de l’UFC. En effet, aux lendemains de cet accord, une guerre sans merci a été engagée entre Gilchrist Olympio et Jean-Pierre Fabre pour le contrôle du parti. A la fin, cette guerre doublée du conflit idéologique né du ralliement de Gilchrist Olympio à la politique de Faure Gnassingbé a débouché sur la création de l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement) par les dissidents de l’ex-principale formation d’opposition au Togo. Gilchrist Olympio bénéficiant du bouclier protecteur du pouvoir en place, a exclu les acteurs du branle-bas. Comme quoi, il n’admet pas dans ses rangs, les « rebelles ». Ce changement d’idéologie, le fils de Sylvanus Olympio en a payé le prix fort. A l’inverse de la bataille de la légalité qu’il a remportée, la bataille de la légitimité, sinon celle de l’opinion a tourné à l’avantage de son ex-disciple. L’image de Gilchrist Olympio, hué, conspué et expulsé de la Plage à coup de pierres et de projectiles est assez révélatrice de la haine que lui voue sa base, depuis son virage à 180 degrés. Quant à savoir si l’acte avait été prémédité, c’est un tout autre débat, et les opinions divergent. De toute façon, les gens pourront toujours ergoter. Mais en d’autres temps, à l’époque où Gilchrist Olympio était encore en osmose avec sa base, même conditionnée, celle-ci aurait-elle pu lui réserver un tel accueil ?
 
Il semble de plus en plus évident que l’homme est en rupture de ban avec ses militants. Depuis lors, difficile pour l’ex-principal parti d’opposition au RPT d’organiser des meetings dans la capitale sans reprendre à son compte la stratégie de « l’import-export », une invention de l’ex-parti-Etat aujourd’hui dissous, pour gonfler la masse des manifestants. Un parti historique mis en lambeaux, Gilchrist Olympio une personnalité de plus en plus controversée, des militants démobilisés au profit de l’ANC même si l’unique diplômé de la Fondation Konrad Adenauer, -suivez-mon regard- continue de nier cette évidence, après tout, chacun est libre de créer son propre monde d’illusions, l’accord dit historique entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio, de 2010 à 2012 semble n’avoir apporté que des ennuis à Gilchrist Olympio. Et le risque est fort probable que l’on dise dans un avenir pas très lointain: « Il était une fois l’UFC de Gilchrist Olympio ». Un récit qui drainera une lourde charge émotionnelle, sera « l’hymne d’un Prince sans royaume » qui, las d’attendre une hypothétique occasion de régner, s’est résigné à la vassalité. Le récit, somme toute d’un héros dès son jeune age, devenu l’ombre de lui-même au crépuscule de son existence. Quelle triste fin en perspective!
 
Magnanus FREEMAN
 
 
liberte-togo.com
 

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