Le dilatoire a commencé autour de la question de la limitation du mandat
 
Depuis quelque temps, l’opposition parlementaire incarnée par l’Alliance nationale pour le changement (Anc) et le Comité d’action pour le renouveau (Car) qui boycottaient les discussions au sein du Cadre permanent de dialogue et de concertation (Cpdc), sont en pourparlers avec le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) et le gouvernement. Le pouvoir semblait donner jusqu’ici l’impression d’être animé de bonne foi, en accédant à certaines de leurs conditions de dialogue, comme la clarification de la situation née de la publication des deux rapports de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) et en concédant la présidence du dialogue au Vice-président de l’Anc Patrick Lawson. Mais cette bonne disposition d’esprit n’est qu’apparence, les premiers couacs et la sempiternelle duplicité du pouvoir en place ont commencé à se manifester.
 
Les sujets en discussion
 
Les Togolais savent qu’un dialogue a lieu entre les trois partis sus cités et le gouvernement, à côté de la comédie du Cpdc dit rénové, autour des réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires à l’organisation des prochaines échéances électorales, mais ils n’ont aucune idée des sujets précis en discussion. Selon les sources, ce sont en tout vingt-neuf (29) points qui seront abordés. Il s’agit de : limitation du mandat, mode de scrutin, constitution d’un nouveau fichier électoral par un nouveau recensement électoral, découpage électoral, conditions d’éligibilité tant pour la présidentielle que pour les législatives, réforme de la Céni et de ses démembrements et réforme du code électoral, Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), Cour constitutionnelle (réformes constitutionnelles), prérogatives du Premier ministre (réforme constitutionnelle), financement public des partis politiques, achat de conscience, authentification du bulletin unique de vote, sénat (réforme constitutionnelle), votes spéciaux, personnel électoral des Bureaux de vote et des Commissions listes et cartes, rôle de l’administration dans les élections, observation nationale et internationale, comité de pilotage, droits de l’Homme et sécurité des élections et des populations, sécurité et paix publiques, caractère républicain de l’armée et des forces de sécurité, modernisation de la justice, harmonisation des lois organiques et autres textes avec la Constitution, régime politique, organes parlementaires de régulation de la gouvernance du pays, organes extraparlementaires de régulation de la gouvernance du pays, transhumance politique, financement public des campagnes électorales et charte des partis politiques.
 
Le dilatoire sur la limitation du mandat
 
Même si pour l’instant les différentes parties prenantes ne s’entendent pas sur l’ordre des sujets, il nous revient que les divergences apparaissent déjà sur cette question cruciale. Le naturel qui semblait entre-temps chassé au niveau du pouvoir est revenu au galop. Il s’agit de l’éternel dilatoire devant les questions importantes. Selon les sources donc, les délégués de l’Anc et du Car se sont entendu dire que la question n’était pas urgente. Et pourtant c’est un secret de polichinelle, toutes les manœuvres entreprises au Cpdc rénové rempli de courtisans le sont juste dans le souci de conservation du pouvoir et de son bradage à Faure Gnassingbé. Pour se rendre à l’évidence, il suffit de se rappeler le débat autour de ce point dans ce machin qui se réunit tous les jeudis. La loi n’est pas rétroactive, avaient chanté les griots du régime, des manœuvres visant simplement à permettre à Faure Gnassingbé de rempiler en 2015.
 
Le code électoral, voilà un autre chantier dont il faudra s’occuper d’urgence, avec l’imminence des législatives et des locales. La norme voudrait que sa révision souhaitée se fasse de façon consensuelle. Mais voilà, le pouvoir Rpt a unilatéralement et discrètement commandé deux (02) projets de code électoral, l’un élaboré avec le concours de la CENI et quelques « techniciens », et l’autre commandé au Français Pierre Weiss, connu dans les milieux de l’observation électorale européenne en Afrique, des textes qu’il cherche déjà à imposer.
 
Des deux projets et des recommandations de l’Ue
 
La révision du code électoral a été souhaitée au terme des derniers scrutins, nommément les législatives d’octobre 2007 et la présidentielle de mars 2010. Le souci était de corriger les imperfections du code et ainsi améliorer l’organisation des échéances électorales futures. Mais les textes proposés ne sont pas trop différents du code électoral existant. Ils n’en sont que des copies légèrement modifiées, avec des changements plus de forme que de fond. Une sorte d’escroquerie intellectuelle car les véritables points devant assurer une meilleure transparence des prochains scrutins sont occultés.
 
Les failles des dernières élections ont été bien indiquées dans les rapports des missions d’observation de l’Ue au Togo. Assurer une plus grande transparence en ce qui concerne les travaux de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), inscrire formellement l’obligation de neutralité des autorités administratives à tous les niveaux et prévoir la possibilité de sanctions administratives en cas de non respect de cette disposition par les intéressés, procéder à une consolidation juridique du Code électoral afin d’en éliminer les scories demeurant dans le texte et relevant de la logique de stades antérieurs de la législation, inscrire dans le Code électoral l’obligation d’assurer la traçabilité et la sécurisation des bulletins, préciser les dispositions relatives à la centralisation des résultats afin d’établir de manière non ambiguë les conditions et les limites dans lesquelles les Commissions électorales locales indépendantes (Céli) ainsi que la Céni interviennent en termes de redressement des résultats…voilà certaines recommandations de la mission européenne d’observation de 2007. Ce sont là des points importants et on s’attendait à voir des propositions faites dans ce sens dans les deux projets de code électoral, surtout celui de Pierre Weiss. Malheureusement ces points n’ont été que survolés. La grande nouveauté est la proposition de création de Commission électorale régionale indépendante (Ceri) dans les régions.
 
Le plus cocasse dans tout cela reste la composition de la Céni. Il a toujours été souhaité la mise en place d’une Céni technique, contrairement à ce qui se fait jusqu’à présent avec une composition trop politisée, et ce sont les observateurs européens qui se posent souvent en porte-flambeau de cette proposition. Et ici la référence brandie est la Céni du voisin ghanéen. Mais la composition proposée reste archi politique. « La CENI est composée de dix-sept (17) membres, dénommés «commissaires » : cinq (05) membres désignés par la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale, dont obligatoirement deux femmes ; cinq (05) membres désignés par l’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale, dont obligatoirement deux femmes ; trois (03) membres des partis politiques extra-parlementaires élus par le Sénat, dont obligatoirement une femme ; trois (03) membres de la société civile élus par le Sénat, dont obligatoirement une femme ; un (01) membre désigné par l’administration », suggère-t-il. De telles propositions laissent tout simplement perplexes sur la sincérité même de l’Ue, car prenant à peine en compte les recommandations formulées. Ce qui a l’air d’une certaine complicité de Bruxelles avec le pouvoir en place pour brader encore les futures échéances électorales. Cela ne peut d’ailleurs en être autrement, car Pierre Weiss a rendu une pâle copie à la tête de la mission d’observation électorale en Centrafrique en janvier 2011. Une performance que le Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU) a passée au scanner et décriée en son temps à travers une analyse.
 
 
Tino Kos
 
Liberté N° 1169 du Lundi 12 mars 2012

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