Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté jeudi 17 mars au soir en faveur d’un recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes en Libye. La résolution de l’ONU a été adoptée avec dix voix pour sur les quinze membres du Conseil de sécurité, et cinq abstentions. La Chine et la Russie se sont abstenues mais n’ont pas utilisé leur veto pour bloquer le texte. Alors que Mouammar Kadhafi a annoncé un assaut contre la ville de Benghazi, fief des rebelles, la résolution adoptée par le Conseil autorise « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l’armée libyenne.
 
A Benghazi, une foule en liesse s’est rassemblée pour saluer le vote. Des coups de feu ont été tirés en l’air en guise de célébration tandis que de nombreux pétards étaient allumés dans la ville. Plusieurs centaines de jeunes étaient rassemblés devant le siège du Conseil national de transition, l’instance dirigeante mise en place par les insurgés, et brandissaient les drapeaux de la monarchie en vigueur avant la prise du pouvoir par le colonel Mouammar Kadhafi en 1969. « J’ai vu l’annonce du vote sur Al Jazira, c’est le plus beau jour de ma vie, tous les citoyens sont heureux », a déclaré un habitant à l’AFP.
 
Le pouvoir libyen a de son côté dénoncé la décision du Conseil par la voix du vice-ministre des affaires étrangères, Khaled Kaaim. « Cette résolution traduit une attitude agressive de la communauté internationale, qui menace l’unité de la Libye et sa stabilité », a déclaré M. Kaïm peu après le vote. Le responsable libyen a dénoncé un « complot » de la communauté internationale et « une volonté de pays comme la France, la Grande-Bretagne et les Etats-unis, de diviser le pays ». Selon lui, la résolution est un « appel aux Libyens à s’entretuer ».
 
DES FRAPPES AÉRIENNES EN VUE

 
Peu avant le vote, le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé, avait souligné avec force l’urgence de la situation. « C’est une question de jours, c’est peut-être une question d’heures », a-t-il dit dans son discours avant la mise aux voix. « Chaque jour, chaque heure qui passe alourdit le poids de la responsabilité qui pèse sur nos épaules. Prenons garde d’arriver trop tard, ce sera l’honneur du Conseil de sécurité d’avoir fait prévaloir en Libye la loi sur la force, la démocratie sur la dictature, la liberté sur l’oppression », a-t-il ajouté. La France avait auparavant annoncé des frappes aériennes dès l’adoption de la résolution. « Il n’est pas question de faire quelque chose au sol. C’est très clair. L’alternative, elle coule de source : c’est effectivement l’utilisation de la force aérienne », a précisé avant la réunion du Conseil de sécurité Alain Juppé.
 
Le Canada va envoyer en Libye six avions de chasse CF-18 afin de participer à la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU prévoyant la création d’une zone d’exclusion aérienne et autorisant le recours à la force, rapporte CTV, première chaîne privée du pays, sur son site internet. L’annonce du déploiement des appareils canadiens est « imminente » selon la télévision publique CBC, une source proche du gouvernement confirmant que le premier ministre, Stephen Harper, devait rapidement s’exprimer. Une réunion de l’OTAN doit réunir vendredi les représentants des 28 Etats membres de l’Alliance pour décider des suites à donner à la résolution de l’ONU.
 
L’ancien ministre des affaires étrangères français Hubert Védrine apporte son soutien à une intervention en Libye, estimant qu’il ne s’agit pas d’une « ingérence », mais de « la responsabilité de protéger » un peuple qui appelle à l’aide, dans une interview à Libération. « On peut critiquer ou refuser l’ingérence ; en revanche, il est difficile de refuser de protéger un peuple qui appelle à l’aide contre un régime ubuesque ! Ou alors le discours sur la ‘communauté internationale’ est du vent », déclare-t-il dans cet entretien, recueilli avant le vote du Conseil de sécurité de l’ONU qui autorise des frappes en Libye. Opposant le cas de la Libye à l’Irak de 2003, où, « évidemment, il n’y avait à la guerre de George W. Bush aucune justification autre que mensongère », il affirme qu’« en Libye, en ce moment, oui, notre responsabilité de protéger est engagée ». Interrogé sur le risque qur ne se reproduise le chaos irakien en cas d’intervention en Libye, M. Védrine estime que « s’il y a une action en Libye, ce sera juste pour protéger des populations courageusement insurgées d’une répression violente ». « Le reste est l’affaire des Libyens. Les pays arabes l’entendent certainement ainsi », insiste-t-il.
 
DES PAYS ARABES PROBABLEMENT IMPLIQUÉS
 
Ces opérations devraient, selon toutes probabilité, impliquer la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et plusieurs pays arabes. Interrogé à ce sujet, Alain Juppé avait indiqué que « oui », il y aurait une participation américaine aux opérations militaires. « Nous avons d’excellentes raisons de penser qu’il y aura une participation des pays arabes » aux opérations contre l’armée de Mouammar Kadhafi, a prédit M. Juppé avant le vote. « C’est une opération en coalition, nous sommes avec d’autres, nous ne sommes pas seuls. Ce n’est pas une opération française, c’est une opération internationale », a-t-il souligné.
 
Avant la réunion de l’ONU, le ministère de la défense libyen a mis en garde contre toute opération militaire étrangère, menaçant de s’attaquer au trafic aérien et maritime civil et militaire en Méditerranée. « Le bassin méditerranéen sera confronté à un risque non seulement à court, mais aussi à long terme », a assuré le ministre. Pour le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, toute action militaire autorisée par les Nations unies et dirigée contre la Libye serait « illégale et immorale ». « Il s’agit d’une rébellion armée. Tout pays dans cette situation l’aurait combattue », a-t-il déclaré.
 
source: lemonde.fr

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