Un mois et demi après son assignation à résidence, le 19 mai, Dominique Strauss-Kahn est ressorti libre, vendredi 1er juillet, du tribunal de Manhattan, où s’est tenue une audience surprise convoquée la veille.
Un article du New York Times publié jeudi 30 juin avait préparé l’opinion publique à ce coup de théâtre en annonçant que le bureau du procureur avait découvert des éléments qui « entameraient gravement la crédibilité » de Nafissatou Diallo, cette femme de chambre guinéenne qui accuse l’ancien directeur du Fonds monétaire international de tentative de viol. Ces nouveaux éléments, qui jettent le discrédit sur celle qui était présentée jusqu’alors comme une employée modèle, ont été communiqués jeudi aux avocats de M. Strauss-Kahn.
 
D’après le New York Times, les enquêteurs ont, entre autres, découverts de possibles liens entre la femme de 32 ans, et des activités criminelles, comme le trafic de drogue et le blanchiment d’argent. Le journal indique par ailleurs que les enquêteurs ont découvert que la jeune femme a menti dans sa demande d’asile, qui mentionnait un précédent viol, dans son pays d’origine.
 
MENSONGE SUR LA CHRONOLOGIE DES FAITS
 
Vendredi, après l’audience, de nouvelles révélations ont encore fragilisé le témoignage de la plaignante. Le New York Times a publié une lettre adressée jeudi par le procureur aux avocats de la défense qui détaille les invraisemblances contenues dans sa demande d’asile, le fait qu’elle soit revenue elle-même sur le récit de son histoire. Mais surtout le document indique qu’après avoir maintenu plusieurs fois, devant le procureur, puis devant le grand jury, une même chronologie des faits du 14 mai (après l’agression, elle serait restée prostrée dans un couloir, avant d’avertir son supérieur, après le départ de Dominique Strauss-Kahn), la jeune femme a reconnu que cette version « était fausse » : elle affirme désormais qu’après avoir été agressée dans la suite 2806, elle est allée nettoyer une chambre voisine, puis qu’elle est revenue commencer à nettoyer la 2806 avant d’alerter son supérieur.
 

 
« En résumé, pendant toute la période de l’enquête, la plaignante a menti aux adjoints du procureur sur une série de sujets concernant son passé, les circonstances des faits et ses relations actuelles », conclut le document transmis à la défense par le procureur. « Le procureur était obligé d’en avertir les avocats de DSK, autrement cela aurait été perçu comme une atteinte aux droits de la défense » a expliqué à l’AFP Me Denis Chemla, avocat aux barreaux de Paris et New York. « Les avocats de DSK ont dû dire : ‘Abandonnez les charges’ et le procureur a dû répondre : ‘Non pas encore, nous n’en sommes pas là, mais on peut se mettre d’accord pour rendre la vie plus facile au quotidien à votre client.' » D’où l’audience de vendredi, où il n’a été question que de sa remise en liberté.
 
Bien que ces révélations ne concernent pas directement les faits dont elle accuse Dominique Strauss-Kahn, elles peuvent changer le cours d’un procès qui repose principalement sur son témoignage. « C’est important, parce que cela entache la crédibilité du témoin essentiel, le seul témoin occulaire de l’accusation », explique Marc Pierre Stehlin, avocat aux barreaux de New York et Paris. « On est là dans un dossier où la crédibilité du témoin est essentielle car c’est une affaire de viol. Au-delà des éléments matériels – qui sont peu nombreux – la question centrale c’est bien est-ce que oui ou non elle a été consentante pour que ce rapport sexuel ait lieu, renchérit Arthur Dethomas, également avocat aux barreaux de New York et Paris. Et son consentement, il n’y a qu’elle qui peut dire qu’elle ne l’avait pas donné. C’est parole contre parole. »
 
« EST-CE QUE 12 PERSONNES VONT VOUS CROIRE, À L’UNANIMITÉ ? »
 
Car pour chacun des sept chefs d’accusation, douze jurés devront répondre à la question « coupable ou non coupable », et le faire « au-delà du doute raisonnable » (« beyond a reasonable doubt »). En clair, « si le juré a le moindre doute, il ne doit pas prononcer la culpabilité », précise Me Stehlin. « Les jurés vont penser : ‘Elle a menti plusieurs fois pour des choses importantes, pourquoi n’aurait-elle pas menti cette fois-ci ? »
 
La plaignante pourra chercher à dire que ces mensonges passés ne remettent pas en cause son témoignage dans cette affaire. « Mais là, on est clairement pas sur la recherche de la vérité. On cherche à savoir si oui ou non on dispose de suffisamment d’éléments pour condamner quelqu’un de faits précis », développe Me Arthur Dethomas. « La question n’est pas : ‘Qu’est-ce qui s’est passé ?’ C’est : ‘A-t-on suffisamment d’éléments ?’ Elle peut dire que les faits sont vrais, mais on lui répondra : ‘Est-ce que douze personnes vont vous croire, à l’unanimité ?’, précise-t-il. Aux Etats-Unis on dit : ‘No witness, no case’ [pas de témoin, pas d’affaire]. Le témoignage oral est tellement important dans la procédure américaine que sans témoin ça va être très difficile. »
 
Avant même d’atteindre l’étape de la comparution devant les jurés, ces révélations ont semble-t-il modifié l’attitude du procureur en charge de l’affaire, Cyrus Vance Jr, très incisif au début de l’affaire. Car ce dernier, qui cherche à être réélu à son poste, doit aujourd’hui mesurer les conséquences de ces révélations sur l’opinion publique, qui soutenait jusqu’à présent la femme de chambre. « En période préélectorale, il pourrait se dire que compte tenu du changement radical de situation, il n’a pas intérêt à aller jusqu’au procès », juge Me Stehlin.
 
A la sortie du tribunal vendredi, l’un des avocats de la plaignante, Me Kenneth Thompson, qui n’a pas le droit de prendre la parole dans ces audiences, avait visiblement conscience qu’il fallait rapidement communiquer sur des éléments à même de recrédibiliser le témoignage de sa cliente. Devant la presse, il s’est lancé dans un grand plaidoyer, évoquant, entre autres, l’existence de liens entre un proche du procureur et les avocats de la défense, et révélant plusieurs éléments matériels à charge, comme des blessures constatées sur sa cliente à l’hôpital et prises en photo : un déchirement du ligament du bras et un important hématome au vagin.
 
source: lemonde

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