Crise dans les universités

Le MEET ne veut désormais discuter qu’avec Faure Gnassingbé
Des populations qui descendent dans les rues sans aucun appel au préalable, s’en prennent aux symboles du pouvoir, procèdent à des casses. Des étudiants qui manifestent violemment pour réclamer de meilleures conditions d’études. Des élèves qui font pareil pour exiger le retour de leurs professeurs. Il y a une tension sociale qui ne dit pas son nom. Est-ce l’harmattan togolais – allusion au printemps arabe – ? Une chose est certaine, la tension est réelle. Et la semaine écoulée aura sans doute été celle des élèves. Ils ont manifesté sur toute l’étendue du territoire, pour la même cause. La détermination des élèves et de leurs professeurs a poussé les gouvernants à descendre de leur piédestal et à trouver quelques palliatifs. Certaines mesures ont été annoncées en fin de semaine dernière. Elles ne satisfont pas entièrement les professeurs, mais elles ont le mérite de casser la dynamique et feront sans doute reprendre les cours. Si la crise dans le secondaire est ainsi sur le point d’être réglée, bien inspiré pourra prédire la fin de celle qui sévit dans les deux universités du Togo. Tant les positions des différents protagonistes sont tranchées.
Au début des manifestations violentes, avec celles de Kara le 8 décembre dernier, les gouvernants ont minimisé la crise malgré l’ampleur que les choses ont prise (séquestration du préfet, vandalisme des symboles et propriétés d’hommes du pouvoir, réclamation de la démission de Faure Gnassingbé), mais ils ont fini par abdiquer. Vu la détermination des étudiants à aller au bout de leurs revendications, une délégation du gouvernement a rencontré leurs délégués le dimanche 11 décembre, où le ministre « grand format » a tenté de les intimider en simulant une ire. Mais rien n’y fit, et le lendemain un conseil des ministres extraordinaire a été organisé sur la crise estudiantine. Malheureusement rien ne sera fait dans le sens de l’apaisement.
Le gouvernement pose des conditions
« Les universités restent fermées jusqu’à nouvel ordre. Elles ne seront rouvertes qu’à la demande expresse des étudiants, et leur engagement à respecter les règles régissant le fonctionnement des universités (droits et devoirs). Des poursuites judiciaires seront engagées contre les auteurs des casses et des dommages causés sur des bâtiments et édifices à l’extérieur de l’université. Les destructions causées par les étudiants dans les deux universités feront également l’objet de mesures disciplinaires et de réparations décidées par les autorités universitaires », telles sont les mesures que le conseil des ministres a cru bon prendre. Face à tous ces constats, le gouvernement dit attendre de la part des étudiants, « une réaction rapide et des propositions concrètes afin que s’engagent de nouvelles discussions touchant à la clarification des points du décret qu’ils contesteraient encore, et un engagement ferme à reprendre les cours dans le respect des lois et règlements en vigueur dans les universités ». Aux yeux des gouvernants donc, les seuls responsables de cette crise ce sont les étudiants, et la réouverture des deux campus ne dépendra que d’eux. Le gouvernement a donc mis la barre très haut.
On croyait que les leaders estudiantins iraient faire amende honorable et redoutait voir des scènes du genre, les étudiants qui organisent une rencontre officielle au cours de laquelle ils se mettraient à genou et demanderaient pardon, devant les caméras de la TVT, et les délégués du gouvernement qui hocheraient la tête en guise de satisfaction. Mais apparemment une telle scène risque de ne pas arriver de si tôt. Car les étudiants aussi mettent la barre très haut. Les émissaires du gouvernement, Pascal Bodjona, Octave Nicoué Broohm et François Galley ne sont plus crédibles à leurs yeux. Ils ne veulent plus supporter des saynètes accompagnées de mimiques « azékokovinaièsques » de Monsieur « Agbé-viadé ». Pour eux, désormais leur interlocuteur c’est…Faure Gnassingbé, ou rien.
Le collège des délégués hausse le ton
« Nous voulons rencontrer dorénavant le président de la République pour lui exposer directement nos doléances les plus urgentes ». C’est la nouvelle position du Meet (Mouvement pour l’épanouissement de l’étudiant togolais) exprimée par son leader, Adou Séibou, qui se rend compte de la duplicité de leurs interlocuteurs habituels . « Les émissaires du gouvernement (ministres) avec lesquels nous négocions depuis le début de la crise tiennent un double langage. Quand nous sommes dans les salles de marchandages, ils semblent accepter nos doléances. Juste à la sortie de ces rencontres, ils tiennent un autre langage. Ca suffit, ce manège doit s’arrêter », peste-t-il. C’était vendredi dernier, au cours d’une émission sur une chaîne radio de la place.
On pouvait croire à l’une de ces envolées unilatérales du leader du Meet qui incarne la révolte estudiantine, comme l’année dernière au plus fort de la crise. Mais cette fois-ci, il parlait sous le contrôle du délégué général des étudiants de l’Université de Lomé, Christian Alou Yao Kpaïdra, celui-là même qui avait été débauché par le pouvoir et utilisé un temps comme un pion pour casser l’élan contestataire du Meet, qui était à ses côtés lors de l’émission. Ce dernier s’est même permis de démonter l’alibi de division des différents mouvements et associations estudiantins derrière lequel se cachent les gouvernants pour ne pas satisfaire à leurs doléances. « C’est futile d’évoquer la division entre mouvements estudiantins pour justifier l’enlisement de la crise dans les universités togolaises…Nous sommes un devant les maux qui minent les universités togolaises. Ce que nous demandons aux responsables de l’éducation supérieure est très simple : que le versement à tous les étudiants des tranches d’aides annuelles de 120.000 FCFA (30.000 FCFA en quatre tranches) soit la règle et l’attribution de la bourse l’exception. L’inverse serait suicidaire », a-t-il pesté, avant d’avertir : « Si on rouvre les universités sans solutionner nos problèmes fondamentaux, il y aura encore des scènes de contestation. L’urgence, c’est le maintien du versement de nos tranches d’aides. Peu importe ce que cela va nécessiter comme efforts budgétaires de la part du gouvernement. C’est le minimum que nous pouvons demander aux autorités ». C’est vraiment le minimum, et les gouvernants ont les moyens de le faire, surtout lorsqu’on sait que la satellisation et la numérisation de la TVT qui devront coûter la bagatelle de vingt (20) milliards FCFA n’ont pas été budgétisées au préalable. Entre ce chantier et celui d’octroi des aides aux étudiants, les futurs cadres du pays qui devront assurer la relève, lequel est d’ailleurs prioritaire ? C’est juste une question de manque de volonté chez les gouvernants.
Déjà mercredi dernier en conférence de presse, le collège des délégués lançait les hostilités. « Si l’université n’est pas rouverte dans les plus brefs délais, le gouvernement aura de nos nouvelles », pestait Christian Alou Yao Kpaïdra, et d’ajouter : « C’est une fuite de responsabilités de la part du gouvernement de mettre cet argument (ndlr, la division des délégués estudiantins) en avant, du moment où nous sommes arrivés, nous associations, mouvements et collèges des délégués à élaborer une plate-forme unique ». « Nous n’allons plus continuer à aller nous asseoir devant ces gens. Quand vous êtes dans la salle, vous vous entendez, mais quand vous sortez, ils vont tenir un autre langage », avait renchéri Adou Séibou.
On est au demeurant en face de deux orgueils : orgueil du gouvernement qui exige des leaders estudiantins d’être unis comme les cinq doigts de la main et de s’engager fermement « à reprendre les cours dans le respect des lois et règlements en vigueur dans les universités » avant toute réouverture des campus, et celui des étudiants qui ne veulent plus d’interlocuteur à part Faure Gnassingbé. Des positions assez tranchées qui n’arrangent rien. Et bien inspiré pourrait prédire avec exactitude la fin du bras de fer.
Tino Kossi
source : liberté hebdo Togo

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