On aurait bien voulu que l’initiative vienne du cœur, mais ce n’est pas le cas. Les diplomates européens ont dû forcer la main au Gouvernement et au Rassemblement du peuple togolais (Rpt) afin qu’ils ouvrent des discussions avec l’opposition parlementaire. Mais n’empêche, l’ouverture d’un dialogue le lundi 20 février dernier avec l’Alliance nationale pour le changement (Anc) et le Comité d’action pour le renouveau (Car), les deux partis majeurs de l’opposition qui boudaient les discussions au sein du Cadre permanent de dialogue et de concertation (Cpdc) rénové, a été saluée à sa juste valeur par l’opinion, convaincue que la solution à la crise politique togolaise doit être concertée et ne peut jaillir que des discussions sérieuses. Mais quel avenir pour ce dialogue à quatre ?
Nous le disions déjà dans la parution d’hier, tout semblait aller sur des chapeaux de roue. Le gouvernement et le Rpt sont devenus drôlement conciliants et accèdent aux caprices (sic) des deux partis de l’opposition. C’est le cas de leur exigence de clarification sur l’imbroglio engendré par la publication de deux rapports de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) sur les allégations de tortures dans le dossier Kpatcha Gnassingbé et de libération des étudiants arrêtés à Kara. Comme dans une mise en scène hollywoodienne, le pouvoir concéda la présidence du bureau du dialogue à Patrick Lawson, le Vice-président de l’Anc. Le commun des Togolais pouvait croire que les gouvernants en place ont abandonné leur traditionnelle mauvaise foi et leur duplicité qui les ont toujours caractérisés, pour faire du sérieux. Mais tout ce beau monde a été démenti par les événements. L’Anc et le Car découvrent que le pouvoir a unilatéralement commandé des projets de Code électoral, et à peine les débats de fond ont-ils commencé après adoption des sujets qu’il essaie de s’imposer. Les divergences se font jour sur l’ordre des questions à aborder. A l’opposition parlementaire, on priorise la question de la limitation du mandat ; ce qui ne rencontre pas l’agrément du Rpt qui tente même de faire diversion, ayant déjà un acquis des dialogueurs du Cpdc. Conséquence, la tension et le ton montent au point qu’aujourd’hui, il faut craindre un clash.
« C’est obligatoirement par le point sur la limitation des mandats que nous allons commencer les discussions. Mais si le RPT refuse, on arrête notre participation par un communiqué », menaçait Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC samedi dernier lors du meeting suivant la traditionnelle marche du Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac). Le Rpt va-t-il céder ? Et dans le débat, va-t-il accepter que l’Anc et le Car disent stop à Faure Gnassingbé en 2015 ? Rien n’est moins sûr lorsqu’on sait la place de l’égo du pouvoir dans ces genres de discussions, et surtout que les membres du Cpdc rénové lui ont déjà offert deux mandats de plus avec leur recette sur la question. C’est un secret de polichinelle, le vrai enjeu de ces discussions pour le pouvoir, ce n’était pas tant la décrispation de l’atmosphère ou l’organisation de meilleures élections législatives et locales, mais la conservation du pouvoir ; raison pour laquelle le Cpdc dit rénové a été rempli à dessein de béni-oui-oui. Voilà qui n’annonce pas des lendemains sereins pour ces discussions à quatre.
Ils sont d’ailleurs nombreux au sein de l’opinion à s’interroger depuis le 20 février, sur le sérieux de ces discussions ouvertes avec les deux partis de l’opposition parlementaire. Réserve légitime d’autant plus qu’au même moment, le gouvernement laisse continuer la comédie au Cpdc dit rénové aussi. Ses membres se réunissent toujours à la Primature tous les jeudis. Ils se considèrent d’ailleurs comme les plus légitimes à discuter des réformes car ayant été mis en place par un décret pris en conseil des ministres.
Parlant toujours de sérieux, les observateurs avisés voient en ces discussions des manœuvres pour distraire l’Anc et le Car et redoutent une arnaque de dernière minute pour mettre ces deux partis devant les faits accomplis. Nous l’avons rappelé entre-temps, il existe des dispositions de la Cédéao interdisant des réformes de la loi électorale et de la Constitution à moins de six (06) mois d’une échéance électorale. Et on en est aujourd’hui à sept mois de la fin de la mandature actuelle de l’Assemblée nationale. « Moi j’ai l’intime conviction que ce dialogue à quatre est une manœuvre pour endormir ces deux partis dont la caution manquait au pouvoir en place. Avec ces discussions, ils ne verront pas le temps passer. C’est vrai que lorsqu’il y a consensus politique, ces dispositions communautaires peuvent être reléguées au second plan. Mais connaissant le pouvoir en place, ce serait un miracle qu’il se laisse tirer le poil du nez et concède tout. Le Rpt fera sans doute du dilatoire pour faire traîner les discussions et brandir le moment venu, cet alibi de temps. Ainsi l’Anc et le Car se retrouveront dos au mur », redoute un politique. Des craintes légitimes à plus d’un titre.
Tino Kossi
liberte-togo.com

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