Lawson, le 1er Vice-président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) clarifie les positions de son parti sur les questions politiques de l’heure et la participation de l’ANC à une éventuelle rencontre avec le pouvoir de Lomé. Que se passe-t-il au sein du collectif sauvons le Togo (CST) ? L’ANC est-elle toujours disposée à continuer sa collaboration avec la coalition Arc-En-Ciel ? Patrick Lawson, dans cet entretien accordé à l’Agence Afreepress, répond à toutes ces questions.
 
Afreepress : Président vous êtes sorti d’un silence assez lourd en invitant les confrères des différents regroupements à plus de responsabilités pourquoi ?
 
Patrick Lawson : Pour ceux qui me connaissent et particulièrement ceux du CST tout comme de la Coalition Arc-En-Ciel, ils savent que je suis le chantre de l’union de l’opposition et j’ai des convictions qui découlent de mon éducation. La sincérité, la franchise sont mes atouts et cela est fondamental, mais lorsque je vois qu’on veut me tourner en bourrique, je ne l’accepte pas parce que nous avons pris en main le destin de tout un peuple et nous n’avons pas le droit à l’échec.
 
Nous sommes membres fondateurs du CST, nous l’avons voulu et nous n’avons même pas voulu prendre les devants des choses, nous avons laissé la société civile prendre les commandes pour qu’on ne nous taxe plus d’envahisseur.
 
Notre problème était de deux ordres : d’abord l’assainissement du climat politique ensuite le problème du cadre électoral. C’est ainsi qu’avec des organisations de la société civile et préoccupées par le respect des droits de l’Homme et par le combat contre l’impunité, nous avions posé trois préalables au niveau du CST avant d’aller à un dialogue.
 
C’est la mise en œuvre des recommandations de la CNDH (Commission nationale des droits de l’Homme, NDLR) pour que cesse la torture au Togo et que soient punis, ceux qui ont falsifié les documents. La deuxième exigence tient à la mise en œuvre des recommandations de la CVJR (Commission Vérité, Justice et Réconciliation, NDLR) qui parlent même de scrutins à deux tours et de la limitation du mandat présidentiel pour l’apaisement au Togo, nous les avons acceptés. Nous avons aussi demandé que ce qui s’est passé le 22 novembre 2010 (exclusion des députés ANC de l’Assemblée nationale) ne se répète plus. Cela veut dire que la question de l’exclusion des députés de l’Assemblée nationale doit trouver une issue.
 
Par ailleurs je vais être clair, lorsque nous sommes rentrés en coordination avec la Coalition Arc-En-Ciel, leur problème fondamental était lié à la limitation du mandat présidentiel avec effet immédiat et nous l’avions accepté.
 
Mais lorsque des membres de la Coalition Arc-En-Ciel contestent notre méthode pour obtenir un dialogue franc et sincère et dans de bonnes conditions, faudrait-il que nous nous taisions parce que le peuple souffre et a besoin de manger ?
 
Ce que nous voulons c’est que le peuple ne souffre plus et qu’il puisse manger à sa faim. Cela suppose qu’il faut aller à un dialogue fondé sur des critères clairs. Nous ne demandons rien d’autre.
 
Si nous œuvrons à la destruction de nos regroupements, nous aurions pu produire des preuves contre certains. Nous entendons des membres de la coalition Arc-En-Ciel sur des chaînes de radio dire qu’il faut oublier l’histoire des matériels, celle de la mise en oeuvre du rapport de la CNDH, l’affaire des neuf députés, puisque l’essentiel c’est d’aller au dialogue.
 
On nous dit d’oublier la demande du retour des députés à l’Assemblée, car, selon eux, le parlement est arrivé à terme de son mandat.
 
Mais si le parlement n’existe plus, est-ce pour autant que la constitution togolaise a disparu ? Que fait-on de l’article 52 alinéa 1 de cette constitution qui dit que le mandat impératif est nul ?
 
Voilà comment je pense que les combattants doivent se comporter, ils ne doivent rien laisser à l’adversaire. Mais lorsque vous-mêmes vous commencez à vous livrer à l’avance à l’adversaire, vous ne gagnerez rien.
 
Nous savons également que nous avions été plusieurs fois mis devant le fait accompli au sein de notre propre regroupement, mais on n’a jamais dit quoi que ce soit, on s’est toujours tu. Si nous parlons, ce n’est pas pour faire mal à qui que ce soit, c’est un cri d’alarme. Au lieu de rechercher le nivellement par le bas, nous devons aider par exemple celui qui est fort à redevenir plus fort pour la conquête du pouvoir.
 
Voilà des choses simples sur lesquelles nous avons insisté et je voudrais vous rassurer que nous ne serons jamais de ceux qui contribueront à la destruction de ces regroupements qui créent au moins l’espoir et l’espérance au sein de nos populations. Nous sommes membres fondateurs du CST et le demeurons. Nous sommes en coordination avec la Coalition Arc-En-Ciel, nous nous en réjouissons, mais il faut qu’on se respecte dans le groupe pour que le groupe marche. C’est tout ce que nous avons à dire.
 
Afreepress : Peut-on dire qu’au sein de votre regroupement, il y a des problèmes qui se posent ?
 
Patrick Lawson : Chaque chose en son temps. Si nous trouvons que les choses ne changent pas fondamentalement, nous pourrons commencer à donner des preuves, mais pour le moment c’est un cri amical, une alerte que nous lançons pour que chacun se ressaisisse.
 
Il n’est pas bon de reproduire tout le temps des preuves sur un certain nombre de problèmes. Nous avons pensé que compte tenu de la souffrance des journalistes, des Togolais, on devrait se saisir de cette situation pour dire aux uns et aux autres de se ressaisir et de changer de comportement. Nous sommes prêts à encaisser des insultes et des coups, mais nous savons que nous défendons une cause juste dans l’intérêt de nos populations afin qu’un 19e dialogue ne soit plus vain.
 
Afreepress : Aujourd’hui, tout porte à croire que les élections auront lieu très prochainement, votre parti participera-t-il dans les conditions actuelles ?
 
Patrick Lawson : Je dirai qu’on n’a pas intérêt à avancer dans l’obscurité et faire plaisir à ceux qui ont pris en otage le Togo et les Togolais depuis des années. Ce temps est révolu. C’est fini le temps des gesticulations, il faut mettre dans nos actions, de la méthode pour pouvoir faire face à ce régime qui ne veut surtout pas de l’alternance ni d’élections législatives et locales transparentes.
 
Alors, dire qu’ils sont en train d’évoluer et qu’on ne peut plus rien faire, c’est répéter les erreurs du passé. Ne soyons plus sur la défensive, soyons offensifs.
 
L’objectif de notre dynamique c’est de travailler pour à terme, mettre fin à la crise qui a pris corps au Togo et qui est entretenue à dessein par certaines personnes pour ne pas rendre compte de leurs gestions catastrophiques. J’avoue qu’il faut que nous trouvions des moyens pour faire avancer notre peuple et notre pays.
 
Nous avons posé des exigences qui n’ont pas été satisfaites dans leur totalité. La libération de nos jeunes a été obtenue, mais nos matériels, on ne les a pas reçus. Lorsqu’on ne vous donne pas tous vos matériels et que vous continuez malgré tout à faire semblant, les gens vont vous traiter d’« imbécile ».
 
Nous ne voudrions pas rendre le peuple togolais « imbécile », c’est pour cette raison que nous disons que notre cause est juste. Il faut qu’on utilise toutes les relations possibles pour qu’un dialogue s’instaure. Les préalables que nous posons portent sur les droits de l’Homme, l’exclusion des 9 députés, la mise en application des recommandations de la CNDH et de la CVJR.
 
Nous ne disons pas que tous ces points soient réalisés, mais que le régime prouve sa bonne volonté en commençant au moins à les réaliser. C’est une piste. Une autre piste et cela est déjà arrivé au Togo, c’est qu’on mette sur pied un comité préparatoire du dialogue pour voir comment ces problèmes de préalables doivent être réglés avant d’aborder les réformes constitutionnelles et institutionnelles et la question du cadre électoral qui doit nous conduire aux élections législatives. Cela n’est pas sorcier !
 
C’est celui qui ne veut pas de cette solution et qui va vous demander de l’accompagner pour que ce qui s’est passé en 2007, se répète c’est-à-dire 900.000 électeurs ont rapporté 50 députés à un parti alors que 1.250.000 ont rapporté 31 députés aux forces démocratiques, qui bloque le dialogue.
 
Nous devons régler le problème de ceux qui restent dans les bureaux de vote, la question fondamentale de la CENI. Nous allons jouer ensemble et nous avons besoin d’un arbitre et l’arbitre c’est la CENI. Il faut donc huit (8) d’un côté et (10) de l’autre. Si on voulait le 17e qu’on aille chercher une personnalité neutre qu’elle soit nationale ou internationale et c’est là qu’on va à des élections d’égale à égale et où personne n’imposera pas sa volonté aux autres. Ce ne serait donc plus un contrat léonin.
 
Ce que nous voulons très simplement et très clairement, c’est le bien de tout le monde. Incompris ou pas, certains nous comprendrons et nous aiderons à prendre le flambeau.
 
Afreepress : Comprenez-vous ceux qui tiennent à aller aux élections ?
 
Patrick Lawson : Nous ne voulons pas faire de procès d’intention à qui que ce soit et nous ne soupçonnerons personne de mauvaise intention ou de ruse, mais nous constatons un certain nombre de comportements qui peuvent devenir nuisibles pour le groupe.
 
Il faut les arrêter maintenant pour qu’on puisse vivre dans un groupe ou dans des groupes sains. C’est en tout cas notre objectif. Nous sommes prêts à travailler avec tout le monde, la preuve c’est que nous n’avons jamais nourri l’ambition à prendre le devant du CST ou de quelque regroupement que ce soit.
 
Afreepress : Certains pensent que vous avez des profits en maintenant la situation telle. Que leur répondez-vous ?
 
Patrick Lawson : Quels profits? Que de sacrifices! Nous sommes prêts, l’ANC est prête pour aller à des élections et les gagner, mais nous disons que si on ne résout pas un certain nombre de problèmes, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Rien ne sert de courir. Je veux dire que lorsqu’en route, alors que le feu est au vert et d’un seul coup passe au rouge, vous devez vous arrêter. Mais si malgré tout, vous traversez et qu’un policier vous arrête, vous allez payer des amendes. C’est pour cela que nous disons qu’on respecte un certain nombre de règles et de principes.
 
Si c’est parce que le régime vient de donner trois sièges à l’UFC, ce qui ne devrait pas se faire, que ça doit faire peur à des gens et les faire courir, je dis que nous allons une fois encore à aventure. C’est pour cela que nous disons simplement qu’il faut compter sur nos populations pour nous battre et obtenir les bonnes conditions justes et équitables pour les élections.
 
Afreepress : Quel peut être votre message à la classe politique de l’opposition ?
 
Patrick Lawson : Nous souhaitons tout simplement que les décisions y compris les plus banales soient l’objet de discussions et de débat avant toute adoption. C’est ainsi que nous ferons aboutir nos revendications communes et légitimes. Nous n’exigeons pas de quelqu’un qu’il renonce à ce qu’il est. Travailler ensemble demande de la cohésion qui conduit à la cohérence. Voilà un peu ce que nous voulons. Prenez onze (11) joueurs talentueux sur un terrain. S’ils ne sont pas unis, ils ne constitueront jamais une équipe avec un fond de jeu plaisant et efficace.
 
Je vous dis que sur la question du dialogue, il y a unanimité sur sa tenue. Il s’agit de créer les conditions qui permettront d’en faire un succès. C’est tout ce que nous disons.
 
Oui au dialogue qui permet de mettre sur la table des discussions ce qui constitue l’empêchement des uns et des autres et qui freine l’enclenchement du vrai processus démocratique. Acceptons ensemble d’offrir une chance de sortie de crise au Togo pour mettre en chantier la politique qui permettra d’engager les Togolais sur la voie du progrès partagé et de la prospérité.
 
Interview réalisée par Bernard ALOGNON
 
afreepress
 

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