La machine électorale est lancée depuis la semaine dernière avec la désignation par l’Assemblée nationale de quinze (15) représentants sur les dix-sept (17) devant composer la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI).
 
Cette désignation, à laquelle une partie de la classe politique togolaise dit avoir été exclue, continue de susciter des réactions. La dernière en date est celle de Patrick LAWSON, Premier Vice-président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC). Celui-ci, qui a bien voulu s’exprimer au micro de l’Agence Afreepress, en qualité de « sage » de l’ANC, est revenu sur la polémique ayant cours actuellement dans le pays et portant sur la qualité de parti de l’« opposition parlementaire » reconnue à l’Union des forces de changement (UFC) et le retard pris dans l’exécution des clauses de l’Accord politique global et surtout de l’Accord du 26 mai intervenu entre le RPT et l’UFC. Il a également profité de l’occasion pour appeler toute la classe politique togolaise à aller vers un dialogue « franc et sincère ». Lire l’entretien.
 
Afreepress : Vous estimez comme bon nombre de vos collègues de l’opposition que le gouvernement tente d’opérer un passage en force dans l’organisation des élections législatives et locales à venir. Quelle a été votre réaction, en tant que « sage » de l’ANC, comme aiment désormais à vous nommer les militants de ce parti, après avoir appris la désignation des quinze (15) membres de la CENI par les députés ?
 
Patrick Lawson : Vous me faites beaucoup d’honneur en m’appelant sage. Je vais essayer d’être à ce niveau-là. En fait, je crois que le gouvernement est en train de tenter un passage en force face à notre mot d’ordre de départ de Faure du pouvoir. Je crois qu’eux aussi ils ont voulu faire très fort en faisant ce passage en force.
 
La première chose c’est qu’ils savent très bien qu’avec l’accord du 26 mai intervenu entre le RPT/UNIR et l’UFC on ne peut plus jamais parler de l’UFC comme un parti de l’opposition. Cela est complètement différent de l’Accord politique global dont était issu Me AGBOYIBO parce qu’à l’issue de cet accord, on avait décidé que toutes les composantes devraient faire partir du gouvernement.
 
Si nous n’avions pas fait partir de ce gouvernement, c’était un choix de l’UFC. Donc les partis qui ont participé au gouvernement de l’APG sont demeurés des partis de l’opposition.
 
Aujourd’hui face à cette situation et pendant 22 ans de marche vers la démocratisation de notre pays, nous avions eu 16 dialogues et personne ne peut le nier, il y a une crise de confiance dans le pays. Alors, nous ne nous attaquons pas à la communauté internationale, mais nous pensons plutôt qu’elle doit s’investir pour que la confiance renaisse.
 
Pour rassurer, il faut au moins qu’il y ait un début d’exécution des accords. Il en est de même des recommandations de la CVJR qui ressemblent comme deux frères jumeaux aux recommandations de la CNDH. Il faut qu’il y ait un début d’exécution des recommandations de ces deux institutions.
 
L’affaire de renvoi des députés de l’ANC est une situation qui ne doit pas rester sans suites. Ce serait comme une mauvaise jurisprudence. Pour les élections législatives, le Coordonnateur du CST a dit qu’aucune loi organique ne soutient la disposition qui voudrait qu’en l’absence de la mise en place d’un nouveau parlement, l’ancien continue à siéger, cela n’est soutenu par aucune loi organique.
 
Face à cela, ce qui s’impose est le compromis politique qui doit amener à ce que nous nous mettions d’accord pour que ce parlement continue par travailler, mais sous quelle forme ? C’est en ce moment que le problème des 9 députés se posera et il faut que chacun fasse l’effort pour qu’un dialogue franc et sincère puisse avoir lieu.
 
Est-il normal aujourd’hui qu’une seule partie, je fais allusion au pouvoir, puisse s’accaparer de près de 14 sièges sur les 17 devant composer la CENI ? Non, cela n’est pas normal. Mêmes ceux qui sont du régime disent que dans ces conditions on ne peut pas organiser des élections crédibles et qui puissent donner une légitimité à cette institution importante et c’est pour cela que nous devons tout mettre en œuvre à partir de maintenant pour que les passerelles marchent, pour que la communauté internationale se mette en branle afin que ces discussions que nous souhaitons sereines et sérieuses, puissent démarrer et pour le faire, je viens de le dire, il faut que les réformes constitutionnelles et institutionnelles qui ont été toujours abandonnées commencent également à trouver un début d’exécution. À partir de ce moment, tout le monde sera rassuré.
 
Cela passe également par la mise en œuvre des recommandations des rapports de 2007 et de 2010 de l’Union européenne. Dans ces conditions, je crois que nous pourrons facilement et rapidement fraterniser et aller à des élections où à la fin, le vainqueur serrera la main aux vaincu et pour qu’on puisse gérer ce pays et le sortir des crises économique, sociale, politique qu’il connait afin que nos étudiants s’épanouissent, que les travailleurs se mettent au travail, que les entreprises reviennent et que les bailleurs de fonds mettent la main à la poche. Voilà tout ce que nous souhaitons.
 
Afreepress : Si vous tenez tant au dialogue, pourquoi jusqu’aujourd’hui la situation reste-t-elle bloquée ?
 
Patrick Lawson : C’est le manque de confiance, vous savez que moi j’ai fait l’effort de présider pendant quelques jours un dialogue, mais la crise de confiance est telle que ceux qui sont en face croiraient qu’en choisissant quelqu’un de l’opposition pour diriger un dialogue, ce serait en faveur de l’opposition et vis versa. C’est à partir de là que certains collègues ont pensé qu’il faut avoir recours à un médiateur international. C’est subsidiaire, mais ça peut aider dans les circonstances qui sont les nôtres, mais à condition aussi que ce médiateur soit sérieux parce qu’on a connu des facilitateurs qui nous ont fait faire plus de 90 séances au cours d’un dialogue sans résultats.
 
Il faudra que ce médiateur soit quelqu’un de généreux, quelqu’un qui aimerait faire sortir le Togo de la crise sans parti-pris. Voilà ce que nous souhaitons, nous sommes des gens humbles, honnêtes, nous n’avons pas les couteaux entre les dents, ce que nous souhaitons aujourd’hui c’est que le Togo sorte de sa situation, c’est important pour l’avenir de ce pays que nous aimons tant.
 
Afreepress : Comment analysez-vous le silence du Chef de l’État face à la situation ?
 
Patrick Lawson : Je ne voudrais pas spéculer sur le silence du Chef de l’État. S’il parle, c’est bien, s’il ne parle c’est qu’il sait pourquoi. Je ne vais pas chercher à expliquer. Je crois que le jour où il parlera, surtout qu’il n’a pas parlé pendant des mois, c’est pour dire quelque chose de miraculeux et nous espérons que le miracle sortira de ce verbe.
 
Interview réalisée par Bernard ALOGNON
 

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