Participation du Togo au maintien de la paix en Côte d’Ivoire

Huit militaires réformés pour avoir réclamé leurs droits, des officiers impliqués dans une affaire de détournement maintenus à leur poste
« Au Togo, on préfère les voleurs à ceux qui réclament leurs droits », déplore un militaire togolais ayant participé à l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Pour avoir réclamé un habillement décent, une alimentation de qualité et des soins de santé basiques, huit (8) militaires togolais de l’ONUCI 12, ont été enfermés au violon et réformés en guise de punition. Mais dans le même temps, certains officiers impliqués dans le détournement de produits pharmaceutiques, de vivres en Côte d’Ivoire, continuent d’exercer leur fonction.
Depuis que la crise a éclaté en Côte d’Ivoire, des militaires togolais participent au maintien de la paix dans le cadre de l’Opération des Nations Unies dans ce pays (ONUCI). De novembre 2009 à mai 2010 par exemple, environ 300 militaires et gendarmes togolais (ONUCI 12) ont participé à la mission de pacification du pays du cacao. Ainsi, afin de permettre à chaque contingent de s’acquitter avec honneur de sa mission à lui confiée, l’ONUCI n’avait pas fait les choses à moitié. Mais le contingent du Togo, géré en ce temps par le Colonel Ali Nadjombé, était misérablement encadré.
« Concernant l’habillement, on a touché une partie avant de partir et promesse nous a été faite que le reste nous sera remis une fois sur le terrain. Mais arrivés, nous n’avons plus rien reçu jusqu’à notre retour au Togo. Avec nos treillis déchirés et nos bottes totalement abîmées, nous étions souvent la risée des éléments des autres contingents. Un jour, voyant nos bottes qui sont usées, un Nigerian m’a posé la question de savoir s’il n’y avait pas de rangers au Togo. J’avais eu honte et je n’avais pu rien dire. Souvent quand l’Etat-major de l’ONUCI annonçait une visite, nos supérieurs hiérarchiques nous faisaient porter de nouveaux treillis qu’ils ramassaient dès le départ de celui-ci », raconte un soldat de rang toujours en fonction.
De plus, l’alimentation des militaires togolais était des plus lamentables. Ce soldat de rang raconte le reste : « Pour le manger, nous avions su par les autres contingents que l’ONU envoyait les vivres par semaine et nous savions la composition de ces vivres. Mais à la préparation, rien de ce que mangeaient les autres militaires ne figurait dans nos plats. Au point que certains jours, nous refusions de manger les rations qu’on nous servait et qui plus est, étaient mal préparées. Nous étions d’autant plus frustrés que chaque week-end, nos officiers et sous-officiers supérieurs organisaient des fêtes avec leurs amis avec une partie des vivres à nous envoyés ».
Le contingent togolais envoyé en mission, a connu un mouvement de débrayage en terre ivoirienne en mai 2010. « Quand nous partions de Lomé, il nous a été octroyé des prêts remboursables à taux fixe sur cinq mensualités. Les prêts variaient selon que nous étions officiers ou hommes de rang. Et ces prêts étaient déductibles de nos primes perçues sur le terrain. La mission avait duré six mois, de novembre 2009 à mai 2010, et au bout du cinquième mois, tout le monde était supposé avoir remboursé son prêt et notre dernière prime devrait être complète, sans prélèvement. Mais le 3 mai 2010, tout le monde a refusé de toucher sa prime car des prélèvements fantaisistes selon l’humeur d’une main sombre, avaient été faits. Le Colonel Ali Nadjombé avait rassemblé les officiers et leur a demandé de prendre les noms de tous ceux qui refuseraient de prendre la prime incomplète. Le jour suivant, le débrayage devint général et nous en avions profité pour dénoncer à haute voix nos conditions d’habillement, de santé, d’alimentation et ce qu’était devenue notre dernière prime. Or, ce jour du 04 mai 2010, était la date d’investiture de Faure Gnassingbé à Lomé. L’occasion était trop belle pour nos fossoyeurs et rapaces qui nous ont accusés de saboter l’investiture du président depuis la Côte d’Ivoire. Voyant l’ampleur que prenait le mouvement, les Colonels Ouro Bag’na et Lemou ont été dépêchés pour nous calmer. Ils nous avaient réglé la totalité des primes le lendemain 05 mai et nous avaient promis le reste du solde pour habillement une fois rentrés à Lomé. Ils avaient dit que « Le linge sale se lave en famille », et avaient permis à chacun de vider son cœur en s’exprimant, ce que nous n’avons pas hésité à faire », explique un sous-officier supérieur en poste à Kara.
Mais la suite fut dramatique pour certains de ces militaires de l’ONUCI 12. L’enfer les attendait à Lomé, comme le raconte une victime : « La dernière vague du contingent est rentrée le 27 mai et le lendemain, nous avions été tous reçus à l’école primaire publique du Camp Général Gnassingbé Eyadema par le Général Ayeva (chef d’Etat-major général des FAT, NDLR) qui a fait comprendre à tout le monde qu’il ne voulait surtout pas de problème à quelques semaines de sa retraite. Le Colonel Ali Nadjombé s’était excusé devant le général en lui promettant que cet incident ne se reproduirait plus. Mais le Colonel Bali, chef d’Etat-major de l’armée de terre nous a curieusement sorti cette phrase : « Allez dire à ceux qui vous ont envoyés que vous avez échoué dans votre mission, car le fait de manifester le jour de l’investiture du président, était un acte de sabotage ». Nous avions ensuite repris service dans nos corps respectifs après deux semaines de repos bien mérité. Peu de temps après la reprise, 22 de nos camarades, moi y compris, avions été triés dans les différents régiments et écroués. Deux jours plus tard, il ne restait que neuf (9) d’entre nous encore en détention. Sur quelle base avait-on libéré les 13 autres ? Personne ne le sait. Et sans rien nous dire, sans aucune explication, nous avons passé 45 jours en taule au bout desquels un officier était passé nous signifier le motif de notre arrestation : « Organisation et entretien d’une mutinerie ». Quinze jours plus tard, nous sommes passés devant un tribunal militaire qui n’a consacré plus de cinq minutes à aucun prévenu. Huit d’entre nous ont été réformés et le neuvième qui était adjudant, a été ramené au grade de sergent et mis à pied pendant six mois. Il est toujours en poste avec le grade de sergent ».
Des huit (8) réformés, il y a par exemple un adjudant dont le grade a été ramené à celui d’un soldat de 2ème classe et qui a été réformé. Avec cette mesure, ce militaire se retrouve avec une pension d’à peine 20 000 FCFA après 20 ans de service. Ces huit (8) personnes sont les victimes expiatoires d’une revendication à laquelle tous les militaires ont participé.
Pendant ce temps, certains officiers impliqués dans une affaire de détournement de vivres et de produits pharmaceutiques, n’ont jamais été sanctionnés et sont jusqu’à ce jour à leur poste. « En mai 2011, un conteneur rempli de vivres et de produits pharmaceutiques en direction de Lomé, a été intercepté par des observateurs et dans ce dossier, quatre (4) officiers et un sous-officier supérieurs togolais ont été remplacés et rapatriés. A ce jour, ces officiers continuent d’occuper normalement leur poste dans l’armée. L’un des officiers impliqués commande même un contingent à Pya. C’est une injustice. Au Togo, on préfère les voleurs à ceux qui réclament leurs droits », s’emporte un autre militaire.
Il nous revient que suite à cette sale affaire, une enquête a été diligentée en Côte d’Ivoire. Mais à ce jour, les résultats des investigations ne sont toujours pas connus. D’après les indiscrétions, le rapport de l’enquête indique que ceux qui avaient manifesté en mai 2010, avaient bien raison de le faire, car la nourriture était effectivement détournée et que s’il fallait continuer et aller au bout de cette enquête, notre pays risquait d’être radié de l’ONUCI.
Presque les mêmes traitements ont été réservés aux militaires de l’ONUCI. Treize (13) d’entre eux qui seraient impliqués dans le vol de quelques biens appartenant au couple Gbagbo. « Ceux qui sont impliqués dans le vol de quelques effets de la famille Gbagbo ont écopé d’une mise à pied de six et quatre mois selon qu’ils sont officiers ou hommes de rang. Après la mise à pied, ils ont repris service comme si de rien n’était », confie un lieutenant.
Ainsi, depuis bientôt deux ans, les huit (8) victimes expiatoires sont à la merci de la nature, sans travail, alors que ceux qui avaient détourné les vivres destinés au contingent togolais ou étaient impliqués dans d’autres affaires louches, sont maintenus à leur poste. La politique de deux poids deux mesures…
Godson K.
liberte-togo.com

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