Il en avait marre des humiliations et il a craqué

 
Dépassé par les évènements, fatigué de jouer le figurant et d’avaler les couleuvres, humilié quotidiennement par ceux qui ont sollicité ses services en 2008 pour se refaire une image présentable sur le plan international, Gilbert Fossoun Houngbo a craqué et jeté l’éponge en rendant volontairement son tablier ce 11 juillet 2012, à la grande surprise de son employeur qui, visiblement, a tout le mal du monde à contrôler les brutes de son entourage qui font la loi de la jungle dans le pays.
 
C’était le 7 septembre 2008 à la faveur des inondations avec leur corollaire de ruptures en cascade des ponts, qui ont fini par emporter le gouvernement de Komlan Mally, que les Togolais découvrent pour la première fois le visage et le CV impressionnant de celui qui était encore avant sa nomination, le Directeur Afrique du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). Nombreux sont ces Togolais qui se demandaient ce qu’il venait chercher dans cette galère du RPT. Mais l’homme lui-même ne se posait pas de question, très enthousiaste, volontariste et certainement sûr d’avoir la solution aux maux que les Togolais traînent depuis des décennies, il est allé jusqu’à déclarer qu’il changerait leur quotidien en six (6) mois. Sa collaboration franche et sincère avec le pouvoir n’a duré qu’un an, le temps pour Faure Gnassingbé et sa clique d’utiliser ce connaisseur des réseaux internationaux et son carnet d’adresses pour desserrer l’étau afin de redonner au régime l’image d’un pouvoir fréquentable. Une fois cette mission réussie, la suite pour Gilbert Houngbo a été jusqu’à sa démission ce mercredi, une série d’humiliations, de menaces, d’embêtements et finalement la marginalisation de quelqu’un qui était un Premier ministre sans aucune emprise sur les évènements, mais obligé d’endosser la responsabilité des dérives commises sur le terrain.
 
Nous ne pouvons pas dérouler ici les humiliations venant de Faure Gnassingbé lui-même, Adji Otèth Ayassor, Ingrid Awadé et autres voleurs de la République qui régentent dans l’opacité totale ce pays. Mais le pic des humiliations a été atteint lors du scandale de la falsification du rapport de la CNDH. Alors que Faure Gnassingbé était en voyage aux Nations Unies, Gilbert Houngbo mis sous pression par la communauté internationale, a dû recourir à une alchimie pour valider le rapport authentique de la CNDH après une audience avec les membres de cette institution dans le but de sauver les meubles. Cette acceptation du rapport authentique de la CNDH par Gilbert Houngbo n’avait pas été du goût des faussaires dont le ministre Tchitchao Tchalim et les tortionnaires que sont Yotroféï Massina et Atcha Titikpina, qui ont ouvertement menacé le locataire de la Primature. Au lendemain de la validation de ce rapport authentique, une campagne de dénigrement systématique sur des sites internet a été organisée contre Gilbert Houngbo par Yotroféï Massina et compagnie depuis l’ANR. On l’accusait même d’avoir son propre agenda avec l’appui de certains hommes d’affaires proches de lui. Par les coups bas, la délation, les faux rapports des renseignements, le réseau Massina-Titikpina a réussi à construire une muraille de Chine entre Faure Gnassingbé et son Premier ministre progressivement réduit à un rôle de figurant qui prend connaissance sur les médias de certains décrets engageant le gouvernement comme le citoyen lambda. Selon une source proche du sérail, les contacts entre Gilbert Houngbo et Faure Gnassingbé devenaient de plus en plus rares et ce dernier rechignait souvent à le prendre au téléphone.
 
C’est dans cette atmosphère de crise de confiance aiguë au sommet de l’Etat et de « complotite » ambiante au sein du système en place qu’a surgi le monstre à plusieurs têtes nommé Collectif « Sauvons le Togo » (CST) qui a drainé une marée humaine dans les rues de Lomé les 12 et 13 juin derniers, provoquant une panique générale au sein du pouvoir et surtout de son aile dure qui a fait l’option de la répression systématique. La gestion de ces manifestations du CST et son lot de dérives et autres dérapages des forces de sécurité, des militaires habillés en gendarmes, la séquestration permanente des leaders à leur domicile, le refus de manifestation pourtant garantie par la Constitution et entérinée par la loi Bodjona ont été une épreuve de plus entre Gilbert Houngbo et ses détracteurs que sont la bande à Yotroféï Massina, Atcha Titikpina et comparses.
 
La sortie hasardeuse de certains ministres sur les médias, qui pour prôner le dialogue, qui pour soutenir l’option de la fermeté, a fini par convaincre les observateurs qu’il n’y avait plus de gouvernement en place. Il faut ajouter à ce cafouillage, les mensonges sur le sacrilège commis à la paroisse catholique d’Amoutivé suivi de la sortie virulente de la hiérarchie de cette église, les contre-vérités sur les décès lors des manifestations battues en brèche par le Procureur de la République près la Cour d’Appel de Sokodé dans une décision que nous avions publiée, tout ceci a fini par avoir raison de l’optimisme du « Pnudien ». Le comble, c’est que dans cette histoire du CST, l’homme mis sous pression a donné des garanties aux chancelleries de la place, notamment sur le droit de manifestation, sur la libération des jeunes détenus à la prison civile de Lomé, sur la restitution du matériel de sonorisation confisqué par la Gendarmerie et sur l’ouverture d’un nouveau dialogue.
 
Concernant la question des jeunes détenus en prison, ordre a été donné par le Premier ministre de procéder à leur libération. Les formalités ont été faites, les jeunes étaient sur le point de quitter la prison quand subitement, un galonné dont on devine le nom, a appelé l’administration pénitentiaire pour intimer l’ordre de remettre les jeunes en prison. Celui qui a donné le contre-ordre a eu le culot de déclarer : « C’est qui le Premier ministre ? », comme pour dire que ce n’est pas lui qui commande dans le pays. L’affaire Bertin Agba aussi a contribué à discréditer davantage le régime de Faure Gnassingbé auprès des partenaires en développement qui ont mis pas moins de dix (10) milliards pour la modernisation de la Justice.
 
Malgré les multiples démarches faites auprès du Premier ministre par la Représentante Résidente du HCDH au Togo Mme Ige Olatokunbo, Monsieur Bertin Agba est toujours arbitrairement détenu à la prison civile de Tsévié. Une Justice aux ordres exclusifs du Prince, c’est un grand bond en arrière, dans les pratiques révolues que les partenaires y compris le PNUD de Gilbert Houngbo n’étaient pas près d’accepter. Mais le plus inquiétant pour le désormais ex-PM était lié aux incantations des « sécurocrates » de Faure Gnassingbé, notamment la bande à Yotroféï Massina et Atcha Titikpina qui ne cesse de clamer haut et fort qu’il suffit de frapper un ou deux membres du CST pour refroidir les autres, comme ce fut le cas des années 1992 ou 1993 avec l’assassinat de Tavio Amorin et bien d’autres. Ils ont osé déclamer devant des gens qu’ils sont capables de rééditer le scénario macabre de 2005 sans que rien ne leur arrive. En clair, un terrible drame se profile à l’horizon et les auteurs connus de tous sont les décideurs du pays. A partir de cet instant, lorsqu’on est Premier ministre et qu’on connaît les conséquences de ces actes sur le plan international, la meilleure façon de ne pas se rendre complice et d’en répondre demain est de jeter l’éponge. C’est ce que vient de faire le fils d’Agbandi à la grande surprise de tout le monde, y compris les ministres.
 
Cette démission ne dispense pas pour autant Gilbert Houngbo du rôle néfaste qu’il a joué ces quatre dernières années pour l’enracinement du pouvoir monarchique et pernicieux de Faure Gnassingbé nous ramenant à des années de plomb. Il a les mains liées par le système et il ne serait pas surprenant de le voir les jours à venir sillonner le territoire pour conduire la campagne du parti UNIR-RPT aux prochaines législatives afin d’échapper au sort d’Eugène Adoboli.
 
En définitive, autant la nomination de Gilbert Houngbo le 7 septembre 2008 a permis à Faure Gnassingbé d’utiliser son carnet d’adresse et sa posture pour déverrouiller l’étau sur le plan international, autant sa démission surprise constitue un coup dur pour le même pouvoir dont la résurgence des méthodes nazies a révélé la vraie face. Le CST peut se réjouir d’avoir, en moins de quelques jours, mis en difficulté le pouvoir de Faure Gnassingbé et remis le Togo sur le banc des accusés sur le plan international. Faure Gnassingbé a aujourd’hui le choix entre faire les réformes constitutionnelles et institutionnelles pour basculer le Togo sur la voie de la démocratie et continuer par suivre la ligne dure tracée par ses fameux « sécurocrates » et là, le dernier mot reviendra au peuple togolais. Gilbert Houngbo, comme le dirait l’autre, est un vrai gâchis.
 
 
Ferdi-Nando
 
lalternative-togo.com
 

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