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Blessé par balle durant l’attaque du bus du Togo lors de la Coupe d’Afrique des nations 2010,l’ancien gardien de Pontivy est, désormais, handicapé à vie. A Lorient, il tente de se reconstruire un avenir.

L’histoire

Son objectif va bien au-delà de « tourner la page ». Pour Kodjovi Obilalé, il s’agit de « faire le deuil ». Le deuil de sa vie d’avant, celle d’un footballeur amateur à Pontivy. D’un gardien de but de la sélection togolaise, présent au Mondial 2006 et pris pour cible lors du mitraillage du bus de l’équipe par des séparatistes de Cabinda, lors de la Coupe d’Afrique des Nations, en Angola. C’était le le 8 janvier 2010. L’attentat avait fait deux morts et neuf blessés dans la délégation. Touché de deux balles, la moelle épinière atteinte, Kodjovi Obilalé y a laissé l’usage d’une jambe et sa part d’insouciance. Après deux mois d’hospitalisation en Afrique du Sud et six mois de rééducation au centre de Kerpape, à Ploemeur, dans le Morbihan.
« Ils m’ont pris ma joie de vivre »
« Ce jour-là, tout a basculé. La douleur fait désormais que je suis plus sur la défensive. Ces cons m’ont pris ma joie de vivre », raconte ce père de deux enfants de 3 et 9 ans. Alors, à 27 ans, « Dodji » essaie de se reconstruire à Lorient. Debout, appuyé sur ses béquilles, il veut avancer. Malgré les coups de blues récurrents et la tentation de l’isolement parfois. « Je ne suis pas un fainéant, alors je me bats. Ce n’était pas programmé que je marche à nouveau. Aujourd’hui, je peux conduire, m’habiller, aller acheter des choses, c’est déjà pas mal. »
Mais le combat physique n’est que la partie la plus visible de la lutte que mène Kodjovi Obilalé. Avec ses 700 € mensuels de pension d’invalidité, le quotidien est un défi permanent. « Tu ne vis pas avec ça. Quand tu as payé le loyer, l’essence, tu fais comment ensuite ? J’ai encore quelques économies, mais demain ? »
Rapatrié avec l’aide de la Fédération française, qui lui a alloué 10 000 €, le joueur a touché 100 000 dollars (78 500 €) de la Fifa et 35 millions de francs CFA (53 000 €) du Togo. « Les 100 000 dollars ont couvert les soins et les loyers impayés » précise-t-il. Mais, à ce jour, Obilalé n’a jamais été indemnisé ni par l’Angola ni par la Confédération africaine de football (CAF), organisateurs de la CAN 2010.
« Il faut arrêter avec la grande famille du foot »
Son dossier est suivi sur un plan juridique par l’avocat mandaté par l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels), Christophe Bertrand. La reconnaissance du statut de victime étant prépondérante d’un point de vue psychologique. « J’étais récemment à Paris pour des expertises médicales, je ne vais pas lâcher. Je revendique juste mes droits. Quand on te fauche dans la rue, tu veux faire valoir tes droits, là on m’a fait perdre dix ans comme ça… »
Dix ans d’une carrière de footballeur fauchés par une rafale de mitrailleuse. Et un monde qui s’écroule. « Il faut arrêter avec les slogans sur la grande famille du foot. C’est chacun pour soi. Je ne ressens pas de haine, mais si vos confrères ne vous soutiennent pas, qui le fera ? On est collègues, mais avant tout humains », explique Obilalé, la voix pleine d’incompréhension. « Ce n’est pas au foot que j’en veux, mais aux dirigeants. Alors regarder la CAN, tout sauf ça ! Aujourd’hui, je peux compter mes amis. » Parmi ses soutiens, son ancien sélectionneur Hubert Velud, le Lorientais Alaixys Romao, rescapé du mitraillage, et l’UNFP qui suit son dossier.
« Un homme n’est jamais fini »
Aujourd’hui, Kodjovi Obilalé veut se tourner résolument vers le futur. En se dessinant, notamment, un avenir professionnel. Dans l’attente de la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé, lui qui a par le passé vendu des voitures, bossé en usine, a fait un bilan de compétences. Et s’apprête à s’investir auprès de jeunes de la mission locale de Lorient. « J’ai lu son histoire, ça m’a touché et j’ai tout de suite pensé à lui pour mon programme de remise à niveau scolaire », explique Paul Orsatti, ancien footballeur pro, coach mental du FC Lorient et fondateur de l’Institut sportif de formation.
L’objectif de « Dodji » ? Aider pendant sept mois, à raison de deux interventions par semaine, des jeunes sportifs « décrocheurs » à travailler maths, français, histoire, géo, culture générale autour d’exercices liés à l’Euro 2012. Et leur inculquer sa force mentale, lui qui ne supporte plus « les gens qui se plaignent devant moi. » Mais l’ancien portier de Pontivy a, aussi, déposé en Préfecture les statuts de son association « Joie de vivre », destinée à aider les sportifs oubliés, victimes d’un drame ou d’une blessure. Et commencé à écrire dans son lit d’hôpital. « C’est un challenge de vie, je me bats à fond. Un homme n’est jamais fini. L’aventure n’est pas encore terminée. »
Pour contacter l’association « Joie de vivre » : dodjikodjovi@yahoo.fr
Frédéric HERVÉ.
lorient.maville.com

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