La 67e session de l’Assemblée générale des Nations Unies s’est ouverte hier mardi 25 septembre par un débat général. Mais il a été précédé d’une réunion de haut niveau organisée conjointement par l’Union interparlementaire (UIP) et l’Organisation internationale de droit du développement et parrainée par la Mission de l’Italie auprès de l’ONU, sur l’Etat de Droit, autour du thème Etat de Droit aux niveaux national et international. Rencontre qui est censée se conclure par une déclaration politique énonçant les grands principes de l’Etat de droit et formulant des recommandations concrètes pour son renforcement aux niveaux national et international, une sorte d’engagement que prendraient les Etats membres pour la promotion de cet idéal. Y participent des chefs d’Etat ou de gouvernements, des représentants d’ONG, des structures internationales spécialisées ; et parmi eux, un certain…Faure Gnassingbé. Une blague, dites-vous ?
 
Eh bien oui, on a toutes les raisons de concevoir comme telle sa participation à cette rencontre importante, au vu du profil de l’homme : tout sauf un démocrate. Pour être direct, on a affaire à un braconnier de la démocratie. Un profil incompatible avec cet idéal d’Etat de droit.
 
Du concept de l’Etat de droit
 
L’Etat de droit ou la primauté du droit est une situation juridique dans laquelle toute personne a des droits mais aussi des devoirs, et se trouve par sa volonté à « avoir des droits » à se soumettre au respect du droit, du simple individu et surtout la puissance publique. Il est très étroitement lié au respect de la hiérarchie des normes, de la séparation des pouvoirs et des droits fondamentaux, au développement du constitutionnalisme. L’Etat de droit est celui dans lequel les mandataires politiques — en démocratie : les élus — sont tenus par le droit qui a été édicté. La théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, sur laquelle se fondent la majorité des États occidentaux modernes, affirme la distinction des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et leur limitation mutuelle. L’Etat de droit s’oppose donc aux monarchies absolues de droit divin et aux dictatures, dans lesquelles l’autorité agit souvent au mépris des droits fondamentaux.
 
Selon les spécialistes, l’Etat de droit se caractérise par des principes fondamentaux : le respect de la hiérarchie des normes, l’égalité des sujets devant le droit et l’indépendance de la Justice. S’agissant du respect de la hiérarchie des normes, au sommet figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements, et à la base de la pyramide se trouvent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé. Et cet ordonnancement juridique s’impose à tous. L’État, pas plus qu’un particulier, ne peut ainsi méconnaître le principe de la légalité : toute norme, toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur seraient en effet susceptibles d’encourir une sanction juridique. L’État, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. L’égalité des sujets devant le droit – ou l’isonomie – constitue la deuxième condition de l’Etat de droit. Tout comme les individus, l’Etat est soumis au respect du principe de légalité. Ce principe permet d’encadrer l’action de la puissance publique en la soumettant au principe de légalité, qui suppose au premier chef, le respect des principes constitutionnels. Indépendance de la Justice, c’est le plus fondamental des principes de l’Etat de droit. Pour avoir une portée pratique, le principe de l’Etat de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. La Justice faisant partie de l’État, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit.
 
Pour l’Onu, l’Etat de droit est un « principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme ». Pour l’institution mondiale, il est indispensable de respecter l’Etat de droit si l’on veut instaurer une paix durable au sortir d’un conflit, assurer efficacement la protection des droits de l’Homme et réaliser des progrès économiques soutenus et le développement.
 
Que ce soit dans l’un ou dans l’autre cas, les principes restent les mêmes. L’Etat de droit ne saurait se concevoir sans la promotion et le respect des valeurs démocratiques.
 
Faure Gnassingbé et la démocratie au Togo
 
Pour paraphraser l’ancien président Félix Houphouët Boigny, l’Etat de droit, ce n’est pas un mot, c’est un comportement. Et c’est ici que la présence de Faure Gnassingbé à cette rencontre d’importance sur les droits de l’Homme, et sans doute aux premières loges, peut prêter à sourire et même dévaluer sa portée. D’autant plus qu’on a affaire à un véritable braconnier de la démocratie. Certains pensent qu’on pouvait même dérouler le tapis rouge au président syrien Bachar el-Assad qui massacre son peuple.
 
Si au début Faure Gnassingbé a simulé le démocrate et réussi à duper l’opinion nationale et internationale, aujourd’hui l’homme dévoile aux yeux du monde sa vraie face. Il est résolument un ennemi des élections démocratiques. Point n’est besoin d’évoquer l’issue de la présidentielle de 2010. L’atmosphère sociopolitique tendue qui règne actuellement au Togo n’est que la résultante de sa volonté de verrouiller les prochaines élections législatives qui l’a vu élaborer et adopter les lois électorales sans consensus, et malgré la réprobation générale. Le dialogue politique recommandé pour sortir de l’impasse ne se révèle qu’un trompe-l’œil.
 
Le respect des libertés publiques, l’une des caractéristiques de l’Etat de droit n’est qu’une chimère dans notre pays. L’opposition incarnée par le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel n’a plus le droit de manifester partout sur le territoire national, comme le professent la Constitution et la loi de mars 2011 sur les manifestations et réunions publiques. La ville de Kara et le quartier Adéwui sont désormais interdits d’accès, et pour cause. En ce 21e siècle, et dans un Etat qui se veut démocratique et de droit, le pouvoir lâche ses milices dans la rue pour violenter les manifestants de l’opposition. Et cela se passe au vu et au su des forces de l’ordre qui laissent faire. Et le plus cocasse, des ministres de la République se permettent de légitimer ces violences. La situation inquiète tellement que les représentations diplomatiques occidentales dans notre pays, notamment le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (Hcdh), la Délégation de l’Union européenne, le Système des Nations Unies, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis d’Amérique ont dû sortir des communiqués pour appeler le gouvernement à ses responsabilités. Les USA sont même allés jusqu’à appeler leurs ressortissants à la prudence.
 
La Justice n’a aucun sens au Togo, et son indépendance qui est l’un des principes de l’Etat de droit n’est qu’un vœu pieux. Ceux qui en doutaient encore se sont fait une opinion claire avec cette affaire d’escroquerie internationale qui mobilise tout le Togo officiel. Pour une affaire privée, c’est le sommet même de l’Etat qui prend le devant et oriente la Justice. L’accusation qui fonde tout le cirque actuel n’est basée que sur les propos de l’Emirati Abbas Al Youssef. Mais, n’empêche, Faure Gnassingbé s’en saisit pour régler des comptes à Sow Bertin Agba et Pascal Bodjona, à coup d’instrumentalisation des juges.
 
Au Togo de Faure Gnassingbé, on exclue des députés de l’Assemblée nationale, on torture en toute impunité, on falsifie les documents officiels ; les auteurs se trouvent être des collaborateurs du locataire de la Marina, mais ils ne sont jamais inquiétés. Etat de droit, vous avez dit ?
 
Tino Kossi
 
liberte-togo
 

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