ANALYSE DU 9 OCTOBRE 2011

Malgré les moyens financiers importants mis à disposition pour polir son image à l’extérieur, le Gouvernement RPT/AGO de Faure Gnassingbé n’arrive pas à séduire, voire à mystifier, le monde. La meilleure stratégie étant l’attaque, il fallait aller dire aux Nations Unies, face à l’ensemble des représentants des peuples du monde, que tout va bien au Togo et continuer à énoncer des contre-vérités des urnes dès lors que le Togo ne menace personne et n’est une menace pour personne. Alors tout le monde fait semblant de ne pas comprendre pourquoi celui que le Peuple du Togo n’a pas choisi en 2005 et 2010 n’a pas pu se présenter en personne devant l’Assemblée générale de l’ONU, qui tient lieu de Parlement mondial.
1. LE TOGO CONSEILLE L’ONU : COMMENT USURPER LES ELECTIONS ET FAIRE LA PAIX APRES ?
Si les représentants des pays représentés à l’ONU ne sont pas dupes des intentions des dirigeants togolais, alors le Peuple togolais, dans sa grande majorité, n’est pas dupe non plus. C’est donc bien le rapport de forces, créé par le soutien des puissances extérieures aux côtés de Faure Gnassingbé et son système clanique, doublé de l’ingérence qui ne dit pas son nom, qui assurent le renouvellement et la pérennisation d’un pouvoir qui n’offre aucune alternative et opportunité crédibles pour les populations togolaises.
En réalité, la peur a changé de côté. Il y a plus de chance de voir le pouvoir togolais changer, de gré ou par la force, que de le voir perdurer. L’exemple du « printemps arabe » met plus longtemps pour faire tâche d’huile en Afrique subsaharienne car l’emprise postcoloniale y est plus forte notamment en Afrique francophone. Le silence assourdissant sur le cas du Cameroun est une honte pour les pays qui ont choisi de prendre l’étendard militaire pour intervenir en Côte d’Ivoire et en Libye.
Faure Gnassingbé s’est fait représenter à la 66e Assemblée générale de l’ONU (septembre 2011) et dans quelques réunions de la sous-région (octobre 2011). Entre la maladie par intermittence et la peur d’un coup d’Etat, le chef du RPT/AGO vient de changer de stratégie. Au lieu d’annoncer qu’il ne se représentera pas pour les élections présidentielles de 2015, il veut maintenant réussir le pari de forcer la main de la Communauté internationale en faisant valider ses méthodes d’usurpation de la vérité des urnes et des comptes. Comment ? Il suffit que la Communauté internationale accepte la candidature du Togo comme membre non-permanent au Conseil de Sécurité pour que tout le système RPT/AGO retrouve l’adrénaline nécessaire pour préparer les prochaines élections au Togo, fort d’un satisfecit par défaut de cette même communauté. Dans la pratique, tout se passe dans la non-transparence la plus totale avec la connivence de certains ambassadeurs (ou ex-ambassadrices) des pays qui profitent du système RPT/AGO.
En fait, l’approche ne présente aucun risque pour l’actuel pouvoir politique du Togo. Il suffit qu’il s’aligne systématiquement sur les positions de la France ou des Etats-Unis au plan international, à défaut de s’abstenir – même lorsque l’Union africaine opte pour une position commune africaine – pour que le Togo soit choisi comme membre non-permanent au Conseil de Sécurité. Non seulement, la position des citoyens togolais n’y est pas représentée, mais pire, le Togo devra quasi-systématiquement opter pour les positions les moins courageuses, quand il ne s’agit pas de la simple servitude politique, face aux puissances qui assurent indirectement le maintien au pouvoir de Faure Gnassingbé.
Il suffit de rappeler que certains pays comme le Gabon et la Nigeria, membres non-permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU accordèrent leur soutien à la position occidentale dès lors qu’il s’agissait de faciliter l’ingérence militaire occidentale sur le sol africain. Ingérence qui est présentée par l’ONU comme le droit de « protéger les populations civiles », droit qui se transforme une fois la décision votée en « droit de chasser du pouvoir celui qui nuit aux intérêts de certains pays occidentaux ». Lorsque l’on compare l’Irak, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire ou la Libye, c’est une belle pagaille avec des morts et des blessés sur le terrain. Cela ne ressemble en rien à la démocratie promise et la « richesse partagée ». Il ne s’agit nullement de soutenir des « autocrates », mais il faut faire attention de ne pas chasser un « autocrate et son système » qui défend les intérêts des Africains, pour aller installer des « groupes d’autocrates » aux ordres des puissances ordonnatrices des ingérences et qui sont là pour défendre d’abord et en priorité leurs intérêts stratégiques.
Seule la vérité des urnes et des comptes pourra permettre aux peuples de ces pays « ingérés » de retrouver une vérité des urnes endogène. Le système informatique provenant de l’Occident est systématiquement « pipé » permettant d’affirmer avant les élections que les « jeux sont faits ». Personne ne s’élève aujourd’hui pour exiger que les urnes soient comptées manuellement et que les résultats soient affichés directement dans les bureaux de vote en présence des représentants des partis en lice et des populations. C’est cette absence de transparence que Faure Gnassingbé et son réseau RPT/AGO risquent de proposer au niveau du conseil de sécurité de l’ONU. Heureusement que les votes sont à main levée. Donc la proposition du Togo, via Gilbert Houngbo, sera rejetée au moins au niveau du Conseil de sécurité. Reste à savoir si les membres du conseil de sécurité l’adopteront pour sortir les pays des crises que les mêmes principaux membres permanents ont souvent contribué à alimenter.
Au final, dans la plupart des pays où l’ingérence a eu lieu, les conditions de vie des populations se sont sérieusement dégradées et pire, l’indépendance du pays a souvent disparu tant au plan économique, militaire que politique. Il y avait des solutions africaines, certaines proposées d’ailleurs par l’Union africaine. Mais qui écoute ceux qui refusent de faire bloc derrière une même position ? Qui écoute ceux qui parfois jouent double-jeu suite à quelques rappels téléphoniques télécommandés ? Qui écoute la Diaspora panafricaine ? Qui écoute ceux qui n’ont jamais été élus démocratiquement pour siéger dans des instances panafricaines ou sous-régionales ? Peu de monde ! C’est donc ce manque de subsidiarité réelle qui est à la base de la « supercherie » proposée par le Premier ministre togolais à l’ONU.
2. PEUT-ON PARTAGER UNE VICTOIRE USURPEE ?
La nouvelle approche stratégique du Togo à l’ONU consiste à oublier de parler de « richesse partagée » pour parler de « victoire partagée » au Togo et de tenter de l’inscrire comme une « bonne pratique internationale ». Pourtant, Faure Gnassingbé a eu peur d’aller exposer lui-même tout ceci à L’ONU.
C’est ainsi que Gilbert Houngbo, le Premier ministre du gouvernement RPT/AGO a tenté de convaincre tous les pays membres des Nations Unies que pour résoudre les problèmes du monde, il suffit de voler les élections, inverser les résultats des urnes et envoyer les militaires non-républicains pour brider les revendications de vérité et de justice. En faisant toutefois attention de concéder un peu de souplesse, en laissant se dérouler quelques activités de l’opposition et paraître quelques publications des médias afin de donner l’impression de l’existence d’un semblant de liberté. Ceci pour berner les contribuables occidentaux qui payent les errements de leurs dirigeants, lesquels soutiennent des régimes fondamentalement anti-démocratiques.
Gilbert Houngbo a tenté d’illusionner les diplomates de l’ONU en affirmant que cette nouvelle approche du RPT/AGO, à savoir « la victoire partagée » peut contribuer à résoudre les problèmes au sein du Conseil de sécurité de l’ONU comme dans le monde. Comme tout le Peuple togolais attend en vain depuis mars 2010 de voir les résultats concrets d’une « victoire partagée » – qui reste en fait une « victoire contestée » par certains partis politiques de l’alternance mais aussi par des juges courageux – il faut se demander si Gilbert Houngbo ne vient pas de griller ses dernières cartouches de « crédibilité » face à la Communauté internationale en disant en substance ceci à l’ONU : « … Cette politique de victoire partagée avec les perdants, qui réussit si bien au Togo, pourra inspirer les pays confrontés aux violences post-électorales comme on en voit de plus en plus sur le continent africain 1». Comme la main du « maître colonial » n’est jamais très loin, il faut espérer que ces idées du désordre militairement télécommandé et de l’usurpation de la vérité des urnes ne soient pas inspirées par des instructions postcoloniales liées par le secret « défense ».
Alors peut-on partager une « victoire usurpée » ? La réponse est nécessairement négative. Alors, dans la logique d’une pratique d’inversion des faits et des résultats, il suffit de promouvoir une politique de communication autour de la « victoire partagée », en lieu et place de la « vérité » qui n’est pas à l’honneur du RPT/AGO et qui constitue en fait une « victoire usurpée », pour berner une Communauté internationale qui ne demande pas plus pour assurer la défense de ses intérêts géostratégiques au Togo. Mais comment mettre en pratique une véritable « victoire partagée » ? En annonçant que l’on ne fera pas plus de deux mandats, tout en acceptant de ne pas tuer dans l’œuf l’action politique des mouvements et partis de l’alternance par une politique héritée de la culture du parti unique que constitue le « dialogue inclusif ». Un vrai faux « dialogue » qui n’inclut que ce que Faure Gnassingbé veut bien inclure ou ne pas inclure…
3. AGO CANNIBALISES, BESOIN DE PRIMAIRES AU SEIN DES PARTIS DE L’ALTERNANCE POUR 2015
Il y a au Togo des gens courageux en politique, notamment parmi les principaux tenants d’une alternative crédible pour le Togo. On retrouve ce courage parmi certains juges, certains journalistes, certains militaires républicains mais aussi parmi certains chefs traditionnels et même parmi certains représentants des cultes religieux quelles que soient les croyances. Le citoyen togolais y compris dans la Diaspora varie entre le courage et la peur, mais le besoin de « se cacher pour vivre en paix » l’emporte souvent.
Face à cette attitude et le besoin récurrent de l’argent provenant de rentes de situation et donc facile, beaucoup de Togolais et Togolaises finissent par céder à la fatalité ou aux charmes du « clanisme du système RPT » qui cannibalise les partis politiques. En commençant par ceux qui ont fait croire aux Togolais qu’ils ont été dans l’opposition. Ce cannibalisme politique a décimé l’Union des Forces du Changement (UFC) au point de se demander si tout ceci n’a pas été une constante du principal ex-patron de l’opposition togolaise. Oui, cette constante qui repose aussi sur la « culture du chef a toujours raison » fonde l’alliance entre le RPT et les Amis de Gilchrist Olympio (AGO). Mais le fondement de l’alliance RPT/AGO est bien la « richesse partagée » sauf que cela n’a pas profité à la plupart des citoyens togolais.
Mais aucune alternative ne peut voir le jour, si la partie du Peuple togolais qui le souhaite de tous ses vœux ne fait pas aussi l’effort de soutenir directement ou indirectement, ceux qui font l’effort de sacrifier, parfois leur vie et leurs familles, pour que cette alternative prenne corps en tant que programme politique, économique, social et culturel. Croire que laisser le cours des choses à la fatalité est une alternative, relève de l’illusion d’optique qui dure depuis 1963 au Togo. Le Peuple togolais doit donc exiger la tenue de primaires au sein des partis de l’alternance. En attendant cette échéance, le courage de certains juges de la Cour de justice de la CEDEAO qui tentent de sauver l’honneur de la CEDEAO dans le dossier togolais est louable, même si cela pose un nouveau « faux » dilemme juridique au Togo. Selon les textes mêmes de cette Cour supranationale : « les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO sont contraignantes », ce d’autant que la Cour a déclaré la demande recevable 2.
4. LE « BUNKER JURIDIQUE » TOGOLAIS SOUTENU PAR LES OCCIDENTAUX ?
Face à des informations contradictoires provenant du Gouvernement togolais, de la Cour constitutionnelle du Togo et des Conseils juridiques défendant le cas de la réintégration des neuf députés togolais élus sous la bannière UFC et ayant changé de parti suite à la scission l’UFC et la naissance de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), il est demandé à la Cour de Justice de la CEDEAO de ne pas oublier de suivre le dossier dans la mesure où l’Etat togolais qui vient d’être condamné, a l’habitude de se comporter comme un hors-la-loi refusant de mettre en œuvre l’autorité de la chose jugée.
En effet, d’après l’article 106 de la Constitution remaniée à plusieurs reprises par rapport à celle adoptée par le Peuple togolais en 1972, il est stipulé que la « les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent à tout le monde ». Si cette position s’avérait opérationnelle, alors Faure Gnassingbé et son gouvernement RPT/AGO doivent cesser d’empêcher les manifestations sur l’ensemble du territoire ainsi que dans la semaine comme l’y autorise la même constitution togolaise. Bref, le système RPT/AGO n’est pas à une contradiction près. Car si elle acceptait une décision de la Cour de justice de la CEDEAO qui demande une réintégration des neuf (9) députés, alors tous les textes votés en leur absence sont nuls et non-avenus. Les dommages et intérêts doivent être réévalués à la hausse dès lors que le Gouvernement togolais refuse de mettre en œuvre le droit supranational.
L’ingérence juridique supranationale doit pouvoir avoir force de loi et faire jurisprudence. L’injustice du Gouvernement togolais a été sanctionnée. Le Gouvernement togolais est donc bien un Etat hors-la-loi dès lors qu’il refuse de respecter le droit supranational en croyant que la Cour Constitutionnelle du Togo peut, impunément et unilatéralement, empêcher la justice supranationale de sanctionner les abus flagrants du droit au Togo.
Il n’y a qu’une seule manière de régler ce nouveau dilemme juridique au Togo : Faure Gnassingbé doit annoncer qu’il demande pardon au Peuple togolais en avertissant qu’il ne se représentera pas en 2015. La période entre maintenant et 2015 pourrait servir de « période de transition » où les deux grands groupes politiques du Togo à savoir d’un côté les tenants de la mouvance présidentielle de Faure Gnassingbé et les tenants de la mouvance des Alternatives au pouvoir RPT/AGO devront enfin se rencontrer pour entamer non pas des dialogues mais bien des négociations.
5. RECOMMANDATIONS : VERS DES CLARIFICATIONS AU PEUPLE TOGOLAIS
Le CVU-Togo-Diaspora suggère ceci :
Si le Togo de Faure Gnassingbé souhaite être choisi comme membre non-permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, que cela ne se fasse pas sur la base de la « victoire partagée », mais de la vérité des urnes retrouvée et non d’une « victoire usurpée en 2005 et 2010 » ;
Si les partis de l’opposition togolaise aiment le Peuple togolais, il leur est demandé de trouver les modalités pour faire des primaires afin de désigner leur candidat au moins un an avant les élections présidentielles de 2015, à moins que Faure Gnassingbé n’accepte de demander « pardon au Peuple togolais et annonce qu’il ne se représentera pas après son 2e et dernier mandat » ;
Compte tenu du rôle trouble et du double-jeu joué par les instances politiques de la CEDEAO dans la crise politique togolaise tant en 2005 qu’en 2010 sur les élections présidentielles, il est demandé à la Cour de Justice de la CEDEAO de rappeler sa décision favorable – à savoir la réintégration des neuf députés togolais, exclus arbitrairement du Parlement par le Gouvernement RPT/AGO – aux autorités politiques de la CEDEAO qui n’ont toujours pas demandé pardon au Peuple Togolais pour leur position lâche et déshonorante pour toute la sous-région ;
Que la Cour de Justice de la CEDEAO puisse prendre des mesures adéquates si le Gouvernement refuse de mettre en œuvre les décisions de la Cour de Justice de la CEDEAO ;
Que les autorités politiques de la CEDEAO puissent prendre en compte cette décision historique afin d’influencer le Gouvernement togolais pour mettre en œuvre le retour des 9 députés togolais et veiller au paiement des dommages et intérêts aux Députés. Les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO étant contraignantes, la CEDEAO doit considérer le système RPT/AGO comme responsable d’une dégénération de la situation au Togo si le pouvoir de Faure Gnassingbé refuse de mettre en œuvre les décisions de retour à l’Assemblée des 9 députés de l’ANC, injustement et unilatéralement exclus du Parlement togolais.
Le 9 octobre 2011.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Coordonnateur Général

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