Analyse politique OBUTS du 3 décembre 2012

 
Préoccupée par la situation sociopolitique du Togo, l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) vient de rendre publique une analyse dans laquelle il insiste sur la nécessité d’un accord politique devant mettre fin à la crise institutionnelle relative à la fin légale de la législature. De même, le parti dirigé par l’ancien Premier ministre Agbéyomé Messan Kodjo demande la transparence sur la santé du chef de l’Etat afin d’éviter une réédition des tragédies de 2005. « Il urge donc que le dialogue qui s’impose, débouche sur un accord politique relatif non seulement à l’assainissement du climat sociopolitique et à l’adoption des réformes, mais aussi sur la prorogation consensuelle de la législature actuelle afin que s’ouvre une transition au cours de laquelle un nouveau gouvernement sera chargé d’organiser les prochaines consultations électorales », propose OBUTS. Lecture.
 
Analyse politique OBUTS du 03 décembre 2012 : Nécessité d’un accord politique face à la crise institutionnelle au Togo
 
Dans le contexte de crise sociopolitique aggravée de notre pays, aboutir à un accord politique, résultant de discussions franches et sincères, s’impose plus que jamais pour éviter le pire et des lendemains douloureux. Exigence politique, le dialogue est un moment républicain, où les participants, se réunissent autour de questions cruciales, pour dégager des solutions durables permettant de préserver la paix sociale, de garantir en équité les droits de tous et de réaffirmer la primauté de l’intérêt général. A la crise sociopolitique, vient se superposer depuis le 11 novembre 2012, une crise institutionnelle relative à la fin légale de la législature. L’actualité politique de ces derniers jours reste marquée par de folles rumeurs sur la santé du Chef de l’Etat, faisant même état de son décès jusqu’à ce qu’elles fussent infirmées par le retour de Faure GNASSINGBE, au terme d’une visite officielle effectuée en Israël.
 
1. La crise institutionnelle suite à la fin légale du mandat des députés
 
S’il est constant qu’aux termes des dispositions prévues à l’article 52 alinéa 11 de la Constitution, que (sic). « Les membres de l’Assemblée Nationale et du sénat sortants, par fin de mandat ou de dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs », pour autant, ils sont dépourvus de tout pouvoir pour légiférer au nom du Souverain Peuple togolais.
 
En effet dans la pratique parlementaire les projets de loi, les propositions de loi et de résolutions qui n’ont pas été définitivement adoptés par le Parlement et dont l’Assemblée nationale est encore saisie au moment où ses pouvoirs expirent deviennent caducs, qu’ils aient ou non fait l’objet d’une ou de plusieurs lectures devant l’assemblée plénière du Parlement. C’est ce que l’on appelle le principe de la « table rase ».
 
Il est important de rappeler la disposition de l’article 52 al. 1 de la Constitution togolaise, «Les députés sont élus au suffrage universel direct et secret au scrutin uninominal majoritaire à un (01) tour pour cinq (05) ans… ».
 
L’alinéa 2 du même texte précise que « Les élections ont lieu dans les trente jours précédant l’expiration du mandat des députés. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième mardi qui suit la date de proclamation officielle des résultats ». C’est sur la base de ces dispositions qu’il faut comprendre l’alinéa 11 de l’article 52 qui dispose que « Les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sortants, par fin de mandat ou dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs ».
 
Il est donc clair que cette disposition constitutionnelle n’a pas pour finalité d’une part, de permettre à un gouvernement qui, par mauvaise foi ou par incompétence, n’a pas organisé les élections transparentes dans les délais constitutionnels impartis et d’autre part, d’obtenir la prorogation du mandat des députés sans limite dans le temps ni dans les prérogatives d’une législature ainsi rallongée.
 
Ainsi, lorsque les députés déjà élus n’ont pas pu se réunir de plein droit, les députés sortants restent en fonction jusqu’à la prise effective de fonction de leurs successeurs. De même lorsque leur mandat prend fin par dissolution, ils restent aussi en fonction jusqu’à l’élection et la prise de fonction de leurs successeurs, le mandat de cinq ans confié par le peuple n’ayant pas totalement expiré. L’élection des nouveaux députés devra aussi intervenir dans les soixante jours et donc dans un délai déterminé, conformément à l’article 68 de la Constitution.
 
Une disposition similaire est en vigueur pour le Président de la République conformément au dernier alinéa de l’article 59 de la Constitution : « Le Président de la République reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu ». A ce titre, au cas où les élections présidentielles n’ont pas eu lieu à la date prévue, il est inconcevable qu’un Président de la République en fin de mandat, puisse se faire maintenir dans ses fonctions, d’une manière indéfinie, sans un accord politique sur la prorogation de la durée de son mandat.
 
Or, pour le cas notre Assemblée Nationale au cours de la législature écoulée, le Togo n’a connu ni guerre ni catastrophe naturelle de grande ampleur, bref aucun cas de force majeure dûment constaté qui pourrait justifier l’incapacité du gouvernement à organiser les élections législatives à bonne date conformément à ce qui est prévu à l’agenda constitutionnel. Le Gouvernement de Faure Gnassingbé ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude et doit assumer les conséquences des manœuvres dilatoires et de fuite en avant, qu’il a orchestrées dès septembre 2011, au sein du nouveau Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC rénové), empêchant l’adoption à bonne date des réformes requises avant toute nouvelle consultation électorale.
 
L’Assemblée Nationale n’étant donc plus fondée à voter de nouvelles lois, il se pose le problème crucial du vote avant fin décembre 2012, de la loi de finances gestion 2013 sans laquelle, toute perception de l’impôt par le gouvernement actuel, sera illégale et illégitime.
 
C’est pourquoi, la Cour constitutionnelle par l’avis rendu par le 14 novembre 2012 à la requête du Président de l’Assemblée nationale, devrait tirer les conséquences de la fin légale du mandat des députés, en demandant au régime de Faure Gnassingbé d’organiser un dialogue avec les acteurs politiques et ceux de la société civile afin de conclure un accord politique, autour d’un pacte républicain pour conduire cette période transitoire en vue de garantir la paix sociale et la stabilité politique. Sa décision rendue le 14 novembre 2012 par la Cour constitutionnelle, ne saurait valablement constituer dans le contexte politique actuel, une source de légitimité qui donnerait carte blanche à l’Assemblée Nationale de poursuivre sans aucun encadrement, un mandat qui légalement n’existe plus. S’il est une vérité que nul ne peut contester, c’est celle que le mandat du peuple accordé à la législature sortante a une durée et une mission : cinq ans pour légiférer en son nom ainsi que d’assurer le contrôle de l’action gouvernementale. Pas un jour de plus, pas un de moins !
 
Au demeurant, il existe en la matière, un précédent historique qui devrait nous inspirer. En effet, les institutions de la Transition après la Conférence Nationale Souveraine avaient une durée de vie de un (01) an précisée dans l’acte 7 du texte fondamental de la Transition. A l’issue de la transition perturbée par des actes de violences et d’agression répétée contre le Gouvernement et le Haut Conseil de la République, ces derniers avaient souhaité que les Hauts Conseillers de la République prorogent le délai légal de la législature afin de permettre à la transition d’achever sa feuille de route. Le Général Eyadema et le RPT s’y étaient opposés. Un dialogue fut ainsi ouvert et a débouché sur une Commission Mixte Paritaire qui a conduit à la mise en place d’un Gouvernement paritaire qui organisa le référendum populaire du 27 septembre 1992, relatif à la Loi fondamentale promulguée le 14 octobre 2012.
 
2. La nécessité de transparence sur la santé du Chef de l’Etat pour éviter une réédition des tragédies de 2005
 
Les informations persistantes sur l’état de santé de Faure GNASSINGE rendent incontournable la publication par le gouvernement du bulletin de santé du Chef de l’Etat, telle que l’a demandé le Collectif « SAUVONS LE TOGO » lors de sa conférence de presse du jeudi 29 novembre 2012. Il est donc impérieux que le gouvernement informe le peuple sur l’état de santé du chef de l’Etat qui, de par ses fonctions, est et demeure un personnage public.
 
OBUTS déplore l’inertie et l’absence de réactivité du service de communication de la présidence de la République et des médias d’Etat qui auraient dû faire un communiqué officiel pour démentir les folles rumeurs qui ont circulé sur un probable décès du chef de l’Etat. Une telle défaillance amène à se poser la question de savoir à quelles fins ces services ont-ils délibérément laissé, pendant 72 heures, libre cours à la circulation de ces rumeurs ?
 
Au regard de l’orchestration de l’accueil populaire dont le chef de l’Etat a fait l’objet, il est aisé de croire que les spéculations relatives aux rumeurs et le « retour triomphal » viseraient à détourner les populations et les acteurs politiques de l’essentiel qui consiste à la résolution de la crise sociopolitique à laquelle vient de s’ajouter la crise institutionnelle née de la fin du mandat des députés.
 
Par ailleurs, OBUTS tient à rappeler que l’accentuation de la crise sociopolitique que connaît le Togo depuis plusieurs décennies, résulte du triple coup de force militaire, institutionnel et électoral en 2005, après la mort subite du général Eyadéma.
 
Faure GNASSINGBE doit rompre l’omerta sur son état de santé et sortir des faux-fuyants et de son mutisme pour ouvrir une concertation avec les différents acteurs politiques dans un esprit de sincérité et de franchise.
 
Il urge donc que le dialogue qui s’impose, débouche sur un accord politique relatif non seulement à l’assainissement du climat sociopolitique et à l’adoption des réformes, mais aussi sur la prorogation consensuelle de la législature actuelle afin que s’ouvre une transition au cours de laquelle un nouveau gouvernement sera chargé d’organiser les prochaines consultations électorales.
 
Faire l’économie de ce sursaut républicain, revient à condamner le Togo à connaître à court terme des situations d’extrême désolation, voire de chaos qui risquent d’aggraver les souffrances du peuple en quête constante de la paix.
 
Lomé, le 03 décembre 2012
 
Pour le Bureau Politique
 
Agbéyomé Messan KODJO
 
Président National
 

 
 

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