Huit voix seulement séparent les deux candidats dans cet État du Midwest qui donnait mardi le coup d’envoi de la course républicaine à la présidentielle américaine.
Malgré la courte victoire aux points de Mitt Romney, l’autre grand vainqueur du caucus de l’Iowa s’appelle Rick Santorum. L’électorat chrétien de ce petit État du Midwest qui ouvre traditionnellement le grand ballet des caucus républicains, vient de sortir de l’obscurité l’ancien sénateur conservateur de Pennsylvanie. Santorum est arrivé seulement huit voix derrière – 30.015 voix contre 30.007, soit environ 25% – l’ancien gouverneur Mitt Romney, personnalité connue de l’establishment qui comptait sur sa puissance de feu organisationnelle et financière pour s’imposer plus clairement. Sans moyens, longtemps resté cantonné dans la queue de «la classe» des candidats en lice, Santorum a gagné sa place dans ce doublé de tête en sillonnant l’Iowa à l’ancienne, se rendant patiemment et systématiquement dans ses 99 comtés pour y défendre sa vision d’une Amérique renouant avec ses valeurs traditionnelles chrétiennes. Un pied de nez de l’Iowa à ceux qui avaient enterré le travail de terrain et le contact direct avec la population.
La quasi-égalité de Santorum avec Romney est-elle un simple feu de paille, comme cela avait été le cas pour l’ancien gouverneur social conservateur de l’Arkansas Mike Huckabee, sorti vainqueur dans l’Iowa en 2008, mais très vite marginalisé par la suite? C’est ce que va plaider le candidat Mitt Romney pour en tirer un maximum de profit pour les primaires à venir, et notamment celle toute proche du New Hampshire, le 9 janvier.
Romney, qui avait adopté un profil bas dans l’Iowa, afin de ne pas répéter l’échec cuisant qui lui avait brisé les reins, il y a quatre ans, quand il s’était vu coiffer sur le poteau par le social conservateur Mike Huckabee, va insister sur le fait qu’il n’avait jamais prévu de gagner l’État très religieux et très conservateur du Midwest. Presque certain de gagner le New Hampshire, il va tenter d’invoquer cette double victoire pour se poser en leader naturel dans la course. La plupart des observateurs estiment qu’il devrait y arriver, malgré l’hostilité réelle d’une partie de la base conservatrice.
Un caucus au message brouillé
Mais la réalité est que l’équipe de Mitt Romney redoute plus que tout un scénario qui mettrait en selle un candidat conservateur susceptible de rassembler la droite religieuse et de lui faire obstacle, notamment dans les États du sud comme la Caroline du Sud, autre État où Dieu et les valeurs morales jouent un rôle certain.
«Les conservateurs sont à la recherche d’un candidat anti-Romney, ils ne veulent pas répéter l’expérience de 2008 quand ils avaient dû se ranger derrière le modéré John McCain. Ils sont persuadés que c’est ce qui les a fait perdre face à Obama, explique le politologue Dennis Goldford. Avec Santorum, ils ont peut-être trouvé leur homme.»
L’une des questions est de savoir si les autres prétendants conservateurs, comme Newt Gingrich (13%), Rick Perry (10%) ou Michelle Bachmann (5%), accepteront de jeter l’éponge pour se rallier rapidement à Santorum. Rien n’est moins sûr.
C’est en tout cas un message bien brouillé que le caucus de l’Iowa a envoyé mardi au reste du pays, en mettant quasiment à égalité Romney et Santorum. Ce résultat en dit long sur la division d’un électorat perplexe et visiblement peu emballé par l’éventail des candidats républicains en lice. Aucun ne s’est imposé clairement. Les deux hommes sont d’ailleurs talonnés de près par le Représentant Ron Paul (21%), un libertarien qui a fait un tabac dans les grandes villes, et auprès des jeunes, et qui compte bien continuer sa course. Avec un peloton de tête aussi groupé, la bataille pour la nomination républicaine pourrait être plus âpre et plus longue que prévu ; pour le plus grand plaisir des démocrates, qui disent avoir tout intérêt à ce que leurs adversaires s’affaiblissent mutuellement.
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Rick Santorum, coqueluche de la droite chrétienne

Rick Santorum est la nouvelle surprise conservatrice de cette fin de campagne dans l’Iowa. Resté cantonné en queue de peloton dans les sondages jusqu’à ces derniers jours, il a surgi soudain à la faveur de la chute de l’ancien speaker Newt Gingrich dans l’opinion. Ancien sénateur de Pennsylvanie, Santorum est un social conservateur pur et dur, qui s’est distingué pendant ses deux mandats au Congrès par sa défense véhémente des «valeurs chrétiennes», son opposition farouche à l’avortement et au mariage gay. Disposant de peu de moyens et d’une visibilité médiatique très limitée, il a mené une campagne de terrain, misant tout sur l’Iowa, qu’il a sillonné de long en large. L’effondrement progressif des autres candidats chrétiens conservateurs a fini par jeter sous les feux de la rampe ce père de sept enfants, passionné, plutôt bon orateur, qui parle «de reconstruire l’Amérique du bas vers le haut». Santorum affiche des positions très va-t-en-guerre sur l’Iran, pour éliminer son potentiel nucléaire. Il nie le réchauffement climatique et défend la pratique du waterboarding, la torture de la baignoire, utilisée par la CIA à Guantanamo. Son rêve serait de fédérer l’opposition à Romney au sein du Parti républicain. Si d’aventure il l’emportait en Iowa, son manque de moyens pourrait lui couper les ailes.
Mitt Romney, le gestionnaire

Mitt Romney est le candidat favori de l’establishment républicain et des milieux d’affaires, soucieux de sélectionner le candidat le plus à même de battre Barack Obama en attirant les voix des indépendants. Il met en avant ses incontestables talents de gestionnaire pour se présenter comme l’homme capable de redresser l’économie américaine. Réputé plus centriste et modéré que la plupart de ses rivaux, l’ancien gouverneur du Massachusetts revient de loin en Iowa, où il s’était fait battre par le social conservateur Mike Huckabee en 2008. Cette fois, Romney a adopté une tout autre approche, faisant profil bas dans cet État à la base républicaine religieuse et très conservatrice, qui lui en veut d’avoir laissé légaliser le mariage homosexuel dans le Massachusetts. Cette stratégie semble avoir plutôt bien fonctionné, puisque les sondages le donnaient en tête d’un trio serré à la veille du caucus. Dans les derniers jours, Mitt Romney est donc revenu sur le terrain, mettant les bouchées doubles et affichant sa famille, peut-être pour compenser un manque de charisme et d’empathie avec les électeurs. Hier, dans le gymnase d’une école, quatre de ses cinq fils, beaux et bien élevés, étaient au ­rendez-vous pour évoquer un père «super, responsable et aimant profondément son pays» «Vous pourrez être fier de lui… Il réparera l’Amérique», a lancé l’aîné.
Ron Paul, un «libertarien» contre l’État fédéral

Ron Paul, vieux représentant du Texas au Congrès, est un animal politique atypique sur la scène politique américaine. Il représente le courant libertarien, violemment opposé à toute emprise de l’État fédéral sur la société et l’économie, qui remonte aux origines de la Constitution américaine. Pour lui, l’État protecteur et surdimensionné, le Welfare State, transforme les gens en assistés et les prive de leurs libertés individuelles. Chez Ron Paul, ce credo tourne à l’obsession, au nom de la nécessaire réduction des dépenses fédérales. Ainsi, le candidat veut abolir la Réserve fédérale, de même que les départements de l’Éducation ou de la Santé, domaines qui relèvent pour lui des États plutôt que de Washington. Ron Paul est aussi isolationniste, estimant qu’il n’y a «plus d’argent» pour se mêler des affaires du monde. Ses positions et son allure de vieil acteur charmeur et distingué attirent vers lui des publics hétéroclites. Les jeunes antiguerre et les vétérans l’applaudissent avec ferveur. Les Tea Party, inquiets de la croissance de la dette, voient en lui un vrai conservateur. Mais son jusqu’au-boutisme lui aliène les sociaux conservateurs, très puissants au sein de la nébuleuse républicaine.
source : lefigaro.fr

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