Fonds de commerce, retro-commissions, confiscation des maillots, mensonge
 
Reçu dans l’émission « Sports Actualités » sur « Fréquence 1 » samedi dernier, le capitaine des Eperviers Emmanuel Adebayor a mis à nu les magouilles du président de la Fédération togolaise de football (FTF), Gabriel Améyi et le ministre de la Jeunesse et des Sports Fofana Bakalawa. Le député Améyi qui a été toujours présenté comme le sauveur du football togolais, apparaît aujourd’hui pire que ses prédécesseurs. « J’ai appelé mes sources qui me disent que la moitié des conteneurs sont à Womé, il y en a chez le président à Djidjolé. Ce n’est pas son domaine privé. C’est un truc du pays. Moi, j’ai honte. On va droit dans le mur comme je vous l’ai déjà dit. Mais si ça continue comme ça, ce sera la chute de la sélection. Vaut mieux garder les équipements, donner ça à ses maçons de Womé pour venir jouer pour le Togo », avertit le capitaine.
 
Emmanuel Adebayor, comment est-ce que vous réagissez aujourd’hui en tant que capitaine des Eperviers par rapport à la mise en place des commissions qui vont devoir préparer la Can et pour une bonne prestation ?
 
Non, vous savez, la Can (ndlr : la Coupe d’Afrique des Nations) c’est important pour nous les joueurs, c’est important pour le pays, c’est important pour tout le monde, donc je pense que si le gouvernement a mis une commission en place, c’est une bonne chose. Maintenant, il faut savoir qui est dedans, qui n’est pas dedans, c’est ça qui est le plus important. Moi, je n’ai pas encore vu la liste, je pense qu’on a parlé un tout petit peu. J’entends rentrer sur Lomé en décembre pour savoir exactement comment ça va se passer. Je pense que de toute façon, c’est important d’avoir cette idée de mettre quelque chose en place le plus tôt possible.
 
C’est bien, on a mis en place une commission de supervision qui sera présidée par le Premier Ministre togolais, Arthème Ahoomey-Zunu que vous connaissez très bien. Une commission qu’il supervise, derrière il y a l’organisation et cette fameuse commission qui va rassembler des sous. La dernière fois, il y avait pas mal de sous qui avaient été récoltés pour que vous prépariez la Can 2010. Malheureusement, on connaît tout ce qui s’est passé à Cabinda. Aujourd’hui, vous avez envoyé des doléances à l’Etat togolais pour que vous puissiez vous préparer dans de meilleures conditions pour la Can. Est-ce que vous pouvez nous dire exactement ce que vous avez demandé, vous les joueurs, pour que ces conditions soient réunies et que nous ayons une bonne Can ?
 
Il y a de cela trois semaines, si j’ai bonne mémoire, j’ai envoyé la lettre de doléances à la Fédération qui l’a transmise à son président. On avait demandé comme prime de participation 15 millions par joueur, le premier tour, match gagné 5 millions, match nul 2,5 millions. Si on passe le premier tour, ça veut dire qu’on est automatiquement qualifié pour les quarts de finale, là c’est 10 millions ; après, je pense qu’on peut toutefois rediscuter ce qu’on a envoyé. Je pense qu’on a été raisonnable, on n’a pas exagéré, on a demandé ce qu’on pense qu’on peut faire et je pense que c’est une bonne base. Maintenant c’est au gouvernement de nous dire ce qu’il peut faire, on va s’asseoir autour d’une table et discuter tranquillement.
 
Depuis que vous avez envoyé cette doléance, est-ce qu’au niveau de l’Etat togolais, du ministère ou de la Fédération togolaise de football, il y a une réaction ?
 
C’est ça qui est un peu rigolo parce qu’après le match du Maroc, j’étais dans ma chambre, le coach m’a appelé et je suis allé le voir dans sa chambre. Il m’a dit un truc que je n’ai pas bien compris et j’aimerais bien savoir, j’aimerais bien aller en détail parce que vous savez moi, je suis un joueur, je n’ai jamais trahi mes amis, je n’ai jamais trahi le pays, je suis toujours là, j’ai tout fait pour défendre les couleurs de la nation. Donc, il m’a appelé, je suis parti le voir et il me disait comme quoi on a demandé tel million pour les primes de participation, je lui ai dit oui c’est ça, et il me dit qu’il a eu un entretien avec le président et le ministre qui lui ont dit que le gouvernement veut nous donner 8 millions ; et la fédération et le ministre de la jeunesse et des sports ont dit qu’ils feront tout pour que nous, on ait les 15 millions mais à une seule condition, celle de leur remettre 2 millions par joueur. Ça, honnêtement jusqu’à présent, c’est ce qui me tourne la tête. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi et je ne sais pas d’où ça sort, l’idée.
 
Alors depuis il n’y a plus d’autres réactions autour, officiellement ?
 
Depuis que le coach m’a dit que voilà le gouvernement veut nous donner 8 millions et que le président de la fédération et le ministre de la jeunesse et des sports feront tout pour qu’on touche intacts, les 15 millions, de leur remettre 2 millions, déjà, je ne sais pas si c’est vrai ou pas. Pour moi, c’est un truc qui ne se dit pas, c’est honteux, via l’entraineur. Moi j’ai envoyé nos doléances au président de la fédération, c’est à lui de m’appeler. Ce n’est pas la peine de les dire au coach.
 
C’est vrai que chez nous ici, à Lomé, il est difficile pour nous de percevoir comment ça s’organise au niveau de la fédération par rapport à cette Can. On savait que les Ivoiriens se préparent, ils ont déjà acquis leur hôtel, ils savent là où ils vont s’entraîner, où ils vont manger. Les journalistes ivoiriens, tunisiens, algériens, de même. Chez nous ici on n’a pas une idée là-dessus. Je ne sais pas si à votre niveau, vous avez eu des informations auprès de la fédération.
 
Pas du tout, pour l’instant je suis un peu comme vous, je ne sais pas dans quelle ville on va être exactement, dans quel hôtel on va être, je ne sais pas qui fera la visite, je ne sais pas, je suis comme vous, je suis dans le noir. C’est malheureux.
 
Mais c’est vous qui êtes le capitaine quand même !
 
Je suis le capitaine, mais le président ne m’appelle jamais. Je pense qu’il a d’autres choses à faire que de m’appeler et de me dire comment se prépare la Can. C’est malheureux. Honnêtement si ça continue dans ce sens, je vais me préparer dans mon club tranquillement. Si le président ne sait pas comment se prépare une Can, c’est malheureux.
 
Parlons à présent du dernier match joué par les Eperviers en amical, le 14 novembre dernier. Il s’est passé ou il se serait passé pas mal de choses à Casablanca. Le premier élément que la presse a souligné, c’est que juste après ce match que vous avez gagné, vous avez marqué un magnifique but, ça vous arrive de marquer sur des frappes comme ça, Adebayor ?
 
Je suis un attaquant qui aime placer mon ballon, mais là bon, c’est un angle fermé, il n’y avait pas de soutien, il n’y avait personne en retrait et voilà, j’ai vu l’angle mais il y avait un petit espace, j’ai dit bon Adebayor, avec tes qualités tu peux le mettre là-bas et je l’ai mis là-bas, on gagne 1-0, je suis content pour l’équipe. On a quand même défendu pendant 90 minutes, on n’a pas été efficace d’autant plus qu’on joue à l’extérieur, honnêtement, c’est une victoire qui fait du bien au moral. C’est extraordinaire d’aller gagner au Maroc contre le Maroc.
 
Après ce match justement, il paraît qu’il s’est posé pas mal de problèmes liés essentiellement aux primes de match. Vous avez l’impression qu’au niveau de la fédération, on n’avait pas prévu que vous gagniez ce match ?
 
Je ne sais pas. Ça c’est une bonne question. Ce qui est malheureux à la fédération, c’est que chacun pense à sa poche. Vous, vous parlez des primes de match qui n’ont pas été payées. Même les billets d’avion n’ont pas été totalement remboursés. Il y a des joueurs qui ont été payés à moitié et d’autres qui n’ont pas été payés. Pour moi, honnêtement, pour l’instant, ça ne va pas, il faut trouver une solution. On part au Maroc pour les préparatifs de la Can 2013, moi j’ai motivé le groupe. J’ai fait une réunion, j’ai parlé à tout le monde, il n’y a que ce match qui peut nous donner la confiance pour la suite, et c’est ce qu’on a très bien fait d’ailleurs. A la fin du match, il y a beaucoup de jeunes joueurs qui viennent me voir, qui me disent « capitaine, où en sommes-nous ? », je ne sais quoi répondre. C’est une honte, ce n’est pas logique d’autant plus que le lendemain du match, moi, je rentre à Londres et j’appelle Marouane Chamach, un joueur marocain que je connais très bien, qui m’a donné le numéro du secrétaire de la Fédération marocaine de football avec qui j’ai eu la chance de discuter, qui m’a dit que lui, il a bien remis 35.000 euros (près de 23 millions de FCFA) à notre président à Casablanca. Où est donc passé l’argent ? Je n’en sais rien. Dans ce cas, il faut demander au président de la fédération ce qu’il a fait avec l’argent. Moi, j’ai pris mon téléphone, je l’ai appelé, il me dit Shéyi, je n’ai pas reçu d’argent. Moi, j’ai eu la confirmation qu’il a reçu de l’argent. Maintenant qui ment ? Ça m’étonnerait que ce soit les Marocains qui mentent d’autant plus que s’ils n’ont pas donné de l’argent, ils vont dire qu’on n’a pas donné de l’argent à votre président. C’est aussi simple que cela.
 
Gabriel Améyi en quittant Lomé, ça c’est ce que les sources au niveau du ministère nous ont confié, a quand même eu de la part de l’Etat 44 millions de francs CFA pour pouvoir s’occuper de vos restaurations, de vos remboursements de billets, puis de primes de campement. Vous nous dites là qu’il vous a dit qu’il n’a rien reçu, qu’il n’a pas de sous ?
 
On a touché les primes de campement intact, 500. 000 par joueur. Si on fait 500.000 multipliés par 19, on est à peu près à 8 millions. C’est le Maroc qui nous a invités, c’est un match amical qu’on a joué au Maroc, sur la terre marocaine, ça veut dire automatiquement, tout ce qui est déplacement, restauration et tout, c’est les Marocains qui doivent assumer, ce qu’ils ont très bien fait d’ailleurs ; ils ont tout assumé. Ça veut dire que le reste des sous, monsieur Améyi a tout gardé. Je ne sais pas s’il l’a partagé avec certains ou pas, tout ce que moi je sais, c’est qu’il a gardé ça tout seul. Le contrat qui a été signé, personne ne l’a vu à part lui. Donc pour moi, il y a quelque chose qui cloche.
 
Dans ces conditions que se passera-t-il au niveau des joueurs ? On a comme l’impression que ça mélange un tout petit peu l’ambiance. Ça ne sent pas bon.
 
Moi, je n’ai jamais pris la décision pour des joueurs. J’ai toujours pris la décision que je pense mieux pour moi. J’ai toujours dit à la radio, devant les amis qui sont les joueurs que s’il faut aller à la Can pour prendre des cinq zéro, six zéro…on peut aller à la Can, même si on perd devant la Côte d’ivoire 1-0, 2-0 et si on fait une bonne figuration, c’est ça qui m’intéresse. Mais là on part encore une fois dans le mur, et moi, si je dois prendre une décision, je reste dans mon club tranquillement, je joue et je suis content ; ici c’est mieux organisé, tout va bien parce que quand on va en sélection, c’est des maux de tête. Honnêtement, je suis vraiment désolé. C’est vrai on va me dire, il faut un sacrifice, c’est le pays avant tout ; mais le minimum, il faut respecter les joueurs.
 
Au-delà de cette question de prime de match, il paraît qu’il y a eu un problème de maillots. Qu’en est-il exactement ?
 
Le problème, c’est qu’on est arrivés au Maroc, il y a des joueurs qui sont venus me voir, qu’il y a un seul T-shirt d’hôtel, on a eu un seul sous-vêtement complet ; ce n’est pas normal, il nous manque de l’équipement. J’ai appelé Daniel, je ne sais pas son nom de famille qui est l’intendant de la Fédération, je l’ai appelé dans ma chambre, j’ai dit Daniel, on n’a pas d’équipement, comment cela s’est fait qu’on n’a pas d’équipement. Il dit Shéyi, je suis vraiment désolé, je suis parti chez le président deux jours avant le départ de Lomé, le président m’a dit qu’il n’y a pas d’équipement, il n’a rien reçu. Je prends mon téléphone ; à l’époque quand j’étais à Monaco, je jouais en puma, donc j’avais un contrat chez puma. La personne qui m’a donné le contrat, c’est Régis, donc j’ai pris mon téléphone, j’ai encore son numéro. J’ai dit à Régis comment un pays qui est qualifié pour la Can 2013, on joue un match contre le Maroc au Maroc et on n’a pas d’équipement. Il me dit Shéyi, je suis vraiment désolé, des équipements sont à Lomé, il y a de cela trois semaines. Là, j’ai appelé mes sources qui me disent que la moitié des conteneurs sont à Womé, il y en a chez le président à Djidjolé. Ce n’est pas son domaine privé. C’est un truc du pays. Moi, j’ai honte. On va droit dans le mur comme je vous l’ai déjà dit. Mais si ça continue comme ça, ça sera la chute de la sélection. Vaut mieux garder les équipements, donner ça à ses maçons de Womé pour venir jouer pour le Togo.
 
Adebayor, quand il y a des problèmes de prime, de maillots et consorts, est-ce que ça ne pourrit pas l’ambiance parce que nous, on veut être dans la dynamique de la victoire pour la Can ?
 
C’est ce que je me suis dit, c’est pourquoi j’ai pris mes responsabilités, j’ai demandé au gars de Puma de m’envoyer toutes les souches de tout ce qu’il a envoyé à la Fédération. Comme ça, tout le monde est équipé. Les journalistes ont des T-shirt, les supporters, tout le monde sera content. On part comme un pays. Mais là, le président, il ne dit rien, il veut que ce soit lui qui décide de tout, il veut garder tout chez lui à la maison. Je ne sais pas s’il va les vendre ou pas. Ça, je ne suis pas prêt à vous répondre. Pour moi, ce n’est pas normal. Si on envoie un truc à la fédération, les joueurs doivent savoir ; si on veut que tout soit transparent, c’est à lui de nous appeler et de nous dire : Monsieur le capitaine, l’entraîneur, on a eu 10 T-shirts bleus, on a eu trois T-shirts verts, on a eu des maillots, comme ça, tout le monde part dans une bonne dynamique. Pour l’instant ce qui se passe, on n’en sait rien.
 
On va droit dans le mur, c’est ce que vous dites Adebayor ?
 
C’est un choix. Si le président garde tous les équipements chez lui à la maison, si le président prend nos primes et les frais de billets et les cache, si le président signe un contrat pour jouer un match à l’extérieur, avec le Maroc et garde le contrat chez lui à la maison, si le président touche de l’argent chez les Marocains, garde ça chez lui, c’est qu’il y a un problème. C’est qu’il a pris une équipe nationale comme son équipe personnelle, on peut l’appeler FC Améyi, c’est tout. FC Améyi du Togo.
 
Source : Fréquence 1
 

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