Le Togo vit depuis quelques mois des tensions sociopolitiques. La plupart de ces tensions sont liées aux revendications surtout d’ordre politique et le climat reste délétère avec les derniers développements de l’actualité. Malgré ce climat de tension, la communauté internationale incarnée par des institutions comme le Programme des nations unies pour le développement (PNUD), l’Union européenne (UE), le Haut Commissariat des nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et certaines chancelleries, semblent ne pas mesurer l’ampleur de cette situation et ne se préoccupent que des élections législatives et locales comme si les élections seules suffisent pour sortir le Togo de son bourbier. Leur empressement pousse nombre d’observateurs à s’interroger sur leur intention réelle et beaucoup doutent de la sincérité de leurs actions envers le peuple togolais.
 
A la suite du décès de Gnassingbé Eyadéma et la prise du pouvoir par son fils Faure, la communauté internationale, avec l’Union européenne et le PNUD en tête a repris graduellement ses appuis au gouvernement togolais. Cela lui a permis d’organiser les élections législatives de 2007 et présidentielles de 2010. Ces différentes élections ont été observées par plusieurs missions dont celle de l’Union européenne. A la suite de ces scrutins, cette mission a toujours fait des recommandations au gouvernement togolais pour améliorer le cadre électoral afin d’éviter des contestations des résultats par l’opposition. En 2007 comme en 2010, ce sont des chapelets de recommandations que la Mission d’observation électorale de l’Union européenne a soumis à l’Exécutif togolais. Des résultats de ces deux scrutins, il ressort que des mesures insuffisantes de transparence n’ont pas toujours permis d’assurer la confiance de tous les acteurs dans l’administration électorale. Le taux de participation en 2010 était plus modeste qu’en 2007. Avec près de 65%, à comparer avec les 85 % lors du scrutin législatif trois ans plutôt, il est indicatif, entre autres, de la contestation profonde par l’opposition du processus électoral, tant dans ses aspects techniques que dans son calendrier de mise en œuvre. C’est ce qui justifie les recommandations de la mission européenne dont la mise en œuvre pourra fédérer la population autour des principes démocratiques et augmenter le taux de participation aux scrutins à venir.
 
L’Occident à l’heure de la sincérité
 
Depuis 2007, l’Union européenne a commencé par accompagner le Togo. Cela s’est traduit lors des législatives de cette année et les recommandations formulées au lendemain de ce scrutin. Parmi les recommandations de 2007, figuraient la fixation d’un chronogramme opérationnel en vue des prochaines élections législatives et locales et l’amélioration du fichier électoral. D’autres exigences venant de la Mission d’Observation sont également à souligner ; il s’agit pour le gouvernement togolais, premièrement de procéder au redécoupage administratif des circonscriptions électorales. Le Rapport Final de la MOE UE-Togo 2007 indiquait que la répartition des sièges entre circonscriptions a aboutit à des variations très importantes dans le coefficient de représentativité des sièges, au détriment des villes du Sud du pays et principalement de la ville de Lomé et de son hinterland (préfecture du Golfe) ; secundo, l’UE recommandait la révision du Code électoral afin d’harmoniser les différents articles contradictoires et mettre certains éléments en accord avec la pratique établie et acceptée ; au troisième point, il y a nécessité d’adopter dès que possible des mesures permettant d’assurer le suivi, le stockage, et la mise à jour informatisés de toutes les données du fichier électoral. Aujourd’hui, aucune de ces recommandations n’est véritablement mise en œuvre.
 
Dans la logique des choses, la Délégation de l’UE présente sur place devrait sévir et exiger la mise en œuvre de bout en bout de ces recommandations. Mais tout porte à croire que le PNUD et l’UE confondent vitesse et précipitation. Ils n’ont apparemment qu’une seule vision : les élections à tout prix.
 
Ces entités oublient que ce n’est pas la première fois que le Togo se prépare pour une élection. Selon plusieurs personnes avisées, ces institutions ne devraient pas privilégier les élections par rapport aux réformes et recommandations des missions d’observation. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles étaient prévues par l’Accord Politique Global du 20 Août 2006. Les élections législatives ont eu lieu en Octobre 2007. Les recommandations de l’UE et ces réformes pouvaient s’opérer depuis belles lurettes s’il y avait une bonne volonté de la part du pouvoir. Le gouvernement ne devait pas attendre la veille du scrutin législatif pour précipiter les choses et faire capoter le processus par manque de temps suffisant.
 
Une bonne préparation d’un processus devrait impliquer tous les acteurs tant politiques que de la société civile. De toute évidence, le PNUD et l’UE devraient se rendre compte que c’est le pouvoir de Lomé qui fait piétiner les choses. Et s’il y a une leçon diplomatique, la lui donner pour faire avancer le processus de démocratisation. Sinon, la mise en œuvre des recommandations et les réformes ne relèvent que de la volonté manifeste du gouvernement. Imaginer le simulacre de dialogue de septembre dernier où, après deux séances, le pouvoir estime parvenir à des conclusions dans lesquelles plusieurs réformes revendiquées par l’opposition sont mises à la touche : il s’agit entre autres de la limitation du mandat présidentiel avec effet immédiat, le mode de scrutin à deux tours, le découpage électoral, la recomposition de la CENI. Le PNUD et l’UE ont assisté en tant qu’observateurs aux séances qui ont abouti aux conclusions de ce dialogue.
 
L’une des conclusions a consisté à augmenter de deux députés le nombre siège préalablement 81 à 83. Cette correction lapidaire du découpage électoral est une insulte à l’opposition et aux missions d’observation qui exigent un découpage qui devrait prendre en compte toutes les circonscriptions électorales du pays.
 
Le paradoxe est que la Délégation de l’Union européenne au Togo aussi cautionne cet état de fait. Ceci se traduit par le financement qu’elle accorde au Togo, financement géré par le PNUD à travers le Projet d’appui aux processus électoraux (PAPE).
 
Le PAPE, mis en place pour l’organisation de l’élection présidentielle de mars 2010, a permis de dégager un reliquat qu’il a été convenu, en accord avec les autorités togolaises, d’affecter à la mise en œuvre des recommandations des deux précédentes missions d’observation électorale de l’Union européenne, à la conduite d’activités d’éducation civique, la promotion de la participation féminine, le renforcement des capacités de la CENI, des partis politiques et des acteurs de la société civile. Ce projet est en cours d’exécution mais les réformes tardent à voir le jour. C’est ce qui fait que l’opposition est toujours dans les rues pour réclamer ces réformes en vue d’obtenir de meilleures conditions de transparence et d’équité pour les élections à venir.
 
Il revient à ces diplomates et partenaires au développement d’accompagner le processus en usant des voies et moyens pour faire la pression sur le gouvernement afin qu’il opère les réformes consensuelles.
 
La priorité doit être les réformes d’abord avant les élections. L’inverse risque d’occasionner encore des dérapages et des contestations au lendemain du scrutin.
 
C’est une bonne chose d’avoir des diplomates dans un pays. Ceux-ci ne devraient pas seulement faire acte de présence et protéger les intérêts de leur pays mais aussi peser dans des choix bénéfiques pour l’intérêt de la population du pays de résidence. Fermer les yeux sur les réformes et les violations des droits de l’homme serait suicidaire pour l’avenir du pays. Une preuve palpable était la sauvagerie perpétrée par les miliciens du pouvoir sur les manifestants du FRAC et CST le 15 septembre dernier.
 
Si les partenaires disent qu’il y a une crise de confiance aiguë entre les différents acteurs politiques, c’est parce que l’opposition estime être à maintes reprises flouée par le pouvoir qui se livre souvent au saupoudrage et ne fait que déplacer les problèmes au lieu de les résoudre une fois de bon. La preuve, l’Assemblée nationale togolaise avait adopté en mai dernier le projet de loi portant Code électoral et la loi organique portant découpage électoral. C’est face aux contestations de l’opposition que le pouvoir a dû rebrousser chemin en convoquant un nouveau dialogue en septembre. Mais l’opposition a conditionné sa participation au règlement de certains préalables. Malgré le boycott de l’opposition, le gouvernement est allé au bout de ses aventures.
 
L’opposition togolaise et ses préalables
 
Le négationnisme ne devrait pas être une doctrine ou une idéologie politique au Togo. Les membres du Collectif Sauvons le Togo (CST) et de la Coalition Arc-en-Ciel feraient mieux de se départir de cette philosophie et mettre de l’eau dans leur vin. Il est vrai qu’ils ont des préalables légitimes, le chat échaudé craignant l’eau froide, mais il est parfois bienséant d’accorder le bénéfice du doute à son adversaire une fois en passant. C’est le lieu d’appeler ces entités à assouplir leurs exigences, à tourner aussi leur regard envers les diplomates accrédités au Togo pour des discussions franches. Regarder les diplomates en chiens de faïence pourrait être un obstacle à leurs revendications puisque les diplomates servent parfois de catalyseurs dans les situations désespérées.
 
Au même moment où la pression de la rue s’accentue, il faudrait que l’opposition aille à l’école de la diplomatie.
 
En tout état de cause, seules des garanties provenant de la part du pouvoir sous l’œil vigilant de la communauté internationale pourrait décanter le climat de méfiance au sein de la classe politique togolaise. Le fruit de la diplomatie serait palpable si le groupe des cinq arrivait à convaincre Faure GNASSINGBE pour qu’en 2015, il ne puisse plus se présenter aux élections présidentielles. Et comme Faure l’a dit lui-même qu’il est différent de son père, il faudrait qu’il soit à l’écoute de la majorité de la population qui grogne la rue et qui réclame de meilleures conditions de vie et une bonne gouvernance économique et politique. Seules les vraies réformes pourraient calmer les ardeurs. La communauté internationale est donc interpellée.
 
Jean-Baptiste ATTISSO
 
 
independantexpress
 

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