La démission de Gilbert Houngbo, la nomination d’Arthème Ahoomey-Zunu et la formation du gouvernement ont mobilisé toutes les attentions depuis presqu’un mois. Mais passé ce moment de divertissement (sic), les regards devraient sans doute se tourner vers le processus électoral devant conduire aux législatives, et peut-être aux locales aussi. Les Togolais sont appelés à renouveler les membres de l’Assemblée nationale. Ces élections sont censées se dérouler en octobre. Mais Dieu sait si ce calendrier tiendra. Au même moment où le pouvoir crie au dialogue, il brandit l’arme du délai constitutionnel. Et c’est un flou kafkaïen qui entoure l’organisation de ces scrutins.
 
On ne le dira jamais assez, il y a une crise politique engendrée par la préparation du processus électoral, et nommément la volonté du pouvoir en place de le verrouiller. Au-delà de la conduite unilatérale du processus, en violation de l’esprit de l’Accord politique global (Apg), le régime Faure Gnassingbé va au rythme des coups de force. Une logique qui l’a vu élaborer en solitaire et en catimini les projets de Code électoral et de découpage, à les faire adopter en conseil des ministres, et à les faire voter par les députés acquis à la cause du pouvoir, malgré le tollé général. Même si le gouvernement a toutes les armes nécessaires pour foncer, le processus connaît un coup d’arrêt, à cause des pressions diverses. Les différentes tentatives n’ont été que des marchés de dupes, mais le dialogue paraît incontournable. Le principe est acquis par toute la classe politique. Et le dialogue, le Premier ministre par défaut en fait son cheval de bataille.
 
Ahoomey-Zunu et le dialogue
 
Apaisement, organisation consensuelle des élections, dialogue, voilà des termes qui sont abondamment revenus dans sa déclaration de politique générale. Ahoomey-Zunu a presque chanté le dialogue dans son discours devant les députés jeudi dernier. Morceaux choisis : « Le Gouvernement accordera un degré de priorité élevé à la relance du dialogue et des concertations politiques » ; « Dans les tout prochains jours, le Gouvernement prendra attache avec les principales formations politiques, aussi bien parlementaires qu’extra-parlementaires, ainsi qu’avec les organisations et les mouvements de la société civile afin de permettre aux uns et aux autres d’exprimer leurs idées » ; « La recherche du consensus occupera donc une place centrale dans l’action du Gouvernement» ; « Les discussions et les consultations seront engagées par le Gouvernement pour favoriser l’examen, dans un esprit d’ouverture et sans sujets tabous, des mesures susceptibles de contribuer à l’organisation d’élections apaisées, répondant pleinement aux normes et aux standards internationaux en matière d’élections libres, démocratiques et transparentes ».
 
L’arme du délai constitutionnel
 
Si le désir d’organiser les prochaines législatives dans les règles de l’art anime réellement toute la classe politique, et particulièrement le régime Faure Gnassingbé, le dialogue annoncé que l’on veut sincère, doit forcément aboutir à un report de ces échéances. Et ce ne serait pas illégal. La Constitution togolaise a bien légiféré sur ce cas. « Les élections ont lieu dans les trente jours précédant l’expiration du mandat des députés », indique l’article 52 en son alinéa 3, et le dernier alinéa de relativiser : « Les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sortants, par fin de mandat ou dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs ».
 
Le pouvoir en place a entre-temps intoxiqué l’opinion avec l’argument d’un certain vide constitutionnel si les élections ne s’organisaient pas en octobre. C’était au moment où le CST, à travers sa plateforme rendue publique début juin dernier, faisait savoir que le scrutin législatif ne saurait être organisé de façon efficiente avant un délai de neuf (09) mois, c’est-à-dire mars 2013, et demandait ainsi le report. Même si Arthème Ahoomey-Zunu clame le dialogue de toutes ses forces, il faut redouter la résurgence de cette arme de vide constitutionnel. En tout cas, c’est ce qu’il faut lire à travers les propos du Premier ministre devant les députés. « L’agenda du dialogue sera défini de commun accord entre le gouvernement et les principaux partis représentatifs de la classe politique, en tenant compte des points de vue des organisations de la société civile et des autres acteurs politiques, sans perdre de vue les impératifs liés aux délais constitutionnels et à l’agenda républicain. En effet, le dialogue et la recherche du consensus ne doivent pas paralyser le jeu normal de la démocratie et mettre à mal le fonctionnement régulier des institutions républicaines », a déclaré Arthème Ahoomey-Zunu. Sur la même dynamique, il ajoute : « La recherche du consensus occupera donc une place centrale dans l’action du Gouvernement…Toutefois, le dialogue politique ne doit pas être un exercice qui suspend la vie de la nation. Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour que les institutions de la République puissent poursuivre leur fonctionnement normal ».
 
Point de doute que derrière ces propos, se cache l’intention inavouée du pouvoir de brandir au moment venu, certainement lorsque le dialogue va capoter – à cause de sa mauvaise foi -, l’argument massue de vide constitutionnel, pour éviter de reporter le scrutin.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo.com
 

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