Lundi 15 octobre, l’Assemblée nationale a procédé à l’élection de six (06) membres de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Quarante-huit (48) heures plus tard, elle a enchainé avec le choix des représentants des partis issus de la majorité et de l’opposition. Abass Bonfoh et les siens ont cru devoir élire des membres de l’Union des forces de changement (Ufc) au registre de l’opposition parlementaire. Un scandale, pour qui connaît le parcours de ce parti depuis deux ans et demi. Il s’agit simplement des manœuvres du pouvoir s’inscrivant dans la dynamique de créer les conditions du hold-up aux prochaines législatives, et cela pue l’incivilité démocratique. Mais il s’est trouvé des gens à défendre cette forfaiture. Et parmi eux, le pseudo ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, le phénomène Gilbert Bawara.
 
Avocaillon du diable
 
« Vous donnez le sentiment comme s’il y avait un obstacle qui entravait le processus d’organisation des prochaines élections. Je voudrais rappeler que depuis le 13 novembre 2007 et l’installation de l’actuelle Assemblée Nationale, tous les Togolais, et naturellement, les partis qui concourent à l’expression du suffrage universel, savaient pertinemment qu’au bout de cinq années, il faudrait procéder au renouvellement des élections ! Et donc, le gouvernement a une responsabilité régalienne, de veiller à ce que, à intervalle régulier, non seulement les échéances constitutionnelles et le calendrier républicain soient respectés, mais que les modalités prévues par nos lois et la constitution pour réguler la vie démocratique, le renouvellement des institutions, puissent être mises en œuvre. Donc, c’est dans ce cadre là, régulier, que le gouvernement prend acte des actes qui ont été posés par l’Assemblée Nationale, tendant au renouvellement et à la recomposition de la Commission électorale nationale indépendante. Donc, je n’ai pas à rougir ! Au contraire, je me félicite et je voudrais remercier les députés pour cette contribution qu’ils sont en train d’apporter à la mise en œuvre du processus électoral », a-t-il rétorqué dans une interview accordée à un confrère qui s’étonnait que le pouvoir fonce malgré la contestation. Bawara trouve tout cela normal, et peint le retrait des deux membres du Comité d’action pour le renouveau (Car) comme un non événement.
 
Connaissant l’homme, c’est le contraire qui aurait étonné. Mais il se dénudera lorsqu’il tenta de défendre l’indéfendable, c’est-à-dire le choix de trois (03) membres de l’Ufc pour le compte de l’opposition au sein de la Céni, en se faisant passer pour celui qui a la mémoire la plus fraiche. « Pour ce qui concerne le débat, sans objet, concernant qui est dans l’opposition parlementaire notamment, je voudrais vous rappeler ceci : en 2005, Monsieur Edem Kodjo n’a pas perdu son statut d’opposant, parce qu’il a accepté d’être Premier ministre et de servir le pays. A l’issue de l’Accord politique global, Monsieur Agboyibo n’a pas perdu pour autant sa qualité d’opposant ! D’autres personnalités éminentes des partis politiques de l’opposition, de la Cdpa et autres, ont participé au gouvernement, en maintenant leur statut d’opposants », a-t-il cru devoir avancer, et de signer ces propos de sa griffe particulière : l’insulte. Pour lui, les contestataires de ces manœuvres déshonorantes et lâches, dont les premiers responsables du Car, ont la « mémoire courte ». « …Ils ont une mémoire courte qui ne leur permet pas de se rappeler que depuis 2005, on a quand même des évènements qui nous rappellent qu’il y a des spécificités qui nous amènent à travailler ensemble, pour apaiser le pays, pour réconcilier le pays, faire un certain nombre de reformes. Donc les débats concernant, qui est dans l’opposition parlementaire et qui ne l’est pas, n’ont aucun sens à partir du moment où, nous avons choisi librement d’associer au gouvernement, tous ceux qui ont envie d’apporter leur contribution pour consolider la réconciliation nationale, et assurer la reconstruction et le développement de notre pays ».
 
Mémoire courte, vous avez dit ?
 
Ces propos de Gilbert Bawara devraient avoir emballé les esprits non avisés. D’autant plus qu’effectivement, Edem Kodjo, Yawovi Agboyibo, Leopold Gnininvi et certains de leurs lieutenants avaient bien collaboré avec le pouvoir Faure Gnassingbé dans des gouvernements, sans pour autant perdre leur statut d’opposant. Mais la nuance, c’est que ces participations se sont effectuées dans des circonstances bien différentes de celles de l’Ufc de Son Excellentissime Gilchrist Olympio.
 
Edem Kodjo s’était retrouvé à la Primature après la présidentielle frauduleuse et sanglante d’avril 2005 à cause d’une insatiabilité légendaire. L’homme était d’ailleurs dans une posture depuis quelque temps qui le voyait voler au secours du clan Gnassingbé lorsqu’il se retrouvait dos au mur. L’histoire des vingt-deux (22) engagements pris à Bruxelles est illustrative. Après les événements de 2005, Faure Gnassingbé voulait d’un Premier ministre issu des rangs de l’opposition, juste pour faire un clin d’œil à la communauté internationale. Pour ce qui est de Me Yawovi Agboyibo et du Pr Léopold Gnininvi et leurs collaborateurs, ils se sont retrouvés au gouvernement, à la suite de l’Accord politique global (Apg) conclu entre toute la classe politique à la suite de plusieurs mois de pourparlers supervisés par des représentants de la communauté internationale, et qui recommandait la mise en place d’un gouvernement d’union pour apaiser le climat politique.
 
Le cas de l’Ufc est bien particulier. C’est un accord de collaboration en bonne et due forme qui a été signé entre ce parti et le défunt Rpt le 26 mai 2010. Par ce pacte, Gilchrist Olympio acceptait faire entrer ses collaborateurs au gouvernement. Une feuille de route avait été arrêtée, et on se rappelle même qu’à l’époque, l’opposant antécambrien se vantait de cogérer fifty-fifty le pouvoir avec Faure Gnassingbé. Ces informations, même les pensionnaires du Centre psychiatrique de Zébé les ont encore fraiches dans leur mémoire, et nous ne voudrions pour rien au monde croire que Gilbert Bawara, le plus intelligent (sic) du Togo et qui aurait travaillé au sein du Système des Nations, a aussi la mémoire…courte au point de l’oublier.
 
D’ailleurs être de l’opposition, ce n’est pas un manteau ; c’est un comportement, et il y a bien longtemps que ce réflexe a fui Gilchrist Olympio et les siens. Depuis mai 2010, ils n’ont d’yeux que pour Faure Gnassingbé, allant même à l’encontre des revendications légitimes du peuple incarnées aujourd’hui par l’Alliance nationale pour le changement (Anc), le Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac), le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel. Il est loisible d’entendre des responsables de l’Ufc soutenir ouvertement les violences contre les manifestants de ces regroupements. N’est-ce pas Gilchrist Olympio qui est à l’origine de l’exclusion de l’Assemblée nationale des neuf (09) députés de l’Anc ? Au Parlement, l’Ufc ne fait d’ailleurs que voter les projets de loi transmis par le pouvoir.
 
C’est manifeste, l’Ufc est devenue depuis quelque temps un accompagnateur du régime Faure Gnassingbé et à ce titre, ne saurait être encore considérée comme de l’opposition. « Un projet de loi portant statut de l’opposition discuté et adopté en commission à l’Assemblée nationale stipule : « Est considéré comme parti de l’opposition, tout parti ou coalition de partis politiques n’appartenant pas à la majorité parlementaire ou ne soutenant pas l’action du gouvernement » », a bien fait de rappeler le parti de Me Dodji Apévon, au cours d’une conférence de presse organisée le lundi 15 octobre dernier, avant de conclure, logiquement : « Il est constant aujourd’hui, qu’en dehors de l’ANC et du CAR, tous les autres partis parlementaires, non seulement soutiennent l’action du gouvernement, mais en sont membres ». Même Me Djovi Gally, jusqu’à récemment Porte-parole de l’Ufc et Conseiller particulier de Gilchrist Olympio, s’est indigné sur les ondes d’une radio de la place que le parti puisse encore se prévaloir de l’opposition tout en étant au gouvernement et soutenant les actions du pouvoir, sur la base d’un accord bilatéral et a parlé d’aberration. Mais l’ancien garçon de course à l’Ambassade du Togo en RDC, Gilbert Bawara, lui, trouve cela normal.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo
 

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