Vous êtes « FAUREmidable », Monsieur le Président !

. Et si le « Leader nouveau » était à bout de ses capacités à gouverner ?
2011 fait partie de l’histoire. A l’orée de la nouvelle année, le locataire du palais de la présidence togolaise a cru bon s’adresser à ses compatriotes la nuit de la Saint-Sylvestre. Un message à vite oublier, car expéditif et assez générique, sans prise sur l’actualité, ni bilan de l’année écoulée, ni perspective d’avenir. Toute chose qui fonde à se persuader que Faure Gnassingbé a atteint l’asymptote horizontale de ses capacités à gouverner et nous fait s’exclamer qu’il est « FAUREmidable !». Retour sur une allocution à l’allure d’SMS qui aura fait couler de l’encre.
Discours expéditif, creux et plat
Samedi 31 décembre 2011. 20 heures, sur la TVT. Les Togolais qui n’étaient pas encore conquis par Bacchus ont suspendu l’ambiance pour écouter celui qui préside à leurs destinées. Nombre d’entre eux ont dressé leurs tympans et s’attendaient à des annonces. Mais ils n’ont été réquisitionnés qu’à peine cinq (05) minutes. Le message a été expéditif ; on dirait Faure Gnassingbé pressé d’en finir avec ce rituel pour aller s’occuper de quelque chose de plus intéressant –hum…- Le tapuscrit de l’allocution (police Times New Roman, taille 12) tenait à peine sur trois quarts (3/4) de page de papier A4. « Faure n’a pas fait d’effort. Je n’ai pas l’impression d’avoir écouté un président de la République…C’est un SMS qu’il a envoyé au peuple togolais !», a pesté un compatriote, au terme de l’allocution. Il y a de quoi que ce discours suscite des réactions en cascade au sein de la classe politique et des forces vives de la Nation. A certains qui parlent d’arrogance et de manque de respect de Faure Gnassingbé à l’égard du peuple togolais s’adjoignent d’autres qui y voient un essoufflement ou un véritable aveu d’impuissance de sa part à gouverner le pays. Et pourtant il est encore jeune, et donc censé être plein d’énergie ! Ironie du sort, les messages adressés par nombre de leaders politiques à l’orée de cette année 2012 sont beaucoup plus étoffés que celui du locataire de la présidence de la République.
Quid du contenu de l’allocution du « jeune président », dites-vous ? Il était proportionnel à la taille du message : creux et plat, sans substance. Faure Gnassingbé a royalement occulté l’actualité sociopolitique du pays aux destinées duquel il préside. Même pas un petit bilan de l’année écoulée. « Grâce à vos efforts et à vos sacrifices, notre pays le Togo s’est remis depuis quelques années sur la voie du progrès. En 2011, nous avons enregistré, en dépit de tout, de nouvelles avancées dans le domaine économique et social. Elles sont un motif d’encouragement», c’est en tout cas ce qui peut y être assimilé, et c’est tout. Les Togolais n’auront certainement pas la chance de le voir s’y plier, bien que la Constitution togolaise en son article 74 l’oblige à faire devant l’Assemblée nationale l’état de la Nation ; un devoir auquel il a toujours dérogé. Un chef d’Etat qui s’adresse à ses compatriotes à l’orée d’une nouvelle année, sans perspectives d’avenir, sans annonce, il faut être au Togo pour le noter. Faure Gnassingbé n’a annoncé aucune décision, laissant ainsi ses compatriotes sur leur soif. A tel point que c’est Kuessan Yovodévi qui a dû prendre sa défense, arguant que c’est pour sauvegarder la sérénité des négociations que l’ « Esprit nouveau » s’en est gardé. « Faure est un pragmatique qui préfère les actes à la parole…Il n’a pas fait d’annonce car 2012 est une année de négociations (étudiants, enseignants…) », a-t-il dardé. Après lui, c’est son conseiller et défenseur, Gilbert Bawara qui monte au créneau pour laisser entendre qu’un message de vœu n’est pas un discours politique.
Comme le citoyen lambda
Bonne et heureuse année, santé d’acier, prospérité, succès, patati, patata, ce sont là les vœux que les communs des citoyens s’échangent à l’orée d’une nouvelle année. Et le 1er janvier dernier, les Togolais n’ont pas dérogé à la tradition. Certains ont même veillé pour être les tout premiers à envoyer des messages à leurs proches sous le coup de minuit. « Je forme ainsi le vœu ardent que l’année 2012, en laquelle nous plaçons beaucoup d’espoir, soit pour chacune et chacun d’entre vous une nouvelle année de grâce et d’espérance. Que 2012 apporte dans tous les foyers togolais, la santé, la paix du cœur et un mieux-être pour tous. En cette occasion de joie partagée, je suis de cœur avec nos compatriotes qui sont malades, les déshérités et tous ceux qui vivent dans la peine, la solitude et la détresse. Que Dieu dans son infinie bonté leur apporte en 2012 un peu plus de réconfort, d’amitié et de chaleur humaine…Je souhaite dans cette perspective que chacun connaisse le succès dans son domaine d’activité, dans la mission qui lui est confiée…Je réitère du fond du cœur, pour chacune et chacun d’entre vous, pour vos familles respectives mes vœux ardents de santé, de paix et de bonheur. Bonne et heureuse année 2012. Bonne fête dans vos foyers. Et Que Dieu bénisse le Togo ». Ce sont là les vœux ardents de Son Excellence Faure Gnassingbé. Beau geste de civilité !
Généralement les vœux s’expliquent par l’incapacité de l’Homme à maitriser l’avenir, raison pour laquelle il s’en remet tout le temps à la providence. Mais que celui qui préside aux destinées d’un pays, qui a donc les moyens, les pouvoirs décisionnels de changer le sort de ses gouvernés verse aussi dans ces genres de vœux génériques, c’est tout simplement pitoyable. Il s’est illustré comme le commun des citoyens, surtout que son message n’était accompagné d’aucune décision ni promesse.
Faure Gnassingbé, un cas particulier ?
C’est la grande inquiétude qui triture les méninges, d’autant plus que ses pairs d’autres pays ont accompli ce devoir dans son entièreté, en tout respect de la Constitution de leur pays ou tout simplement de leur peuple. Le président béninois Yayi Boni a prononcé son allocution le mercredi 28 décembre 2011, tenez-vous bien, devant les députés à l’Assemblée nationale et les autres corps constitués de la Nation, durant près de trois heures trente minutes d’horloge. Contre cinq (05) petites minutes pour Faure Gnassingbé. Le président béninois n’a pas manqué de faire l’état de la Nation. Alassane Ouattara, Blaise Compaoré et bien d’autres chefs d’Etat se sont adressés, comme il se doit, à leurs concitoyens, se prononçant sur l’actualité sociopolitique et économique dans leur pays, esquissant un bilan de l’année 2011 et faisant des annonces pour 2012, de quoi entretenir l’espoir chez leur peuple. Nicolas Sarkozy a aussi parlé aux Français. Comme il fallait s’y attendre, il ne pouvait pas ne pas aborder la question de la crise économique et financière que traverse la Zone Euro. C’était d’ailleurs le sujet phare, et il a même proposé des pistes de solutions. Le « Leader nouveau » lui, est resté en marge de cette dynamique. La crise estudiantine, la grève des enseignants etc, la flambée des coûts des produits de première nécessité, Faure Gnassingbé n’en a cure. Toutes choses qui fondent certains à conclure qu’il a tout simplement atteint les limites de son potentiel de gouvernance, ou qu’il est acculé par les soucis : menace estudiantine, dossier Kpatcha Gnassingbé et imminence du verdict suite à la saisine de la Cour de justice de la Cédéao par son conseil, imminence également de la décision de la cour communautaire dans le dossier des députés Anc sur leur réintégration ou pas, les ressentiments engendrés par sa tentative d’enterrer le Rpt et de créer son propre parti, affaire Hezbollah et les pressions de Washington…au point qu’il n’a même pas eu le temps de louanger, comme ses griots, l’élection de notre pays au paradis, que dis-je, au Conseil de sécurité de l’Onu en octobre dernier. En tout cas, on s’en convainc davantage quand on se rappelle son speech du 31 décembre 2010.
Retour dans le passé
En effet l’ « Esprit nouveau » était à l’époque débordant d’énergie. Il n’avait rien oublié qui puisse être mis au crédit de ses actions en faveur du bonheur (sic) des populations togolaises, même les plus insignifiantes. Scrutin présidentiel archi transparent et démocratique de 2010, accord antéhistorique entre le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) et l’Union des forces de changement (Ufc) de Gilchrist Olympio, processus de réconciliation conduit par Mgr Nicodème Barrigah à travers la CVJR, atteinte par le Togo du point d’achèvement de l’initiative PPTE…tout a été évoqué, et plein de promesses faites. Morceaux choisis : « Avec l’élection présidentielle de 2010 dont l’organisation a été unanimement saluée, nous avons franchi un point de non-retour. Les avancées de la démocratie et du pluralisme politique sont réelles et irréversibles au Togo » ; « Le Togo revient de loin, mais les fondements de la réconciliation sont enfin mis en place. J’en veux pour preuve la dynamique de l’ouverture à toutes les forces vives de la nation qui a permis à l’Union des Forces du Changement (UFC) et à bien d’autres d’entrer au Gouvernement et d’apporter ainsi leur contribution aux efforts de reconstruction nationale » ; « Grâce au soutien de nos partenaires qui sont tous de retour, nous avons ainsi pu engager ces dernières années des actions concrètes dans les domaines qui nous tiennent à cœur : la santé, l’éducation, l’agriculture, l’eau, l’assainissement, les infrastructures, etc » ; « Nous avons en effet démarré effectivement plusieurs projets, notamment dans le cadre de la réhabilitation des infrastructures routières et des services électriques aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur du pays » ; « Notre capitale est en train de devenir progressivement un vaste chantier. Les travaux engagés ici et là sont la promesse que Lomé, retrouvera sous peu, tout son charme et sa beauté d’antan, contribuant ainsi à accroître le sentiment de bien-être dans cette cité, si généreuse et si hospitalière » ; « Le Gouvernement s’est engagé dans un important programme de relance de la production qui a permis de dégager des excédents et de confirmer la capacité du Togo à aller au-delà de la sécurité alimentaire. C’est dans ce cadre qu’un programme d’investissement agricole et de sécurité alimentaire de grande envergure sera lancé dès 2011 pour apporter des réponses durables aux préoccupations des producteurs et à leurs organisations. Ce programme permettra de les accompagner dans les activités de commercialisation, de transformation des produits agricoles, avec un volet important d’infrastructures rurales. L’objectif visé est d’améliorer les revenus du paysan et de réduire la pauvreté en zone rurale » ; « Le Port autonome de Lomé étant l’une des plus belles ouvertures du Togo sur le monde, nous avons entrepris depuis quelques années d’en réhabiliter les infrastructures afin de le rendre plus performant et plus compétitif…Nos aéroports bénéficieront également d’investissements importants en 2011 » ; « Nous devons sans tarder accélérer le processus de décentralisation, ouvrir le chantier de la réforme institutionnelle et faire preuve d’audace pour surmonter les conservatismes qui entravent notre quête d’un vrai renouveau au Togo » ; « Nous avons décidé dans le budget 2011, d’affecter d’importantes ressources à l’amélioration des revenus des fonctionnaires. Les revenus les plus faibles seront bien entendu privilégiés. Notre objectif est de rehausser le pouvoir d’achat des travailleurs pour leur permettre d’accéder à une meilleure qualité de vie et de faire face à leurs besoins et à leurs responsabilités familiales, notamment en matière de santé et d’éducation ».
Même s’il se trouve des âmes à défendre Faure Gnassingbé pour ce message lapidaire adressé à ses compatriotes et à arguer qu’un message de vœu n’est pas un discours politique, il est évident que le 31 décembre 2010, c’en était un. Comment d’ailleurs celui qui préside aux destinées de six millions d’âmes peut-il se contenter de leur adresser juste des vœux, sans aucune annonce, comme le citoyen ordinaire ? On ignore si eux aussi méconnaissent la différence entre un message de vœu et un discours politique, mais toujours est-il que nombre de ses pairs se sont également adressés à leurs peuples et sont allés au-delà de simples vœux pour annoncer les couleurs de ce qui fera leurs préoccupations en 2012 et aussi dans les années à venir. Ce discours-SMS de nouvel an est, visiblement, un aveu d’impuissance de la part de Faure Gnassingbé à pouvoir trouver des solutions aux problèmes existentiels des Togolais, et bien au-delà, à gérer le pays.
Tino Kossi
source : liberte-togo.com

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