Ses suppôts le peignent comme le pont entre le Nord et le Sud, parce qu’issu de l’union d’un père kabyè et d’une mère éwé, et lui-même se pose en un Desmond Tutu togolais, c’est-à-dire le réconciliateur suprême des fils et filles du Togo, divisés par les 38 ans de règne de son défunt père et son débarquement fracassant au trône. Mais à l’épreuve du terrain, lui-même se révèle comme un grand diviseur de ses famille génétique et politique. Vous l’avez sans doute deviné, lui, c’est Faure Essozimna Gnassingbé.
 
Kpatcha embastillé jusqu’en 2029
 
Depuis le 15 avril 2009, Kpatcha Gnassingbé est privé de liberté. Il a été appréhendé ce jour et accusé de tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat, de vouloir donc renverser son frère Faure Gnassingbé. Et cela, après avoir échappé 72 heures plus tôt à la…mort. Eh oui, ce qui s’était passé cette nuit du 12 au 13 avril 2009 était une opération enclenchée pour tuer le député de la Kozah, au regard de son ampleur et des moyens mis. Pour de pseudos enquêtes préliminaires, c’est un corps d’élite de l’armée qui fut mis à contribution. Et les dégâts causés sont révélateurs des réelles intentions des ordonnateurs de l’opération. Le domicile du député était criblé de partout par les balles, lui et sa famille n’ont trouvé leur salut qu’en se cachant dans un abri souterrain construit, et surtout grâce à l’intervention de Rock Gnassingbé, à l’époque aux commandes du Régiment blindé de reconnaissance et d’appui (Rbra).
 
L’accusation portée contre Kpatcha ne tient qu’à un fil et jusqu’à ce jour, seuls ses détracteurs en sont convaincus. Malgré toutes leurs démonstrations, l’opinion n’en est pas persuadée. Mais Faure, décidé à coincer son demi-frère pour les motifs que lui seul connaît, n’a pas hésité à marcher sur le droit. L’élu du peuple a été appréhendé à l’époque, puis jugé en septembre 2011 sans levée de son immunité parlementaire. Bien avant son procès, de bonnes volontés avaient entrepris des médiations pour convaincre le plus Faure des Gnassingbé de laver le linge sale en famille ; mais rien n’y fit. Malgré la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants dénoncés par les avocats de la défense, des faits qui auraient pu pousser à l’annulation du procès et à la libération des détenus, le procès est allé jusqu’à son terme et Kpatcha et ses camarades d’infortune ont été condamnés à de lourdes peines assorties de déchéance civique. Le député lui, a écopé de 20 ans de prison et, sauf imprévu, devra y rester jusqu’en 2029.
 
Rock Gnassingbé paie son culot
 
Un fils d’Eyadéma, commandant d’unité, être rétrocédé et envoyé sur les bancs de l’école ? C’était une chose impensable du vivant du Père. Mais avec le Fils, tout est possible. Le tout-puissant Rock Gnassingbé n’est devenu qu’un militaire ordinaire. Il suit actuellement des cours d’Etat-major à l’Ecole des officiers supérieurs des Forces armées togolaises à Pya, pour normaliser son cursus. Même si sa promotion laissait à désirer, il nous revient qu’ils sont nombreux, ces officiers supérieurs à avoir sauté les étapes, à commencer par le chef d’Etat-major général, Atcha Titikpina. Personne n’est dupe, ces études de rattrapage auxquels Rock est astreint sont une sorte de punition à lui infligée, pour sa témérité qui l’avait vu porter secours à son demi-frère Kpatcha ce 12 avril 2009, et ainsi empêcher de le tuer. La première sanction fut son débarquement du Rbra ; la seconde, de la tête de la Fédération togolaise de football (Ftf). Et Dieu sait si après sa formation, Rock retrouvera un poste de commandement.
 
Tina jetée dans la rue en plein hiver
 
La fille aînée d’Eyadéma n’a plus accès depuis le 15 novembre dernier à la résidence parisienne sise 29e avenue du Maréchal Maunoury l’abritant jusque là. Faure Gnassingbe les en a fait expulser, elle et ses enfants, par les soins de l’inénarrable ambassadeur du Togo en France, Calixte Batossie (Voir lettre en fac-similé). Dans cette histoire, l’Ong « Compagnon de Cœur » a même écrit et appelé Faure Gnassingbé à la clémence, mais rien n’y fit (lire le document en encadré). Tina même avoue avoir tenté à maintes reprises de joindre son frère, afin de la sauver, mais en vain. Outrée, elle a dû lâcher le morceau jeudi dernier sur une radio de Lomé.
 
Les résidences acquises dans les capitales européennes par Eyadéma et les apparatchiks du clan Gnassingbé par l’argent issu du pillage des ressources du Togo se comptent par milliers, et ce serait un plaisir si Faure Gnassingbé pouvait les saisir et en expulser leurs propriétaires (sic). Est-ce la question de l’héritage dont la gestion de Faure est décriée par ses frères et sœurs, qui est au centre de cette affaire ? La sœur aurait-elle par hasard émis une critique sur la gestion globale qu’il fait du pays ? Le courrier de l’Ambassade parle de travaux de réfection ; mais personne n’est dupe, les vraies motivations de cette expulsion sont ailleurs. Mais quelles qu’en soient les raisons, difficile de comprendre que Faure puisse mettre dehors sa sœur, en plein hiver en France où meurent souvent de froid les Sans domicile fixe (SDF).
 
Certains y voient sa logique d’asphyxier financièrement ses frères et sœurs, pour les mettre au pas. Mais toujours est-il qu’avec l’affaire Kpatcha, il a réussi à diviser sa famille. Les révélations de Rock lors du procès en septembre 2011 sont évocatrices. De toute la fratrie, selon les informations, c’est seul Mey qui s’afficherait encore de façon ostentatoire aux côtés de Faure. Le Prince franchit les frontières de sa famille génétique et touche sa famille politique. On ne peut passer sous silence le cas Pascal Bodjona, arrêté dans la sombre affaire d’escroquerie internationale depuis le 1er septembre dernier et incarcéré dans les locaux de la Gendarmerie. Jusqu’à ce jour, personne ne sait de quoi l’ex- ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales est au juste accusé. L’opinion est d’ailleurs convaincue qu’il s’agit d’un règlement de comptes de Faure Gnassingbé à son ancien homme à tout faire. Le Prince se révèle finalement comme un grand diviseur. Ironie du sort, c’est lui qui crie à la réconciliation des Togolais.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo

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