Lomé accueillait mercredi dernier, la 16e session ordinaire du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa). Cette rencontre a vu passer en revue les questions qui intéressent la zone dont celle de la piraterie maritime, la prolifération des armes et le terrorisme, les crises au Mali et en Guinée Bissau, entre autres, mais aussi évoquer les perspectives économiques. Au terme des travaux, Faure Gnassingbé a été reconduit, « par acclamation », nous dit-on – pour ses compétences ? – à la présidence de l’Union. L’homme prononçait justement à l’ouverture des travaux, une allocution dont des pans ont suscité notre intérêt, notamment son appréciation des chefs d’Etat « brillamment » élus.
 
Faure aime donc les élections démocratiques !
 
« Permettez-moi de saluer aussi la présence parmi nous du Président Mahamadou Issoufou qui assiste pour la première fois à nos assises. Je voudrais en votre nom, lui réitérer mes chaleureuses félicitations pour sa brillante élection et lui renouveler mes vœux de succès dans les hautes charges que le peuple nigérien vient de lui confier », a-t-il déclaré, et d’adresser les mêmes civilités à son frère et ami béninois : « Je voudrais enfin renouveler mes chaleureuses félicitations au Président Yayi Boni pour sa brillante réélection et lui souhaite plein succès au cours de son nouveau mandat ».
 
Même si cela ne transparaît pas dans le discours, certainement qu’il a fait le même exercice à l’égard du président sénégalais Macky Sall dont l’élection mérite plus d’être soulignée, et il aurait eu sa dose de louanges. Surtout que l’hôte est arrivé dans notre pays depuis la veille du sommet. Plus que sa victoire, c’est la défaite cuisante infligée à Abdoulaye Wade qui a tenté de rempiler qui est beaucoup plus intéressante. D’ailleurs Faure Gnassingbé n’a pas hésité à s’afficher avec lui. Les photos des deux hommes ont trôné mardi et mercredi sur le site Balla Fasseke du pouvoir, entendez republicoftogo.
 
Le grand enseignement de ces propos est simplement que le « Leader nouveau » est un admirateur des chefs d’Etat bien élus et donc jouissant de légitimité, ce qui s’entend au travers d’élections transparentes, démocratiques et crédibles, où toutes les règles du jeu sont respectées. En clair, notre Faure national est donc un fan des élections démocratiques !
 
Et pourtant…
 
Il est constant que lorsqu’on aime quelque chose, on cherche à l’avoir. Et quand il s’agit d’un comportement, d’une vertu démocratique, pour un dirigeant d’un pays, on se doit d’en faire preuve. Avec une telle admiration vouée aux présidents nigérien et béninois, qui ont été brillamment élu et réélu, Faure Gnassingbé devrait organiser des élections acceptables comme au Niger et au Bénin, qui lui conféreraient la légitimité tant recherchée, et abhorrer toutes les pratiques qui trucident ces vertus de transparence et de crédibilité. Mais c’est à tout le contraire que l’on assiste avec lui. C’est plutôt la preuve d’un anti-démocrate qu’il a toujours donnée depuis que le destin (sic) l’a placé à la tête du pays.
 
En février 2005, son père avait à peine exhalé son dernier soupir qu’il bondit sur le pouvoir, après un coup d’Etat constitutionnel. Obligé de se retirer et de revenir de façon beaucoup plus civilisée, c’est-à-dire par les urnes, il marquera les esprits, en marchant sur les crânes et dans le sang d’un millier de compatriotes dont le seul tort était d’avoir voulu défendre leur vote qui était proprement détourné à son profit. L’excuse ici pourrait être que ce n’était pas lui aux commandes du pays à l’époque, et qu’il ne pouvait pas agir le cours du scrutin.
 
Pour la présidentielle du 4 mars 2010 où il rempilait pour un second quinquennat, c’était lui au pouvoir. Mais l’élection ne fut pas organisée comme celles qui ont porté Mahamadou Issoufou au pouvoir au Niger et offert un second mandat à Yayi Boni au Bénin, deux hommes qu’il a feint d’admirer. Même si cette fois il n’y a pas eu de morts, la fraude, les bourrages d’urnes étaient au rendez-vous, les conditions d’un scrutin démocratique absentes. Les règles de jeu édictées ont été savamment violées. On soulignera sans doute que le VSAT par lequel les résultats devraient être centralisés pour sauver leur crédibilité a été proprement saboté, et les résultats publiés sans authentification. Les éléments de preuve, les procès-verbaux de dépouillement du concurrent du candidat du pouvoir, c’est-à-dire Jean-Pierre ont été saisis juste pour l’empêcher de prouver sa victoire. C’est dans ces circonstances que Faure Gnassingbé a été proclamé réélu (sic), un verdict que Fabre et les siens ont du mal à digérer jusqu’à ce jour.
 
En octobre prochain, les Togolais seront à nouveau appelés aux urnes pour élire les députés mais aussi les maires. Mais c’est un secret de polichinelle, ces élections sont d’ores et déjà verrouillées, de par la façon dont elles sont conduites, mais aussi les règles du jeu édictées par le pouvoir. C’est en cavalier solitaire que le gouvernement est en train de préparer ces processus, contrairement à l’esprit recommandé par l’Accord politique global (Apg). Les projets de Code électoral et de découpage confectionnés unilatéralement ont été adoptés les 25 et 31 mai derniers malgré le défaut de consensus, et mieux, la réprobation générale. Des manœuvres visant tout simplement à pousser l’opposition au boycott, ce qui permettrait au couple au pouvoir de dérouler.
 
Faure Gnassingbé, l’admirateur des élections transparentes, et donc de la démocratie, c’est lui qui manœuvre pour rempiler en 2015, l’échéance de ses deux mandats légaux. Drôle d’admiration pour les biens élus, et donc pour les élections démocratiques non ? Autant de faits qui poussent à voir en ces déclamations une hypocrisie grandeur nature, une simple simulation visant à paraître beau aux yeux du monde.
 
 
Tino Kossi
 
 
liberte-togo.com
 

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