« Le développement dépend de la bonne gouvernance.
 
Et la bonne gouvernance signifie un système judiciaire équitable et indépendant, des élections
 
qui expriment la volonté du peuple »
 
Le Secrétaire adjoint au Trésor américain était au Togo où il a passé quarante huit heures. Mieux, il a, en bon analyste, débusqué les forces et les faiblesses de l’économie togolaise. Et devant les députés à l’Assemblée Nationale, il mettra un point d’honneur aux fléaux qui, selon lui, compromettent le développement du Togo et sa croissance économique. La mal gouvernance, notamment. Un fléau que le Togo, à l’instar de quelques autres pays africains, chérit, hélas.
 
A travers un discours qui a reçu un écho fort retentissant, Neal S. Wolin, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas ménagé le Togo. Certes, la courtoisie et la diplomatie dans les relations internationales exigent un langage qui n’a rien à voir avec celui qui se tient dans des relations entre métropole et colonie ou encore entre souverains et ses laquais. Reconnaître ce que l’on qualifie d’efforts réalisés par le gouvernement répond à cette logique. Et le visiteur américain n’y a pas dérogé. Ce rituel accompli, il a touché du doigt trois axes prioritaires de tout développement : à savoir les infrastructures, l’agriculture, l’investissement privé.
 
Mais le défi le plus important à relever, à l’en croire, c’est celui de la bonne gouvernance, reprenant à son compte le discours prononcé par Barack Obama, lors de son passage à Accra. Le développement, fait-il observer, dépend de la bonne gouvernance. Et la bonne gouvernance signifie avoir « des institutions démocratiques fortes auxquelles les citoyens peuvent faire confiance et auxquelles elles peuvent participer, un système judiciaire équitable et indépendant, des parlements qui représentent la volonté du peuple, des élections qui expriment la volonté du peuple ». Le plan dressé par Neal S. Wolin pour que le Togo relève le défi de la croissance économique se résume donc à la bonne gouvernance.L’avenir du Togo et celui de nombreux Etats de l’Afrique sub-saharienne tiennent à ce défi. Mais le Togo saura-t-il le relever ?
 
Des institutions fortes…
 
La démocratie, dit-on, doit non seulement se nourrir de principes mais aussi se doter d’institutions fortes. L’assemblée nationale est censée contrôler l’action du gouvernement. A ce titre, elle est, dans l’esprit de Montesquieu, censée être son contre-pouvoir. Mais au Togo, elle est en général la chambre d’enregistrement des décisions du gouvernement. Majorité présidentielle et majorité parlementaire se confondent allègrement et cela fausse le jeu démocratique. Là encore, si le jeu électoral était transparent et dégageait des résultats qui reflétaient effectivement la volonté populaire telle qu’elle est exprimée, l’on nuancerait ce raisonnement. Mais selon une loi écrite où nul ne sait, le même parti se maintient au pouvoir, s’adjuge la majorité des sièges à l’hémicycle, clochardise la presse, et soudoie autant que faire ce peut, toutes les institutions qui doivent en principe le contrôler.
 
La Cour des Comptes, la Cour constitutionnelle, la HAAC, la CENI ; toutes ces institutions brillent par leur complaisance envers le pouvoir en place. En lieu et place des institutions fortes, la démocratie togolaise (sic) s’est dotée des hommes puissants, sinon puissantissimes qui régentent les institutions au gré de leur humeur et de leurs intérêts. Comme le dit le Prof. Dodzi Kokoroko, directeur du Centre de droit public à l’Université de Lomé, ce sont les hommes qui font les institutions. Et au Togo, cette assertion se vérifie à maints égards. Quant à la confiance des Togolais en ces institutions qui n’incarnent que les intérêts du clan au pouvoir, il y a longtemps, bien longtemps qu’elle a disparu.
 
Un système judiciaire équitable et indépendant, une curiosité !
 
La justice togolaise est taxée d’être une justice à double vitesse, une pour les misérables qui battent tous les records numériques et une autre pour les puissants, une infime minorité. Beaucoup lui reprochent d’être trop caporalisée, corrompue, trop lente et coûteuse pour le citoyen lambda. Le fossé entre le justiciable et la justice est très énorme, sinon abyssal. Et en dépit du vaste programme de modernisation de la justice lancé à grand renfort médiatique et à coup de milliards FCFA investis par les partenaires, le statu quo perdure. Pourtant, l’unanimité est faite sur le principe selon lequel seul un pays qui assure la sécurité juridique et judiciaire attire les investisseurs étrangers. Cette énième leçon de démocratie donnée au Togo tombera pourrait-elle faire bouger les choses ?
 
Des parlements qui représentent la volonté du peuple, des élections qui expriment la volonté du peuple
 
Le Togo est une république. Et en tant que tel, il a opté pour un régime semi-direct. L’élection y est donc le mode de désignation du président, des députés, des sénateurs, et des dirigeants locaux. Et l’unique mode de dévolution du pouvoir d’Etat, reste le jeu électoral, en dehors du cas de vacance du pouvoir pour lequel le président de l’Assemblée nationale est qualifié pour assurer l’intérim. Quant à certaines questions jugées d’intérêt national, elles peuvent, à certaines conditions, être soumises au référendum. Une opportunité est ainsi donnée au peuple d’être directement associé à la gestion du pouvoir. Mais le jeu démocratique demeure un processus inabouti. Et plus de cinquante et un ans après l’indépendance du Togo, les acteurs politiques togolais en sont encore à organiser une foire d’empoigne autour de la question des réformes électorales. Et ceci, largement par la faute d’un clan qui demeure rétif au discours sur l’alternance politique pacifique et qui recourt à tous les moyens pour se maintenir au pouvoir. Et la volonté du peuple, à la fin, est travestie.
 
Le parlement togolais reflète-t-il la volonté du peuple ? Tout porte à croire que non. D’abord le nombre de suffrages exprimés en faveur de l’opposition parlementaire est supérieur à celui exprimé en faveur du pouvoir, mais par le jeu d’un découpage inique, œuvre de feu Eyadéma, le RPT a raflé 50 députés aux dernières législatives loin devant son principal challenger à l’époque l’UFC, 27 sièges et le CAR, 4 sièges. Mais ensuite, il y a lieu de rappeler le coup de force perpétré par le gouvernement RPT/UFC avec la complicité de l’Hémicycle et la Cour constitutionnelle pour expulser neuf députés apparentés ANC de l’hémicycle. Et ce, sur la base de lettres de démission en blanc de leurs postes de députés signées par ces derniers alors qu’ils n’étaient que candidats, lorsqu’ils seraient en rupture idéologique avec le parti. Et au mépris de l’article 52 de la Constitution togolaise qui arrache en principe le député de l’emprise de son parti. Et suite à leurs plaintes, l’UIP et la Cour de Justice de la CEDEAO ont condamné la forfaiture de l’Etat togolais et même demandé la réintégration de ces députés. Mais rien n’y fit. La volonté du peuple est ainsi doublement violée.
 
A tout prendre, le Togo est encore à des années lumière de la bonne gouvernance qui, selon le Secrétaire adjoint au Trésor américain, est une condition sine qua non du développement et de la croissance économique. Et la création de l’UNIR qui devrait sonner la fin des pratiques du RPT ne semble rien y changer. Bien au contraire.
 
Magnanus FREEMAN
 
liberte-togo.com
 

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