« Notre pays a accompli ces dernières années des progrès indéniables en matière de bonne gouvernance. Ces progrès doivent être consolidés et étendus. Le Gouvernement s’emploiera à promouvoir davantage et à ancrer au sein de la société togolaise la culture de résultat et l’obligation de rendre compte de la gestion de la chose publique, en poursuivant le processus d’assainissement des finances publiques en créant les conditions pour un fonctionnement optimal de l’Etat à moindre coût, et en maintenant le cap des réformes de l’administration publique et des institutions pour assurer aux usagers un service public de qualité et de proximité ». C’est ce que déclarait jeudi dernier Arthème Ahoomey-Zunu devant les députés, au niveau du second pilier intitulé « Respect des règles de bonne gouvernance ». Par ces mots, le Premier ministre par défaut entendait ainsi promouvoir la bonne gouvernance. Mais cette profession de foi est démentie par la non attribution même des ministères de la Défense et des Mines et Energie.
 
Trente et un, c’est le nombre de postes ministériels que compte le tout nouveau gouvernement. A l’annonce de sa composition le mardi 31 juillet dernier, il manquait le portefeuille des Mines et de l’Energie, un secteur pourtant important. De quoi surprendre nombre d’observateurs qui ne comprennent pas qu’un ministère aussi crucial ne soit pas pourvu. Mais le Premier ministre a situé l’opinion jeudi dernier, lors de la présentation de son programme de gouvernement. Le ministère des Mines et de l’Energie est provisoirement rattaché à la Primature. C’est l’information qu’il a donnée à ce propos. « La Primature gérera les Mines et l’Energie », avait justement titré republicoftogo. « Lors du vote de confiance, jeudi à l’Assemblée, le Premier ministre Ahoomey-Zunu a apporté des précisions en indiquant que ce Département était, pour le moment, rattaché à la Primature », y lit-on. Il nous revient que cette décision est motivée par le fait que la compétence idoine pour gérer le poste n’est pas encore dénichée. Soit. Mais comment comprendre que celui qui occupe le poste depuis quelques années, donc est supposé être compétent, Noupokou Dammipi, soit débarqué et parachuté aux Transports, et le ministère des Mines et de l’Energie laissé sans titulaire ? C’est là une parfaite illustration de la gestion hasardeuse des affaires.
 
Ainsi dit par Arthème Ahoomey-Zunu, le commun des Togolais devrait croire que le ministère est effectivement rattaché à la Primature et géré par ses bons soins. Mais dans les faits, il n’en est rien. Notre curiosité nous a poussés à vérifier l’effectivité de ce rattachement. Mais aucune source n’est arrivée à confirmer les propos du nouveau Premier ministre. De toute vraisemblance, cette annonce faite par le Premier ministre n’était destinée en réalité qu’à mettre un terme aux critiques qui enflaient autour de l’impasse faite sur ce ministère à l’annonce de la composition du gouvernement.
 
Les observateurs avisés démontent d’ailleurs cette allégation de rattachement à la Primature ou plutôt relèvent sa légèreté. Selon les sources bien indiquées dans les méandres de l’administration, le rattachement d’un ministère à un autre ou à une institution supérieure, comme la Primature ou la Présidence ne s’annonce pas de façon verbale ; mais c’est une décision qui est actée par un décret présidentiel, de façon formelle donc, et insérée au journal officiel, comme toutes les grandes décisions officielles. Ainsi, c’est le décret présidentiel pris par Faure Gnassingbé et lu le mardi 31 juillet par le tout récent Secrétaire général de la Présidence de la République, M. Patrick Daté Tèvi-Bénissan qui devrait l’indiquer. Mais ce n’était pas le cas. La voix d’Ahoomey-Zunu équivaut-elle à un décret présidentiel ?
 
Le cas du ministère des Mines et de l’Energie n’est pas isolé. C’est le même sort qu’a subi le ministère de la Défense et des Anciens combattants. Si au débarquement de Kpatcha Gnassingbé après les législatives d’octobre 2007, il était indiqué que le département est provisoirement rattaché à la Présidence de la République, depuis lors c’est le black-out total sur son sort. Depuis plusieurs gouvernements, plus rien ne se dit officiellement sur ce département. A quelle institution est-il rattaché ? Qui le gère ? Il faut être devin pour le savoir. C’est l’impasse totale.
 
La Défense est un portefeuille de souveraineté qui ne se brade pas à n’importe qui, et au Togo, ce sont les sécurocrates attitrés, Yotroféi Massina et Atcha Titikpina qui assurent cette tâche, par procuration de leur mentor Faure Gnassingbé. Chose anormale, car le ministère de la Défense n’est pas une institution autonome du gouvernement pour être traitée de la sorte. C’est un ministère comme tous les autres. Mais comment comprendre qu’un département d’aussi grande importance que les Mines et l’Energie ne soit pas pourvu ? C’est en effet un secteur important dans notre pays, qui regorge de ressources minières diverses exploitées en quantité industrielle dont le phosphate à Hahotoé, le fer à Banjeli, et dans une proportion moindre le calcaire, l’or et le diamant. Et si cette non attribution du poste était une stratégie pour empêcher d’avoir un interlocuteur désigné, snober les problèmes du secteur et créer les conditions de pillage à grande échelle ?
 
Cette hypothèse n’est pas à exclure lorsqu’on sait que le secteur est caractérisé ces derniers temps par une grogne permanente des populations victimes de l’exploitation des phosphates, et que des indiscrétions font état de l’exploitation en haute mer des ressources pétrolières, loin des yeux et des oreilles indiscrets. Le tout se passe aussi au moment où l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) relève des anomalies dans la gestion des minerais dans notre pays. Il faut redouter que la non attribution de ce ministère ne soit qu’une manœuvre pour permettre à la « petite minorité » décelée par Faure Gnassingbé de continuer à « accaparer les ressources du pays ». Même si dans les faits le poste est réellement rattaché à la Primature comme indiqué, il est évident que la performance ne sera pas optimale de la part du Premier ministre qui aura beaucoup de dossiers à gérer. Cette affaire n’est ni plus ni moins qu’une illustration de la promotion de la mauvaise gouvernance au Togo.
 
Tino Kossi
 
 
liberte-togo.com
 

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