L’altActuel président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) après l’avoir dirigée de 2001 à 2007, Me Sidiki Kaba a choisi désormais de rouler pour Faure Gnassingbé. Depuis quelques années, il est devenu l’un des inspirateurs du chef de l’Etat et le conseille sur les questions des droits de l’homme qui sont régulièrement violés. Une position qui fragilise la FIDH qui commence à se contenter des effets d’annonce suite à des cas avérés de violations des droits humains.
 
Tribun du respect des droits de l’homme hier…
 
Incarner un mouvement mondial de défense des droits humains, tel est le rôle de la FIDH. « Les droits de l’Homme sont le fondement d’une société garantissant l’égalité, la liberté et la dignité de chaque être humain. La FIDH, par sa légitimité, son expérience, ses méthodes et sa crédibilité, a un rôle unique à jouer pour contribuer à leur réalisation. Depuis 2009, la FIDH met en œuvre les chantiers prioritaires qu’elle a déclinés en priorités d’action : la liberté et la capacité d’agir des défenseurs, l’universalité des droits, notamment en faveur des femmes et des personnes migrantes dont l’inégalité de traitement constitue un obstacle majeur au progrès de l’humanité ; l’effectivité des droits humains pour que l’impunité ou l’irresponsabilité des auteurs de leur violation, qu’il s’agisse d’individus, d’États ou d’entreprises, ne puissent perdurer ; le respect des droits humains et l’État de droit en période de conflit, de situations d’urgence ou de transition politique », lit-on sur le site de la Fédération. Ainsi, ses présidents successifs n’ont jamais badiné avec le respect des droits de l’homme dans le monde entier.Le plus connu de ses dirigeants est le Sénégalais Sidiki Kaba, avocat de formation. Bien qu’étant le premier Africain à avoir dirigé la FIDH, Me Sidiki Kaba a laissé une très bonne impression. C’est sous sa présidence que la FIDH a mené des enquêtes sur les exactions perpétrées par les éléments de l’ex-chef rebelle congolais Jean-Pierre Bemba en Centrafrique, des crimes pour lesquels l’ancien Vice-président de la RDC est détenu depuis quelques années à La Haye. « Si l’on se réfère au précédent Omar el-Béchir, le Conseil de sécurité peut prendre cette résolution tendant à déférer Moussa Dadis Camara devant la Cour pénale internationale et qui conduirait à un mandat d’arrêt contre lui », disait-il en 2009 sur RFI dans le manteau de Président d’honneur de la FIDH.
 
Pendant qu’il était à la tête de la FIDH, il suivait de près la situation des droits de l’homme au Togo dirigé d’une main de fer par le général Gnassingbé Eyadema. Le 3 janvier 2003, il avait fait une intervention spectaculaire sur RFI pour dénoncer le tripatouillage constitutionnel du 30 décembre 2002 qui empêchait Gilchrist Olympio d’être candidat à la présidentielle de juin 2003. « Cette modification de l’article 59 de la Constitution instaure la présidence à vie à celui qui porte déjà le titre peu glorieux de doyen des chefs d’Etats qui est au pouvoir depuis plus de 35 ans ; il faut dire que c’est un coup de poignard porté à la démocratie africaine. Malheureusement cela illustre le coup d’Etat permanent dans ce pays depuis l’assassinat du premier Président Sylvanus Olympio en 1963, qui a ouvert la voie au pouvoir militaire kaki pendant près de 20 ans… », avait-il tancé.
 
De même, Sidiki Kaba et la FIDH avaient crié haro sur la succession héréditaire et les violations des droits de l’homme qui l’ont suivie. Le 7 février 2005, Sidiki Kaba avait cosigné avec Adoté Gandhi Akwei, président de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) d’alors, et Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’Homme (France), une lettre ouverte au président de la République française, Jacques Chirac, dans laquelle ils exprimaient leur préoccupation après «le coup d’Etat militaire» qui installa le fils dans le fauteuil du père. Les signataires de la lettre demandaient à la France de «condamner fermement ce coup de force et d’user de son influence internationale afin que l’ordre constitutionnel soit rétabli ».
 
Et lorsque Faure Gnassingbé a marché sur des cadavres pour monter au pinacle le 24 avril 2005, la FIDH avait adressé une lettre le 23 mai 2005 au président de la Commission de l’Union africaine d’alors, Alpha Omar Konaré, au secrétaire général de l’ONU , Kofi Annan et au Haut commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies de l’époque, Louise Arbour, pour réclamer une commission d’enquête. « L’impossibilité d’accès aux morgues, la disparition de dossiers médicaux dans les hôpitaux et centres de santé, l’afflux persistant de réfugiés dans les pays limitrophes (Ghana et Bénin) sont révélateurs de l’existence d’une situation de répression particulièrement grave et récurrente », avait déclaré Sidiki Kaba dans sa lettre.
 
Inspirateur de la dictature rampante aujourd’hui
 
Qu’est-ce qui s’est passé au point que le grand défenseur des droits de l’homme est devenu un ami et conseiller du jeune despote togolais ? Cette question, beaucoup de Togolais se la posent. Mais à y voir de près, tout est parti de l’audience qui s’est tenue en septembre 2005, c’est-à-dire deux jours après la sortie publique du rapport de la mission d’établissement des faits du Haut commissariat aux droits de l’Homme chargé de faire la lumière sur les violences et les allégations de violations des droits de l’Homme au Togo. « Le président togolais a dit à la FIDH avoir pris acte des observations et recommandations de l’ONU, tout en affirmant sa volonté d’initier un processus de réconciliation nationale. Pourtant, ayant eu la confirmation de l’existence d’un projet de loi d’amnistie, Sidiki Kaba a expliqué qu’« il n’est pas de réconciliation juste et durable sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice ; Et le droit à la justice confère à l’Etat des obligations : celle d’enquêter sur les violations, d’en poursuivre les auteurs et, si leur culpabilité est établie, de les sanctionner. Le président Faure Gnassingbé s’est engagé à examiner la situation dans son ensemble », avait exposé la FIDH à travers un communiqué rendu public.
 
Un an plus tard, plus précisément le 8 septembre 2006, une délégation de la FIDH, conduite par son président Sidiki Kaba, a rencontré Faure Gnassingbé à Paris. Dans un premier temps, la FIDH s’est prononcée sur l’Accord politique global (APG), la question de l’impunité, la mise en place dans les plus brefs délais de la Commission Vérité-Justice et Réconciliation prévue par l’accord politique global en précisant son mandat et sa composition pour assurer son indépendance, et les perspectives judiciaires. « La FIDH a également demandé à ce que les montants des cautions exigées par les juges pour la mise au rôle d’une plainte soient diminués pour permettre aux victimes d’user le cas échéant de leur droit d’accès à la justice. En outre, la FIDH a appelé le chef de l’Etat à prendre toutes les mesures utiles pour que le Togo ratifie dans les plus brefs délais le Statut de la Cour pénale internationale. Cette ratification constituerait un symbole fort de prévention des crimes les plus graves », avait indiqué la déclaration.
 
Mais quand il quitte la présidence de la Fédération en 2007, il a changé son fusil d’épaule et fait un trait sur les bonnes intentions jadis véhiculées. A chacun d’apprécier si 1/5 de ses recommandations a été mise en œuvre par le gouvernement togolais. Mais le désormais président d’honneur de la FIDH s’est allié avec le régime étouffant de Faure Gnassingbé. Il fait partie de ces fameux experts africains qui écument le palais présidentiel togolais.
 
« C’est depuis plusieurs années que Me Sidiki Kaba roule pour Faure Gnassingbé. Il vient régulièrement à Lomé et conseille souvent le chef de l’Etat sur la question des droits de l’homme. En plus, il est l’un des ardents défenseurs du régime à l’extérieur », affirme une source à la présidence. Et un ministre d’ajouter : « Nous avons réussi à le retourner ».
 
Des indiscrétions, c’est le Sénégalais Sidiki Kaba qui aurait conseillé à l’ancien président de la LDTH Me Yacoubou Hamadou d’aller au gouvernement. Et depuis, ce dernier se la coule douce et met à profit ses réseaux pour sauver la face quand le pouvoir est accusé de violation des droits de l’homme. Le cas le plus patent concerne les recommandations du rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) sur la torture. Après avoir falsifié puis reconnu quelques jours plus tard le rapport authentique, le gouvernement a annoncé le 29 février 2012, 13 mesures. A l’époque, c’est Me Hamadou, petit ministre des Arts et de la Culture, qui a été envoyé à la TVT pour expliquer aux Togolais les 13 « galéjades ». C’était juste du saupoudrage pour flouer l’opinion. Mais la FIDH manipulée par Me Hamadou et Sidiki Kaba s’est empressée de saluer cet acte pendant que son affiliée nationale, la LTDH, émettait encore des réserves. Ce communiqué publié le 1er mars 2012 par la seule FIDH qui, auparavant cosignait les déclarations avec la LTDH, a été nuitamment remis aux journaux proches du pouvoir qui l’ont relayé gaiement. La FIDH est allée jusqu’à commettre l’impair suivant : « Le directeur de la Sûreté aurait été mis aux arrêts pour sa responsabilité dans la perpétration de ces violations des droits de l’homme », alors qu’il n’en était rien. Le Directeur de la Sûreté n’est pas concerné par ce rapport et le principal responsable, c’est-à-dire le DG de l’ANR, le Colonel Massina Yotroféï, n’a jamais été interpellé même si des journaux pro-ANR l’avaient annoncé. Il faut rappeler que sur ce méli-mélo créé et entretenu par le tandem Hamadou-Kaba, la FIDH a dû publier deux déclarations.
 
Suite à ces malheureuses sorties, la FIDH s’est imposé la loi du silence sur les violations des droits de l’homme au Togo. Par exemple, elle est la seule organisation des droits de l’homme à ne pas avoir réagi aux exactions commises le 15 septembre dernier par des milices du RPT-UNIR sur des manifestants du Collectif « Sauvons le Togo ».
 
Aujourd’hui, Faure Gnassingbé et Sidiki Kaba sont amis comme cochon. Et le président d’honneur continue d’avoir une forte influence sur la FIDH dirigée depuis 2007 par la très effacée Tunisienne Mme Souhayr Belhassen.
 
R. Kédjagni
 
liberte-togo
 

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