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L’Etat togolais représenté par ses avocats va-t-il connaître une véritable déroute judiciaire devant la haute Cour de justice de la CEDEAO ? Même s’il est trop tôt pour le dire, les pronostics ne sont pas vraiment en sa faveur. Car, le mardi 10 décembre dernier, réunie à Ibadan, cette juridiction a rejeté les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par les avocats de l’Etat togolais. Quant aux avocats des plaignants, ils réclament le versement de 150.000.000 Fcfa à chacune des victimes et bien sûr, leur libération. Verdict attendu le 21 février 2013.
 
Les choses se compliquent pour l’Etat togolais dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé et codétenus. Les argumentaires de ses avocats, à savoir Mes N’Djellé, Martial Akakpo et autres, aussi séduisants soient-ils (sic), n’ont pas réussi à emporter l’adhésion des magistrats de la Cour de justice de la CEDEAO. A preuve, ceux-ci ont rejeté tour à tour l’exception d’incompétence et celle d’irrecevabilité de l’action par eux soulevées à l’audience du 30 octobre 2012. Une vérité cinglante confirmée hier par Me Jîl-Bénoît Afangbédji au micro de nos confrères de radio Victoire fm : « La Cour de justice de la CEDEAO a rendu l’arrêt sur les exceptions en se confirmant compétente pour connaître de notre demande. Elle a également récusé purement et simplement l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Etat togolais par le canal de ses conseils ». Des propos confirmés sur les ondes de RFI hier toujours par son confrère Me Djovi Gally.
 
Le débat tenant aux exceptions soulevées in limine litis étant tranché, les magistrats de la juridiction communautaire ont abordé le fond de l’affaire. C’est alors que les avocats de Kpatcha Gnassingbé ont invoqué trois moyens : d’abord la violation des droits de la défense, les détenus ayant été empêchés de rencontrer leurs avocats, que ce soit à l’ANR ou au camp Général Gnassingbé Eyadéma, justifient les deux avocats. Le problème de tortures subies par les détenus constitue le second moyen invoqué. Deux responsables de l’Association des Victimes de la Torture au Togo étaient d’ailleurs dans la salle d’audience et avaient assisté aux débats.
 
La torture, pour rappel, est un crime contre l’humanité, donc un crime imprescriptible. Elle constitue, avec le crime de génocide et le crime de guerre, les infractions qui fondent la compétence universelle. En vertu des dispositions de la Convention internationale portant interdiction du crime de torture et autres peines inhumaines, cruelles et dégradantes, lorsqu’au cours d’un procès, un cas de torture est allégué, le juge sursoit à statuer, ordonne une enquête dont le rapport lui permet de se déterminer. Si le fait allégué est réel, il prononce un abandon pur et simple des charges retenues contre l’inculpé. Dans ce cas, l’inculpé pourrait d’ailleurs contre-attaquer et poursuivre son accusateur pour lui avoir infligé des actes de torture. Le juge saisi ne pourra en principe poursuivre le procès jusqu’à son terme que lorsque les actes de torture prétendument subis par l’inculpé ne sont pas vérifiés.
 
Or dans le procès Kpatcha Gnassingbé et codétenus en revanche, l’Alchimiste du droit Abalo Pétchélébia a fait des pirouettes juridiques, condamné les inculpés nonobstant les allégations de tortures qu’ils avaient faites, et ordonné une enquête après coup. Laquelle conclura à la pratique d’actes de tortures sur les détenus. Ainsi, entre autres, les avocats des victimes ont-ils révélé à la Cour que leurs clients ont été gardés en isolement, privés de nourriture, soumis à des pelotons d’exécution, contraints de regarder le soleil pendant des heures sans bouger la tête, de dormir tout nus, aspergés d’eau et à même le plancher. Des cas de torture rapportés qui ont ému tous les membres de la Cour, témoigne Me Jîl-Bénoît Afangbédji. Et comme dernier moyen, la non-levée de l’immunité parlementaire de Kpatcha Gnassingbé, député en fonction au moment des faits.
 
Pour que justice soit faite à toutes ces victimes de la torture, leurs avocats réclament le versement du montant de 150.000000 FCFA à chacune d’elles. Mais aussi leur libération pure et simple. A la question de savoir s’ils sont optimistes, c’est une unanimité qui se dégage. Si Me Jîl-Bénoît Afangbédji affirme que « Nous sommes confiants parce qu’on ne va pas en guerre en victime résignée », Me Djovi Gally quant à lui, se veut rassurant : « S’il est avéré qu’il y a eu torture, il appartient à la Cour de tirer les conséquences et de prendre les mesures qui s’imposent. La Cour de justice peut ordonner la libération des personnes ayant subi la torture et qui sont encore en détention ». L’avocat n’en veut pour preuve que la jurisprudence « Mamadou Tandja » où la Cour de justice a ordonné à l’Etat du Niger de libérer cet ancien chef d’Etat qui avait voulu jouer aux apprentis dictateurs, en tentant de toiletter, seul contre tous, la constitution et de faire sauter le verrou de la limitation des mandats.
 
Le verdict est attendu le 21 février 2013. Mais vivement que le droit et rien que le droit soit dit dans ce dossier. Et que des formules du genre « qu’on réintègre les détenus dans leurs droits » sans préciser qu’on les libère soient évitées. Elles ont déjà été source de polémique entretenue dans ce pays dans l’affaire des neuf députés ANC exclus du parlement. L’occasion serait belle pour la Cour de justice de la CEDEAO de redorer son blason terni au Togo, du fait des accointances de sa présidente Awa Nana avec le clan Gnassingbé au pouvoir, de père en fils. Magnanus FREEMAN
 
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