20 ans de réclusion, confiscation générale de tous ses biens, déchéance de ses droits civiques, c’est la sentence prononcée contre le tout-puissant Kpatcha Gnassingbé. La coupe doit être très amère à boire, mais il est obligé de faire avec. A moins que le Saint Esprit descende entre-temps sur Faure Gnassingbé et lui ordonne de lui accorder une grâce pour la rémission de ses péchés – Dieu sait qu’ils sont… -, le « Gros » devra encore passer environ 18 bonnes années en prison, après la parenthèse de deux ans et demi passés à l’Agence nationale de renseignement (Anr) et ne devrait humer l’air frais de la plage, qui se trouve pourtant à quelques pâtées de son actuel logis, qu’en…2029. Il l’a cherché et il l’a trouvé, laissez Kpatcha porter tout seul sa croix, il ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort…ce sont ces genres de réactions que font certains compatriotes qui ont encore vivace à l’esprit son rôle lugubre dans les violences électorales d’avril 2005 ayant coûté la vie à un millier de Togolais. A tort, puisque ce sont tous les citoyens ordinaires qui se retrouvent en sursis, avec ce sort subi par le député.
 
Kpatcha Gnassingbé, ce n’est pas n’importe qui. C’est celui-là même qui avait concédé le fauteuil présidentiel qu’il convoitait aussi, à son frère Faure le 5 février 2005, au moment où leur défunt père cassait la pipe. Il avait fallu la médiation de la Première dame pour arracher ce modus vivendi. Ce fair-play et cette élégance (sic) méritent d’être récompensés à leur juste valeur. Le coup de force constitutionnel ayant suscité un tollé général et la communauté internationale ayant fait pression pour une succession par voie électorale, il fallait tout entreprendre pour conserver le pouvoir dans le giron familial ; même si le prix à payer était de massacrer un millier de Togolais. Le « Gros » a accepté jouer au « bad boy » pour offrir à Faure le fauteuil sur un plateau d’or. Ce sacrifice aussi mérite gratitude. La majorité mécanique du Rassemblement du peuple togolais (Rpt) aux législatives du 14 octobre 2007, le parti la lui doit, pour ses investissements tant matériels que financiers. Et le grand bénéficiaire de cette majorité n’est autre que Faure Gnassingbé qui voyait ainsi son pouvoir renforcé et en jouit jusqu’à présent. Même s’il n’a rien fait pour sa réélection scandaleuse en mars 2010, à raison d’ailleurs puisqu’il était coffré dans cette histoire de tentative ou de complot pour préparer un attentat contre la sûreté de l’Etat, Faure Gnassingbé doit, du moins en partie, son règne à Kpatcha. C’est donc grâce au « Gros » qu’il goûte aux privilèges du fauteuil : honneur, fringues, voyages, délices et jouissances de toutes sortes. Un tel homme, on lui doit respect et considération pour la vie. C’est malheureusement un tel « bienfaiteur » qui est coincé entre les quatre murs de la prison civile de Lomé, et en a jusqu’en 2029 !
 
Kpatcha Gnassingbé, c’est aussi un député. Et un élu du peuple est protégé par une immunité parlementaire. Il ne peut en principe pas être appréhendé comme un citoyen ordinaire. Pour le faire, on est obligé de lever tout d’abord cette immunité. Mais on n’a pas hésité à envoyer un contingent de militaires le zigouiller dans la nuit du 12 avril 2009. La maison, les chambres et même les lits ont été rafalés par les éléments de Félix Kadanga, et le « Gros » n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention de son frère Rock, à l’époque aux commandes du Régiment blindé de reconnaissance et d’appui (Rbra). La volonté de l’assassiner était manifeste. Trois jours plus tard, en violation flagrante de la loi, ses détracteurs l’arrêtèrent sans levée de son immunité parlementaire. Les cris de désapprobation des avocats et autres défenseurs des droits de l’Homme n’y ont rien fait, le député a été illégalement gardé en prison durant deux ans et demi, privé de visites. Il a fallu des pressions internationales pour voir le procès organisé. Et de quelle façon encore !
 
Jusqu’au démarrage du procès le 1er septembre dernier, et même jusqu’à ce jour, Kpatcha Gnassingbé est député de la République. Il avait même défié Abalo Pétchélébia en portant l’écharpe distinctive à l’ouverture du procès de la honte. A raison d’ailleurs, puisque son immunité n’a pas été levée. C’est donc un élu du peuple qui a été jugé et est coffré sans levée de ce bouclier . C’est un véritable putsch juridique qui a été opéré. Les nombreux vices de procédures qui entachent le dossier et les exceptions scandaleuses soulevées par les avocats de la défense n’ont pas eu raison de la détermination des détracteurs de Kpatcha à l’envoyer au gnouf. Abalo Pétchélébia a même entravé la manifestation de la vérité en couvrant des témoins cités à la barre et en ménageant ses efforts pour faire comparaître des gens cités, comme l’employé de l’Ambassade des Etats-Unis au Togo Bawa Zack et le Commandant de la Gendarmerie Yark Daméhane dont les éléments auraient appelé en renfort Félix Kadanga cette nuit du 12 avril 2009. Ce dernier a même eu le courage de prononcer devant la Cour le verdict avant l’heure, sans aucun reproche du « juge inique ». Malgré les témoignages accablants de tortures, le plaidoyer des avocats de la défense, le député a été condamné à vingt (20) ans de prison ferme, déchu de ses droits civiques afin de ne pouvoir rien réclamer par après ; le comble, la Cour a prononcé la confiscation générale de ses biens, ceci pour le démunir et lui enlever tous les moyens de ses ambitions.
 
Beaucoup de Togolais, et certainement Kpatcha lui-même, l’auraient pris pour une bonne blague si quelqu’un lui avait prédit ce sort. Et pourtant c’est la triste réalité aujourd’hui. Si le « Leader nouveau » a eu le courage de faire attaquer à l’arme lourde son bienfaiteur de frère, et en plus député et lui réserver un sort aussi triste, c’est dire que pour le citoyen ordinaire, à qui il n’est redevable en rien et qui n’est pas couvert par une certaine immunité, c’est vite fait, et en un clin d’oeil. Ce sont tous les six millions de Togolais qui sont alors en sursis.
TINO KOSSI
 
source : liberté hebdo

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