Deux ans après le mitraillage du car de l’équipe du Togo lors de la Coupe d’Afrique des nations 2010 en Angola, Kodjovi Obilalé, handicapé à vie depuis cet attentat, se débat parmi les difficultés matérielles et dresse un portrait peu amène d’un certain monde du foot. »Il faut arrêter les slogans sur la grande famille du foot. En fait, c’est chacun pour sa gueule, chacun dans sa merde », explique posément l’ancien gardien des Eperviers.
Revenu vivre à Lorient, en Bretagne (ouest de la France) après deux mois d’hospitalisation en Afrique du Sud et six mois de rééducation au centre breton de Kerpape, l’ex-gardien de Pontivy (CFA), 27 ans, ne se déplace plus qu’avec des béquilles.
« Je ne peux pas faire plus de 100 mètres d’un coup, à cause de la douleur. Mais c’est déjà ça: c’était pas au programme que je remarche », dit-il.
De son passé de footballeur, l’ancien joueur a conservé une belle prestance et une voiture puissante.
Mais il doit se contenter aujourd’hui de 700 euros de pension d’invalidité et a dû troquer son ancien appartement pour un modeste rez-de-chaussée.
« Sept cents euros, tu ne vis pas avec ça. J’ai encore quelques économies. Mais demain? Ma carrière est finie, je fais comment? », s’interroge ce père de deux enfants de 3 et 9 ans.
Le mitraillage du car le 8 janvier 2010 dans l’enclave angolaise de Cabinda, quelques jours avant le début de la CAN-2010, avait endeuillé la compétition. Deux membres de la délégation avaient été tués et neuf autres blessés, dont Kodjovi, le plus grièvement.
« J’ai pris deux balles d’AK47 au niveau lombaire, qui m’ont compressé la moelle osseuse, entraînant un dysfonctionnement musculaire de la jambe droite, une paraplégie partielle », détaille-t-il.
Rapatrié avec l’aide de la Fédération française de football, qui lui a alloué 10.000 euros, le joueur a touché 100.000 dollars de la FIFA et 35 millions de francs CFA (environ 53.000 euros) du Togo.
« Les 100.000 dollars de la FIFA ont couvert les soins et les loyers impayés », précise l’ancien joueur, qui ne touche aucune autre pension à ce jour et n’a jamais été indemnisé ni par l’Angola ni par la Confédération africaine de football (CAF).
« Le but n’est pas d’avoir plein de sous et d’être fainéant, mais de faire valoir mes droits. J’étais parti là-bas dans le cadre d’une sélection officielle, pour une compétition officielle », rappelle-t-il.
Samedi, la cérémonie d’ouverture de la CAN-2012, coorganisée par le Gabon et la Guinée équatoriale, a rendu hommage à l’ancien président gabonais Omar Bongo. Mais « il n’y a pas eu un mot pour les victimes de l’attentat » de 2010, relève l’invalide.
« La CAF, ce sont des gens qui n’en ont rien à foutre, écrivez-le. Il faut être un joueur connu comme Samuel Eto’o ou Didier Drogba pour qu’on vous prenne au sérieux. Pourtant, on tape dans le même ballon, même si on n’a pas le même statut », souligne l’ex-gardien.
Aujourd’hui, Kobilalé compte ses alliés sur les doigts de la main.
Parmi eux, son ancien sélectionneur Hubert Velud, qui prend régulièrement de ses nouvelles, son compatriote du FC Lorient Alaixys Romao, rescapé du mitraillage, et l’Union nationale du football professionnel (UNFP), qui défend son dossier.
« Heureusement que l’UNFP est là, alors que comme amateur je n’étais pas adhérent. Mais je suis déçu par le monde du foot. Je trouve davantage de soutien chez des inconnus. Avant, je ne voyais pas les choses comme ça, c’était la fête. Maintenant, je comprends mieux. C’est un monde de mythos », dit-il.
L’ancien joueur a passé un bilan de compétences et veut suivre une formation « en informatique ou en comptabilité »: « Mais rien n’est possible tant que je n’ai pas le titre de travailleur handicapé, que j’attends depuis deux ans ».
Il a également déposé les statuts d’une association, « Joie de vivre », pour « accompagner les sportifs qui sont oubliés. Ceux qui n’ont pas pu atteindre leur rêve, suite à un drame ou une blessure ».
« Il faut rester un guerrier, un exemple », martèle-t-il.
AFP / leparisien.fr

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