INTERVIEW – «20 Minutes» a rencontré la seule femme candidate à l’élection présidentielle sénégalaise, à l’heure où la candidature du président sortant continue de faire des remous…
De nos envoyés spéciaux à Dakar,
Parmi les quatorze candidats en lice pour le premier tour de l’élection présidentielle, elle est la seule femme candidate. Amsatou Sow Sidibé, professeur de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, se présente comme une femme «aux mains propres» mais sans moyens pour faire campagne. 20 Minutes est allé à sa rencontre…
Quel regard portez-vous sur les manifestations de ces derniers jours [mardi à Dakar, une manifestation étudiante a fait un mort]?
Les manifestations en tant que tel, je ne les ai pas mal vécues. Elles sont, je crois, la manifestation de la démocratie. En revanche, j’ai très mal vécu le fait qu’elles aient dégénéré. Cela a conduit à la mort d’un étudiant et cela n’est pas acceptable. Je suis très attachée à la démocratie, mais tout autant à la paix. La paix, c’est un droit fondamental de la personne humaine et, de surcroît, un droit qui, s’il n’est pas respecté, hypothèque tous les autres droits.
Aujourd’hui, au Sénégal, la paix vous semble-t-elle en danger?
Oui. Depuis un certain temps déjà, je constate que sont prises des décisions susceptibles de mener le pays vers un conflit armé. J’ai de l’expérience en la matière puisqu’en tant qu’experte des Nations unies, j’ai vécu la guerre en Côte d’Ivoire et je sais qu’entrer en conflit est beaucoup plus facile que d’en sortir.
Vous pensez que le président Abdoulaye Wade pourrait hypothéquer la paix de son pays pour se maintenir au pouvoir?
Cela fait un an que j’exprime le fait que le président Wade ne devrait pas maintenir sa candidature. Une voie politique doit être trouvée pour faire cesser le conflit qui s’est noué autour de celle-ci. Nous n’allons pas allonger cette liste macabre de pays en guerre sur le continent africain… Je le refuserai de toutes mes forces. Mais par quoi ont été provoqués ces conflits? Par la question de la dévolution du pouvoir!
En tant que femme candidate à l’élection présidentielle, pensez-vous porter un message différent des autres candidats?
D’abord, je voudrais souligner que je suis une femme «aux mains propres» mais sans moyens pour faire campagne. Il faut m’aider à lever des fonds. Ensuite, je suis une femme, qui, en tant que telle, s’est battue pendant des décennies pour la promotion des droits des femmes et du leadership féminin. Car il n’y a pas de démocratie sans participation de la moitié de la population! C’est aussi une question de développement, car c’est autant de bras et d’esprit qui, en étant partie prenante du processus politique et civique, peuvent mettre la main à la pâte.
Quels sont les défis qui attendent le Sénégal?
Le plus grand défi du Sénégal, c’est de remettre l’humain au centre des préoccupations politiques: il faut combattre la chèreté de la vie; l’éducation doit être à la portée de tous les enfants et la santé doit être prise en charge. Mais ce n’est pas tout: l’impunité doit cesser et la corruption combattue. Beaucoup d’argent entre dans le pays et je promets, si j’accède au pouvoir, de la gérer en bonne mère de famille.
Vous parlez de la chèreté de la vie, mais le président Wade a récemment revalorisé les salaires dans la fonction publique…
Il a fait des choses, de bonnes choses. Mais, maintenant, la Constitution lui dit de partir et il faut qu’il parte. Laissons lui prendre une retraite dorée. S’il renonce, nous pourrons faire de lui notre Nelson Mandela! Toutes les personnes qui, dans son entourage, le poussent à rester au pouvoir ne lui rendent pas service…
Vous faîtes allusion à son fils [au Sénégal, nombreux sont ceux qui soupçonnent Abdoulaye Wade de vouloir transmettre le pouvoir à son fils]?
Je ne fais allusion à personne. Je veux simplement souligner que c’est en toute démocratie qu’il a pris le pouvoir en 2000 et qu’aujourd’hui il a le droit de quitter le pouvoir de la même façon.
20minutes.fr

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