Solitoki_Ecole
 
strong>Le plus dur pour les parents d’élèves est souvent d’assurer à leurs enfants la rentrée, payer leurs fournitures et s’acquitter de leurs frais de scolarité. Mais ceux dont les rejetons doivent passer les examens du Certificat d’études du premier degré (Cepd) et du Brevet d’études du premier cycle (Bepc) ont du souci à se faire. Surtout lorsqu’ils n’ont pas respectivement onze (11) et quinze (15) ans révolus.
 
Circulaire du 4 octobre 2012
 
C’est une note circulaire (N°060/MEPSA/CAB/SG) datée du 4 octobre 2012, adressée aux directeurs régionaux et inspecteurs de l’éducation nationale, conseillers pédagogiques, chefs d’établissements, directeurs d’écoles et enseignants qui a annoncé les nouvelles mesures « à mettre en œuvre dès le premier jour de l’année scolaire par les enseignants » dans le cadre de l’exécution de la Déclaration de politique sectorielle de l’éducation (DPSE) et du Plan sectoriel de l’éducation (PSE) adoptés par le gouvernement en 2009 et 2010, pour la période 2010-2020 et visant, dit-on, à permettre au pays d’atteindre la Scolarisation primaire universelle (SPU) et les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement). Ainsi pour être désormais admis au cours préparatoire 1ière année (CP1), il faut avoir cinq (05) ans révolus, en Sixième onze (11) ans au moins et être nanti du CEPD, et en Seconde quinze (15) ans au minimum en plus du BEPC.
 
Le ministre des Enseignements primaire, secondaire et de l’alphabétisation, Esso Solitoki se défend d’avoir pris un arrêté et inventé de nouvelles mesures, et argue qu’il ne s’agit que d’un rappel des dispositions de la Réforme de l’enseignement au Togo qui date de 1974. Selon les défenseurs de ces mesures, il s’agit par ce rappel de mettre fin à une pratique consistant à inscrire très tôt des enfants à l’école qui se généralise et tend à s’imposer comme la norme et « viole la réglementation en vigueur ».
 
Démarche viciée
 
« Dans la pratique, quand il s’agit d’une nouvelle mesure et surtout lorsqu’elle parait contraignante et peut susciter des frustrations, les acteurs du secteur en sont suffisamment informés en amont, une façon donc de les préparer psychologiquement à l’accepter et une sorte de moratoire est fixée pour son entrée en vigueur… J’avoue que je n’arrive pas à comprendre des fois nos gouvernants… ». C’est la réaction suscitée par l’annonce de la nouvelle chez un ancien inspecteur de l’éducation. Et Dieu sait que les réactions sont pareilles chez la plupart des parents d’élèves.
 
Le bon sens ne voudrait-il pas donc qu’avant l’entrée en fonction de ces mesures couperet, une campagne d’information et de sensibilisation autour de l’arrêté soit organisée, histoire d’expliquer le bien-fondé de ces dispositions aux différents acteurs de l’éducation ainsi qu’aux parents ? Surtout qu’on crie à la modernisation de l’administration? Malheureusement, rien n’a été fait dans ce sens. Pas de consultation des différents acteurs de l’éducation, pas d’atelier de sensibilisation. Le plus cocasse, à peine ont-elles été communiquées que ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur depuis la rentrée scolaire d’octobre dernier.
 
Une décision à la limite de l’irrationnel
 
Admettons qu’il ne s’agisse que d’un rappel de mesures existant depuis 1974 mais qui n’étaient pas appliquées. Mais il est constant que les lois sont toujours taillées dans des circonstances précises. On parle de l’esprit des lois. Si peut-être ces mesures se justifiaient à l’époque, il faut parier que les contextes ne sont plus les mêmes aujourd’hui. En tout cas, les parents n’envoyaient pas aussi tôt leurs enfants à l’école.
 
On tue l’intelligence des enfants lorsqu’on les envoie précocement à l’école. Voilà une assertion répandue dans la masse sans doute par les partisans de ce rigorisme. Soit. Mais dans un monde qui se veut scientifique, et pour faire preuve de gouvernance moderne et efficiente, les choses devraient être faites de façon civilisée. Par exemple le gouvernement devrait commander une étude débouchant sur de pareilles conclusions, et ce sont ses résultats qui doivent être brandis pour légitimer de telles restrictions. Et là, l’argument idéal serait que c’est le bonheur des enfants que le gouvernement cherche. Mais rien n’a été fait dans ce sens. Le prétexte de simple rappel de mesures existant depuis 1974 développé par Esso Solitoki et les siens tient-il la route ?
 
Il faut le dire sans détour, les nouvelles mesures sont à la limite de l’irrationnel. Vu que nous sommes dans un monde moderne, avec des réalités bien différentes de celles d’il y a 40 ans. On est à l’ère de l’ordinateur, du téléphone portable, du Ipad et consorts, avec des enfants plus développés physiquement que leur âge et éveillés. Contrairement à l’époque où certains élèves obtenaient le CEPD au-delà même de 20 ans, aujourd’hui la plupart des enfants entrent en classe de Sixième entre 8 et 10 ans. Ce que leurs aïeux de 20 ans et plus assimilaient difficilement, eux ils le font aisément. Ramener des mesures aussi vieillottes, c’est sacrifier l’intelligence de ces milliers d’enfants qui seront la relève de demain. Et on a toutes les raisons d’être révolté. Comme Alexandre Adognon, chargé de la formation à l’Union des fondateurs d’établissements privés laïcs du Togo (UFEPLAT), psychologue de son état qui a crié son amertume, dans une interview accordée à nos confrères de pa-lunion.com. « C’est contre les enfants, c’est contre l’enseignement ! … Il n’est pas bon d’arrêter les enfants qui sont capables de faire quelque chose. Dans les centres d’écrit de CEPD, si vous fouillez tous les dossiers de Lomé seulement, vous trouverez dans les dix premiers, seulement des enfants de neuf ans et de dix ans, voire de huit ans, qui sont parmi les dix meilleurs», a-t-il pesté, avant de balayer du revers de la main le préjugé mis en avant par les partisans de ces mesures scélérates : « On nous a fait entendre que les enfants là qui reçoivent tôt le CEPD, le BEPC décrochent très tôt. Et moi je dis non, en ma qualité de psychologue. Les critères qui font décrocher un élève, un étudiant de l’école, sont souvent des problèmes sociaux. Ça dépend des conditions dans lesquelles l’enfant vit à la maison, de l’amour, de l’affection que lui portent tant les parents que l’école. Quand l’enfant va se trouver dans une école où il y a des bâtons sur la table pour le taper à tout moment, il peut décrocher, même s’il est un surdoué ».
 
A cette allure, il faut redouter le retour de cette pratique qui consistait pour l’enfant à pouvoir toucher ses oreilles avec ses bras en les passant sur la tête. Esso Solitoki n’est peut-être pas loin de demander désormais que les élèves viennent à l’école avec des pagnes noués autour de la taille, comme au temps colonial. Mais y a-t-il des motivations cachées dans l’application de ces mesures déraisonnables ? Ceux qui voient qu’il y a des motivations politiciennes derrière et pensent que l’objectif est d’abrutir les enfants des Togolais ordinaires pour maintenir davantage le peuple dans la servitude sont-ils dans le tort ? Le plus révoltant dans cette histoire, c’est que les enfants des gouvernants, eux, étudient dans les plus grandes écoles européennes où ces restrictions d’âge n’existent pas. Esso Solitoki n’est-il pas enchanté d’entendre que le plus jeune bachelier de l’année en France n’est âgé que de quatorze (14) ans ?
 
Tino Kossi
 
liberte-togo
 

1 commentaire

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here